(BO officielle à écouter pour bien apprécier l'ambiance du film : https://www.youtube.com/watch?v=bRkHrthIezw)  

1947  

(voix d'un enfant) - Maman ! Quand je serai grand j'aurai plein de métiers !  

(voix de Virginia Kirdar) - Tu feras tout ce que tu voudras mon petit. C'est toi qui décides.  

- Alors je serai... pompier !  

- Ah euh, non. Trop dangereux.  

- Zut. Alors, je serai... maçon !  

- Non, tu es trop intelligent pour ça, enfin, voyons.  

- Flûte alors. Heu... et footballeur ?  

- Tu es trop fragile.  

- Pâtissier ?  

- Trop gourmand. Tu seras vite énorme.  

L'enfant s'éloigne et se met à grommeler.  

- Pfff. Fait chier, la vieille.  

1967  

L'homme au teint patibulaire observe le jeune homme (Ronald Knight) d'une vingt-cinquaine d'années. Ils sont dans le bureau d'une grande maison de disques. L'homme observe une feuille de papier. C'est le CV du jeune homme.  

- Moui. Alors. Vous vous appelez Yvan-Chrysostome... Attendez, c'est votre vrai prénom ?  

- Oui. Mais je préfère qu'on m'appelle Carlos. C'est en hommage à...  

- Nan j'aime pas, ça sonne métèque. On trouvera autre chose.  

- Ah.  

- Votre nom de famille... Dolto ? Arf, comme Françoise Dolto ! La célèbre psychanalyste pour enfants reconnue pour sa pratique spécifique dans ce domaine mais également pour son apport théorique à la psychanalyse, en particulier sur l'image inconsciente du corps.  

- C'est ma mère.  

- N'importe quoi.  

- Si promis.  

- Ah bon. Ok.  

L'homme regarde encore le CV alors que Carlos transpire beaucoup.  

- Vous avez fait des études de kinésithérapie ?  

- Oui.  

- Alors je crains que vous n’ayez pas le profil pour le music-hall.  

- Je suis un très bon ami de Sylvie Vartan.  

- Ah ok. Signez là.  

Un peu plus tard, Carlos rentre chez lui. Malgré son embonpoint naissant, il est encore un beau jeune homme, plutôt bien charpenté.  

- Môman, je suis là.  

- VA ESSUYER TES PIEDS !!!  

Malgré sa voix grave, Carlos baisse les yeux et s'exécute. Puis il se dirige vers la cuisine en formica où sa mère (Virginia Kidar), la célèbre Françoise Dolto, boit un café froid dans un verre en pyrex orange. Elle affiche un regard noir aussi noir que son café.  

- T'y es allé quand même, hein ?  

- Oui, môman.  

- Tu vas aller faire le zouave avec ton amie Sylvie et ses copains les yéyé, Johnny Holiday et compagnie ?  

- Oui, môman.  

- MAIS BON SANG DE BOIS !!! QU'EST-CE QU'ON VA FAIRE DE TOI !!! UN SALTIMBANQUE ? MAIS QUE DIRAIT TON PAUVRE PÈRE ?  

- Bah on verra quand il rentrera du boulot.  

- Mmmh. Tu as toujours su avoir le dernier mot. Sale gosse.  

Et Carlos retourne dans sa chambre, sous le regard courroucé de Françoise Dolto.  

Une fois assis sur son lit, il attrape le dernier 45 tours d'Annie Cordy et le pose sur son tourne-disque. Il ferme les yeux et rêve déjà au destin hors-du-commun qui l'attend. Il se promet qu'il deviendra le plus grand, aux côtés de Joe Dassin, Eddie Barclay, Dave, Chantal Goya, Sim ou encore Bernard Menez.  

Mais il sait que son plus grand obstacle sera le dragon qui lui sert de mère. Il se met à fredonner en hommage à son courage.  

Quand je suis v’nu au monde  

Ma mère m’a tout donné  

Une panse bien ronde  

Des pieds, des grands pieds pour marcher, pour danser  

Mais la plus belle chose  

Qu’elle ait pu m’donner dans le fond  

C’est à peine si j’ose  

Le dire, c’est mon  

Papayou, papayou  

Papayou, papayou lé lé