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Les Films du Corbeau présente
La Femme de Verdun

D’après une histoire vraie.  

 

Septembre 1916, Verdun.  

 

Le jour a laissé place à la nuit, qui déverse son flot d’horreur sur le camp français. Les bombes pleuvent sans discontinuer depuis plus de deux heures, clouant les soldats dans la terreur de leurs tranchées. Au poste médical, les blessés ne gémissent plus et se terrent dans un mutisme mortuaire en cramponnant les montures de leur lit de camp. Au-dehors de la tente, ce n’est que vacarme de déflagrations, de cris et de cohue. L’Etat-Major a ordonné l’évacuation du poste arrière. L’infirmerie n’est qu’à trois cent mètres de la ligne de front.  

Le Dr. Fournier (Dylan Romarov) ramasse à la hâte ses instruments de chirurgie et claironne :  

« Que les valides se lèvent et rejoignent les camions ! Nous quittons le camp. »  

Nicole (Brume) se précipite vers lui et demande, angoissée.  

« Et les autres ? »  

La réponse de Fournier n’est qu’un murmure sec.  

« Nous reviendrons les chercher, si nous le pouvons. »  

La jeune femme en a le souffle coupé. Elle se retourne vers les patients dont elle a la charge. Sur les neuf, seuls quatre peuvent se trainer convenablement hors du poste. Les cinq autres ne sont pas en état de quitter leur couche. L’un d’entre eux n’est même pas conscient, si jamais il se réveille un jour. Elle ne peut pas les laisser là !  

Elle sort de la tente et prend la mesure de la situation. Tous les véhicules se chargent de ce qu’ils peuvent contenir d’hommes, officiers et soldats. Adélaïde (Aline Siral) est déjà montée dans l’un d’eux et l’appelle, sa voix se percutant à la furie infernale du cri des bombes.  

Ce n’est pas possible ! Elle ne peut pas rester au camps. Mais elle ne peut pas partir sans se retourner sur le sort de ces malades !  

Deux ambulances arrivent à ce moment, vides. Mais rapidement prises d’assaut par les malades capables de se déplacer, et d’autres soldats. Nicole se précipite vers le chauffeur de la première ambulance.  

« Que faites-vous ?  

- Ben on se barre, ma petite dame ! Vous avez pas noté la petite fête de départ ? », répond-il en désignant les faisceaux de lumière des bombes qui rebondissent sur les nuages bas.  

« J’ai cinq malades à évacuer. Ils ne peuvent pas se déplacer.  

- Pas le temps.  

- Venez m’aider ! »  

Pour toute réponse, il lui renvoie un regard désolé. Il ne fera rien pour elle. Nicole sent une fureur impuissante monter en elle. Lorsqu’elle se dirige vers l’arrière de l’ambulance et voit une quinzaine d’hommes valides s’entasser dans le fourgon, elle fulmine. Elle rentre dans la tente d’un pas décidé et en ressort, munie d’une carabine qu’elle n’hésite pas à pointer sur le groupe d’hommes. Elle leur hurle dessus.  

« Sortez de là ! Je réquisitionne l’ambulance.  

- Mais qu’est-ce qui lui prend ?  

- Où que c’est qu’elle veut qu’on aille ? »  

Pour rajouter à l’intransigeance de son ton, Dun, son chien-loup, s’est collé à sa robe et montre les dents. Le chauffeur, témoin de la scène, lève les mains en signe d’apaisement.  

« Allez les gars, sortez. Il reste de la place dans les camions là-bas. »  

L’ambulance se vide peu à peu, et pendant ce temps, Nicole réitère son opération d’autorité sur la deuxième ambulance. Quand les deux véhicules sont vides, elle se tourne à nouveau vers le chauffeur.  

« Maintenant venez m’aider. Je ne peux pas porter les brancards toute seule.  

- Ah non ! Vous faites comme bon vous chante, mais moi je déguerpis ! Veux pas finir bouillie… »  

Nicole le pointe à nouveau de sa carabine. Mais le chauffeur n’est pas dupe.  

« Chair à pâté ou gruyère, je serai toujours un macchab ! Faites ce que vous voulez. »  

Il lui tourne le dos et fuit en direction des autres convois. Nicole baisse son arme. Elle est toute seule maintenant au milieu d’un champ d’explosions, avec deux ambulances vides et cinq malades alités…  

Elle parvient tant bien que mal à pousser l’un des malades, hurlant de douleur, de son lit sur un brancard. Mais elle n’arrive pas à le tirer sur plus d’un mètre dans le sol boueux de l’infirmerie… Elle tombe à genoux et sent que cette fois, elle ne va plus pouvoir retenir ses sanglots. Quand une silhouette apparaît dans l’ouverture de la tente. C’est le Dr. Fournier, qui la regarde avec colère.  

« Nicole Girard-Mangin, vous êtes décidément la punition de tous mes pêchés… »  

Puis il agrippe les deux manches du brancard.  

Ensemble, ils parviennent à entasser les cinq blessés dans les ambulances. Puis Fournier tourne les manivelles pour démarrer les moteurs. Nicole, épuisée, monte au volant de la première d’entre elles, suivie par son chien. Fournier prend les commandes de la seconde. Puis le convoi quitte enfin le poste arrière déjà vide de toute autre présence humaine.  

La route qui quitte le camp n’est plus réduite qu’à un sentier cahotant et boueux. D’un côté comme de l’autre, une pluie de bombes continue d’arroser les champs. Nicole s’agrippe fiévreusement à son volant et tente d’avancer, tant bien que mal, slalomant entre les débris de ferrailles, carcasses animales et trous béants laissés par les déflagrations, le tout dans la lumière tremblotante des phares du véhicule vieillissant.  

Un obus percute le bord de la route. Ses débris s’abattent sur l’ambulance, la vitre gauche et le pare-brise éclatent en morceaux. Nicole crie de douleur et porte les mains à son visage. Derrière elle, elle entend le murmure du klaxon de l’ambulance conduite par Fournier. Elle est aveuglée un instant, puis voit ses mains ensanglantées. Mais son corps entier est une ecchymose et elle ne prend pas le temps de s’attarder sur ses blessures. D’abord sortir de cet enfer.  

 

 

****** LA FEMME DE VERDUN *****  

 

 

Février 1916, Verdun.  

 

Quand la jeune femme s’approche du Dr. Fournier, les mains plongées dans la blessure d’un soldat, il note juste la blancheur de son tablier et l’invective avant de la laisser parler.  

« C’est Mme Le Bras qui accueille les infirmières. »  

Nicole se dirige vers la femme qui lui a été désignée. Adélaïde, une grande femme au visage revêche, est occupée à changer le bandage d’un blessé.  

« Bonjour, je suis…  

- Vous savez nettoyer une plaie ? », lui répond-elle sèchement après lui avoir accordé un rapide coup d’œil.  

« Bien sûr, je…  

- Alors allez vous occuper de ce soldat. Vous voyez bien que j’ai trop à faire pour le moment. »  

Nicole s’approche d’un soldat alité quelques mètres plus loin. Il gémit de douleur, mais la jeune femme ne voit pas son visage qu’on a recouvert d’un linge humide. Elle le retire et constate les dommages. Des éclats d’obus lui ont ravagé un œil, toute l’arcade sourcilière et le versant droit du nez, qui n’est plus qu’une plaie béante. Sans perdre de temps, elle parle au soldat pour le rassurer, mais l’homme ne montre pas de signe qu’il l’ait entendue. Elle nettoie la plaie, puis constate que des lambeaux de chair obstruent ses cavités, et que son œil mort suppure d’un liquide nauséabond idéal pour une bonne infection. Il faut l’ôter, purement et simplement. Nicole imbibe la cavité oculaire du soldat d’une préparation à base de cocaïne pour l’anesthésier, puis sort une trousse de la poche de son tablier pour y saisir un scalpel. Méticuleusement, elle commence à cisailler les chairs putrides, quand Adélaïde s’approche.  

« Mais… que… Que faites-vous ?!  

- Vous voyez bien, je…  

- Dr. Fournier ! Dr. Fournier ! »  

Alerté par les appels de l’infirmière, le médecin s’approche, agacé d’avoir été dérangé. Lorsqu’il voit la nouvelle arrivée munie d’un scalpel, il s’exclame.  

« Mais où vous croyez-vous, bon sang de bois ? Qui vous a autorisé à intervenir sur ce malade ?  

- Je sais tout à fait ce que je fais, je…  

- Vous êtes médecin peut-être ?  

- Oui, chirurgien, justement. »  

Fournier et Adélaïde restent cois alors que la jeune femme se redresse et s’essuie sur son tablier. Nicole lui tend une main ferme.  

« Je suis le Dr. Girard-Mangin. Ravie que nous ayons enfin le temps de nous présenter. »  

Fournier garde le silence un moment, jusqu’à ce que le petit rire nerveux d’Adélaïde le sorte de sa stupeur.  

« Que me chantez-vous là ? Le Dr. Girard-Mangin doit m’être envoyé aujourd’hui, mais…  

- Je suis le Dr. Girard-Mangin.  

- Vous êtes la femme du Dr. Girard-Mangin, vous voulez dire ?  

- Mon ex-mari fait du champagne. Vous pouvez lui confier un scalpel, mais je ne vous promet pas le résultat… »  

Après un nouveau moment de mutisme, Fournier sort de la tente à grandes enjambées. Avant de disparaître, il se retourne une dernière fois.  

« Adélaïde, ne laissez pas cette femme toucher à mes blessés. »  

 

 

L’Etat-Major lui confirme que l’arrivée du Dr. Girard-Mangin est bien prévue ce jour-là. Mais nullement que ce médecin est une femme. Cette femme doit être une divagatrice. Pourtant, Nicole peut justifier auprès de Fournier son identité, et lui montre même son attestation de mobilisation en tant que médecin militaire.  

En attendant que l’Etat-Major éclaircisse cette situation, Fournier ne confie à Nicole que des tâches d’infirmière, lui interdisant de pratiquer toute autre forme de médecine. La jeune femme enrage.  

« J’ai dirigé le dispensaire de Beaujon ! J’ai publié mes recherches sur la tuberculose, sur le cancer et les poisons cancéreux ! Je suis tout à fait compétente comme médecin.  

- Vous êtes une usurpatrice.  

- Vous racontez des sottises ! Quand je me suis portée volontaire, personne ne m’a posé la question de mon sexe.  

- Je ne veux pas le savoir.  

- Vous avez besoin d’un médecin supplémentaire. Vous vous êtes vu ? Vous avez une mine de déterré !  

- J’ai besoin d’infirmières. Je suis tout à fait capable d’assumer cette infirmerie seul.  

- Vous êtes ridicule… »  

L’Etat-Major lui confirme que le Dr. Girard-Mangin est bien une femme, et qui a fait ses preuves. Mais présente toutes ses excuses au Dr. Fournier de ne pas avoir pensé à vérifier ce détail avant d’avoir accepté son enrôlement. Aucune femme médecin n’était jusqu’à présent affectée dans cette guerre, et personne ne s’en est jamais posé question. Pour autant, ils ne proposent aucune solution.  

Aussi Fournier campe sur ses positions et refuse l’aide de Nicole, appuyé par une Adélaïde choquée de voir une femme outrepasser ses conditions d’infirmière. En outre, les soldats refusent également les soins que leur propose Nicole, en-dehors de changements de bandages, de soins d’hygiène ou d’assistance contrôlée par le Dr. Fournier.  

L’ambiance dans cette infirmerie est délétère. Le son continuel des cris et gémissements des soldats blessés échauffe les esprits, le manque de sommeil et d’hygiène use, les regards électriques que s’envoient Nicole, Adélaïde et le Dr. Fournier n’arrangent rien.  

 

 

Cela fait plus d’un mois que Nicole a rejoint le poste arrière de Verdun. Elle est déjà épuisée par le flot des blessés qui ne cesse de leur venir du front et le bruit presque continuel des échanges de tirs. Et surtout par le comportement de ces deux Gorgones imbéciles qui l’empêchent de faire son travail.  

Elle s’éloigne de l’infirmerie pour rejoindre la tente des infirmières et prendre un peu de repos. De nombreux soldats campent également dans ce poste, préservés un moment de l’horreur des tranchées. Sur son passage, elle prend l’habitude des sifflets et remarques grivoises, même si elle tente de n’y plus faire attention. Les femmes sont extrêmement rares, si proches du front. Et ces hommes sont, pour la plupart, sur le sentier de la guerre depuis plusieurs mois sans avoir revu une ville ou leur épouse.  

Plutôt que de rentrer dans sa tente, elle s’éloigne un moment pour se reposer sans réveiller les infirmières. Elle ne veut pas s’endormir tout de suite. Elle se pose sur un talus de terre qui borde un champ et pose son regard sur l’étendue longiligne des herbes devant elle. Deviendront-elles du blé ? Leur en donnera-t-on l’occasion ou partiront-elles en poussière, comme tant de choses autour d’elle ? Tout là-bas, à des centaines de kilomètres au-delà de la ligne de l’horizon, se trouve Paris. Et son fils, Etienne. Et son hôpital, où on la respecte et où on reconnaît son travail, femme ou non.  

Elle sursaute quand deux soldats viennent s’asseoir autour d’elle. Ils ont un sourire malicieux qui ne lui plait guère. Elle tente de se relever pour s’éloigner, mais ils la retiennent. Ils posent leurs mains sur sa taille et sur sa robe. Ils commencent à la relever. Elle se débat, mais ils la maintiennent et se font plus brutaux. Elle veut crier, mais l’un d’eux plaque une main sur sa bouche.  

Alors le grognement les arrête. Devant eux, un chien-loup leur fait face et les menace de ses lèvres retroussées qui dévoilent une dentition carnassière. Les soldats tentent de le faire dégager à coups de pied, mais le chien aboie et s’agrippe au pantalon de l’un des deux. Puis il enfonce ses crocs dans le mollet du second. Les deux hommes prennent la fuite. Nicole se méfie de ce chien enragé, mais il vient se coucher à ses pieds, étonnamment calme maintenant. Elle le caresse. Il est mal nourri.  

« Tu viens de te faire une amie pour la vie, mon tout-beau. Tu as faim. Mais que fais-tu dans cet enfer ? »  

Elle l’appellera Dun, comme Verdun. Et il ne la quittera plus.  

 

 

Ce jour-là, Fournier est appelé au front. Les premières bombes ont été lancées, de nombreux soldats sont tombés sous les tirs et un renfort est requis pour dégager les blessés vers l’arrière. Le premier convoi arrive avant le retour de Fournier. Nicole s’avance vers l’un des blessés, dont la jambe a été réduite en une charpie de chair et de tissus sanguinolents. Le soldat (Eduardo Ramirez) est pâle et en nage, la douleur est insupportable. Nicole commence ses soins avec rapidité et précision. Mais Adélaïde s’approche d’elle.  

« Vous, contentez-vous de nettoyer la plaie et attendez le Dr. Fournier !  

- Cet homme n’a pas le temps. Il perd trop de sang. Il faut amputer tout de suite.  

- Je vous l’interd…  

- Ca suffit ! », explose-t-elle. « Si je vois un seul soldat mourir parce que votre bêtise m’aura empêchée de lui porter secours, je vous trainerai devant le tribunal militaire. Je vous en fais le serment… Maintenant apportez-moi la scie. »  

Quand le Dr Fournier revient à l’infirmerie, la première chose qui le frappe est le relatif silence. Quelques gémissements de douleur, mais rien en comparaison des journées habituelles. Puis il discerne une petite mélodie. Quelqu’un chante… Il s’approche et voit Adélaïde, assise aux côtés d’un blessé, qui lui susurre le refrain d’une berceuse.  

« Mais qu’est-ce qui vous prend ? »  

L’infirmière rougit et répond, sur un ton d’excuse.  

« C’est le Dr. Girard qui m’a demandé de… Il est Breton comme moi, c’est une berceuse de chez nous », dit-elle en désignant le soldat en demi-sommeil. « Pour le calmer, après le choc de l’opération…  

- Quelle opération ? »  

Adélaïde soulève le drap et découvre la jambe du soldat. Ou plutôt son absence. La peau a été suturée à mi-cuisse et, malgré les rougeurs d’une intervention récente, Fournier est ébahi par la propreté et l’habileté de l’intervention. Il pose ses mains sur la suture, fine et adroite. A ce moment, le soldat se braque dans un sursaut.  

« Ne me touchez pas ! »  

Adélaïde lui plaque une main tendre sur le front.  

« Calmez-vous, Paul. M. Fournier est médecin.  

- Je veux le docteur femme ! »  

Fournier s’éloigne et regarde les autres blessés. Plusieurs attendent leurs soins, mais d’autres, ceux qu’il reconnaît pour les avoir envoyés ici depuis les tranchées et qui paraissaient les plus mal en point, ont déjà été secourus. Et le travail est remarquable.  

Il aperçoit enfin Nicole qui lui tourne le dos, son chien allongé à ses pieds. Il s’approche d’elle et la voit penchée sur l’épaule d’un très jeune soldat qu’elle finit de suturer. Le soldat murmure.  

« Vous pouvez chanter encore Madame ? Vous avez la même voix que ma sœur… »  

Nicole prend conscience de la présence de Fournier et, sans le regarder, lui dit :  

« Ne restez pas les bras ballants, nous avons beaucoup de travail. »  

 

 

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Un film de Peter BLOCK  

Sur un scénario du Corbeau, inspiré de la vie de Nicole Girard-Mangin  

 

Avec  

BRUME - Nicole Girard-Mangin  

Dylan ROMAROV - le Dr. Fournier  

Aline SIRAL - Adélaïde Le Bras  

Eduardo RAMIREZ - Paul  

 

Sur une musique d’Orlando DARING  

Scénario : (3 commentaires)
une série B dramatique (Historique) de Peter Block

Dylan Romarov

Brume

Eduardo Ramirez

Aline Siral
Musique par Orlando Daring
Sorti le 06 mai 2039 (Semaine 1792)
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