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Les Films du Corbeau présente
Les Immoraux

« Ils est ta famille. Et ton oncle t’appelle à lui. Tu dois le rejoindre.  

- Mais je ne le connais pas.  

- Justement, ma fille. Tu dois savoir à quoi tu renonces avant de prononcer tes voeux. J’y tiens beaucoup.  

- Pour combien de temps ?  

- Je te fais confiance. Quand tu seras prête, tu reviendras.  

- … Alors je serai vite de retour, ma mère. »  

Maria Esperanza Colmeida Vargas (Angela Ford) se résigne et embrasse le pan de jupe de la mère supérieure, qui pose délicatement la main sur le sommet de son crâne.  

 

Tout est blanc sous un soleil brutal. Les murs de chaux de la petite église se reflètent sur les pavés de craie de la place, à moins que ce ne soit le contraire. En descendant du bus, Maria Esperanza se réfugie sous le platane pour se protéger de la morsure du soleil. Elle regarde autour d’elle, la place est morne. Personne n’est venu l’attendre. Le blanc est tellement mordant qu’elle ne peut pas déplisser les yeux, elle aurait voulu porter des lunettes de soleil. Mais elle a renoncé à ce type d’accessoires en entrant au couvent, et elle le regrette un petit peu à cet instant.  

C’est dans le café de la place qu’elle apprend la route pour la maison Vargas. Tout le monde au village connaît l’ancien député de Mexico. Elle prend sa valise et, protégée par son petit voile de nonne pas encore confirmée, elle entame la route.  

La campagne mexicaine est suffocante et Maria Esperanza enlève son gilet fin pour que ses bras respirent l’air s’ils le trouvent. Elle se dit qu’une fois confirmée, elle ne pourra plus supporter cette chaleur sous l’habit en tissu épais.  

Que trouvera-t-elle au bout de la route ? Un oncle qui n’a jamais rien fait pour la connaître quand sa mère est morte. Un mourant qui s’est pris pour lubie de laver sa conscience en posant un regard sur sa nièce délaissée avant de disparaître au ciel ou en enfer. Elle devrait être miséricordieuse, mais elle n’y arrive pas. C’est peut-être cela que la mère supérieure voulait dire.  

La route est longue et droite, et Maria Esperanza a soif. C’est son chemin de croix à elle qui débute, peut-être. Mais survient une camionnette au loin, face à elle. Quand il verra une religieuse sur le bas côté de la route, son chauffeur ne pourra pas faire autre chose que de s’arrêter. Et c’est effectivement ce qu’il fait. Maria Esperanza s’approche, mais le chauffeur descend carrément. Il est grand et jeune, torse nu sous sa salopette (Younes Guerram). Il approche vers elle à grands pas, d’une démarche animale, et la jeune religieuse serre les doigts sur la poignée de sa valise. Mais il lui tend un papier qu’il tient dans sa main. Maria Esperanza le prend. C’est un petit bristol blanc. Sur lequel est écrit :  

« Maria Esperanza Vargas ».  

Il manque le nom de son père. Qu’importe, il vient la chercher. Il prend sa valise et l’installe dans la camionnette, lui ouvre la porte. Elle monte. Il reprend le volant, fais demi-tour et conduit. Sans ouvrir la bouche.  

« Merci. Il fait une chaleur accablante. »  

Il la regarde subrepticement, mais ne répond pas. Alors elle se tait également.  

La camionnette parcoure les quelques kilomètres restants et pénètre dans le parc d’une hacienda impressionnante, aux trois étages et aux murs pourpres. Des hectares de terre aux herbes sèches l’entourent, sur lesquels paissent des vaches aux longues cornes.  

Le jeune homme arrête le véhicule devant la porte d’entrée, descend la valise qu’il pose sur les marches du perron. Maria Esperanza le suit. Il actionne le carillon, puis remonte dans la camionnette et s’éloigne. Toujours sans avoir dit un mot. La jeune femme le regarde partir.  

La porte s’ouvre. Derrière elle apparaît une jeune fille aux longs cheveux lisses (Luna Delange). Elle porte un mini short en jean, vraiment très court, et un débardeur large pendouille sur ses épaules maigres épaules. Elle pose un regard curieux sur la religieuse, l’inspecte des pieds à la tête. Maria Esperanza lui sourit.  

« Bonjour.  

- Ca alors, on dirait un personnage de vieux film…  

- Pardon ?  

- Venez, il fait meilleur à l’intérieur. »  

Elle s’enfonce dans la maison en laissant la porte ouverte. Maria Esperanza hésite. Elle ramasse sa valise et entre. Le patio est frais. La jeune fille est pieds nus sur le carrelage, la jeune religieuse l’envie un peu.  

« Vous travaillez ici ?  

- Non, j’y vis.  

- Alors vous êtes…?  

- Clara. Votre cousine. »  

L’oncle Vargas a une fille ? Maria Esperanza ne le savait même pas. Elle le croyait solitaire. « Je vais leur dire que vous êtes là. »  

Qui habite dans cette maison ?  

Clara est montée à l’étage, la laissant seule. Maria Esperanza regarde autour d’elle. Tout est luxueux. La famille Vargas doit avoir beaucoup d’argent.  

Son chauffeur pénètre dans le patio, passe devant elle en hochant rapidement la tête dans sa direction.  

« Excusez-moi… »  

Il fait demi-tour en l’entendant et la regarde par en-dessous. Il a l’air timide. Sauvage est peut-être le mot qui convient.  

« Vous habitez ici ? Sommes-nous cousins ? »  

Il lui répond par un signe de tête confus qu’elle ne comprend pas. Il a déjà disparu. Une voix s’élève depuis l’étage. C’est Clara qui s’est accoudée à la rambarde du palier et les a regardé.  

« Si vous espérez une réponse, vous allez attendre longtemps. Lucrecio est muet. »  

C’était donc cela…  

« C’est votre frère ? »  

Clara rit, un petit rire un peu hautain.  

« Et puis quoi ? C’est le mécano, le chauffeur, le jardinier, le vacher… Le larbin, quoi. C’est le pupille de papa. La grande B.A de sa vie si vous préférez. Montez, il vous attend. »  

 

Maria Esperanza entre seule dans la chambre. Elle est grande, et obscure. Les persiennes ont été closes pour contrer la chaleur. Elle avance vers le lit à baldaquins où un homme la regarde approcher. L’oncle Marcello Vargas (Marc Mesnil) est pâle, ses traits sont tirés. Il porte la maladie sur son visage. Mais ses yeux étincellent d’émotion, il dévore littéralement Maria Esperanza du regard. Elle s’assoit sur le siège près du lit. Les yeux de l’oncle sont gorgés de larmes.  

« Inès…  

- Non mon oncle, je suis Maria Esperanza. Sa fille.  

- Inès… Mon ange, Inès… »  

La religieuse tourne la tête vers Clara, qui est restée près de la porte d’entrée. La jeune fille hausse les épaules.  

« Ces derniers temps, il perd complètement la boule. »  

Maria Esperanza plonge son regard dans le sien. La mort le ronge. Elle pourrait être émue si elle n’avait pas autant de colère… Elle s’en veut de ses pensées. Elle penche la tête et entame une prière à demi-mot pour le salut de l’âme du vieil homme.  

 

Elle veut se rafraichir, mais Clara avance devant elle dans le couloir de sa démarche nonchalante et ne semble pas la mener vers sa chambre. La jeune fille frappe à une autre porte, puis l’ouvre pour laisser passer sa cousine.  

« Ma mère veut aussi vous voir. N’en attendez pas grand-chose non plus, ça ne tourne pas bien rond de ce côté-là non plus. »  

Maria Esperanza pénètre dans une chambre aussi grande que la précédente et aussi ombragée, mais plus vide, très spartiate. Et personne ne s’y trouve. Elle interroge Clara qui s’est adossée contre le chambranle de la porte. Dans le contre-jour de la fenêtre du couloir, on pourrait la croire nue. Juvénile et indécente.  

« Sur la terrasse. »  

Maria Esperanza traverse la pièce et pousse la persienne. Sur la terrasse aux dalles blanches éclatantes, une silhouette repose sur une chaise longue. La femme (Olivia Fallon) est camouflée derrière un chapeau aux larges bords et un foulard qui lui entoure la tête. Des lunettes de soleil énormes lui mangent le visage. Dès qu’elle aperçoit la jeune femme, elle s’exclame :  

« Alors vous voilà ! »  

Maria Esperanza ne sait pas comment se tenir, il n’y a pas d’autre chaise. Alors elle reste debout devant elle, bêtement. La tante enlève ses lunettes pour la regarder de haut en bas.  

« Grands Dieux ! Vous ressemblez à votre mère.  

- C’est ce que semble penser mon oncle.  

- Savez-vous qui je suis ?  

- Je crois comprendre que vous êtes ma tante.  

- Vous pouvez m’appeler Doña Teresa. Que cherchez-vous ici ? »  

La question décontenance la religieuse.  

« …Rien du tout, je suis venue car mon oncle me l’a demandé.  

- Mais vous avez accepté. Alors que vous ne lui devez rien. Vous devez bien chercher quelque chose ?  

- Je… »  

Les deux femmes s’observent en silence. Teresa le rompt.  

« Vous devriez aller vous rafraichir. Vous avez des auréoles sur votre chemisier, c’est dégoutant. »  

 

La chambre de Maria Esperanza est petite mais fraiche. Elle reste assise et regarde autour d’elle. Elle n’a pas défait sa valise. Que cherche-t-elle ici ? La question est pertinente. Elle a envie de partir. Elle se lève et regarde par la fenêtre. Lucrecio est dans le jardin, il taille un buisson. Elle l’a trouvé étrange. Mais malgré ses silences, c’est le seul qui ne l’a pas encore mise mal à l’aise.  

Elle se décide à descendre et rejoint un salon moderne et confortable. Clara y est affalée, ses longues jambes nues posées sur le dossier du canapé. Elle relève à peine les yeux de son magazine quand sa cousine s’assoit sur le fauteuil d’en face.  

« Rassurez-vous, papa ne devrait pas vous retenir ici bien longtemps.  

- Mais enfin… je…  

- Ne relevez pas tout ce que je dis. Je suis odieuse quand je m’ennuie.  

- Vous vivez seuls ici, tous les trois ?  

- Vous oubliez Lucrecio. Papa l’a recueilli juste avant ma naissance. Un orphelin du coin, il l’a emmené avec nous à Mexico. Mais si vous voulez mon avis, il ressemble un peu à papa quand il était jeune. Et puis, il y a l’autre. A côté, vous allez nous trouver bien sages…  

- Quel autre ?  

- Angel, mon jumeau. »  

Dans la cour, on entend le galop d’un cheval qui interrompt sa course devant l’hacienda et malmène le gravier. Des pas précipités pénètrent dans la maison. Clara soupire.  

« Tiens, en parlant du loup… »  

Une légère angoisse étreint le cœur de la religieuse. C’est beaucoup de nouvelles têtes en peu de temps. Un jeune homme (Kevin Loray) apparaît soudain par la porte vitrée. Bottes de cuir et jean poussiéreux, torse nu au-dessus, sueur dégoulinante. De là où il provient, Angel n’aperçoit que les jambes de sa sœur qui ressortent du canapé. Il les caresse de sa main sale, la jeune fille tente de lui donner un coup de pied.  

« Dégage. »  

Angel rit. C’est alors qu’il aperçoit Maria Esperanza. D’abord surpris, son visage s’éclaire d’un grand sourire et il s’approche d’elle avec enthousiasme.  

« La cousine ! Alors vrai de vrai ? Vous êtes vraiment nonne, purée ! »  

Il lui tend la main, mais Maria Esperanza n’ose pas la prendre. Son entrée est brutale, et sa main est sale. Il éclate de rire.  

« Pardon ! Je dois puer comme un bouc. Je suis bien content de vous rencontrer en tout cas ! On se claquera une bise quand je serai présentable… »  

Il tourne les talons. Le tourbillon est passé. Sa cousine sent son cœur reprendre du souffle.  

 

 

Maria Esperanza marche dans le jardin de l’hacienda. Ombragé, il est plus vert. Des arbres fruitiers donnent à plein régime, des buissons fleuris y sont minutieusement entretenus.  

Plus loin, sur la terrasse, Clara est assise sur une chaise longue. Elle regarde sa cousine déambuler entre les fleurs. Angel rejoint sa sœur et pose sur la table du jardin un cocktail qu’il a préparé pour elle. Il s’est changé et, vêtu de blanc, il parait un autre homme. Il s’assoit à ses côtés et trempe les lèvres dans son propre cocktail.  

« Tu crois qu’elle sirote, la cousine ? »  

Clara hausse les épaules. Ils regardent la religieuse en silence. Malgré son voile, son gilet sombre, son chemisier terne avec sa grosse croix en bois qui pendouille sur la poitrine, et sa jupe de grand-mère, elle est gracieuse et on lui devine une taille fine.  

« Pas mal gaulée en tout cas. »  

Clara tourne vers lui un regard blasé.  

« C’est ta cousine, gros porc.  

- J’dis pas que j’irai croquer, mais on peut toujours s’amuser. Voir si elle a bien le cul bénit… »  

 

Au détour d’un arbre fruitier, Maria Esperanza sursaute quand elle découvre Lucrecio accroupit devant un buisson. Lorsqu’il l’aperçoit, il porte l’index à sa bouche et l’invite à s’approcher. Elle s’exécute sans faire de bruit. Elle suit la direction de son regard. A l’ombre du buisson, un tatou s’est installé. Elle n’en avait jamais vu qu’écrasés sur la route. Sous sa carapace, une nuée de petits sont accroché à ses mamelles. La femelle s’est réfugiée dans un abri humide pour mettre bas. C’est charmant. Très apaisant au milieu de cette journée tonitruante d’émotions.  

Elle regarde Lucrecio. Son regard n’est plus aussi sauvage ou timide que tout à l’heure. Il a l’air serein, dans son élément. Il ne rentre pas dans le cadre du tableau de cette famille. Il en est peut-être issu pourtant, d’après ce qu’a suggéré Clara. Et peut-être pas.  

Maria Esperanza ne sait pas ce qu’elle est venue chercher ici. Mais pour la première fois de la journée, elle s’y sent bien. Peut-être qu’elle a une mission, qu’elle doit apporter quelque chose à cette maison. Ou peut-être que c’est elle qui va lui en apporter une.  

 

 

******************  

 

Un film de Nikolas MORCAR  

Sur un scénario original du Corbeau  

NB : l’auteur avoue avoir pompé le point de départ de cette histoire (une religieuse est appelée auprès de son oncle inconnu avant qu’elle n’ait pu prononcer ses vœux) au film « Viridiana » de Luis Buñuel.  

 

Avec  

Angela FORD - Maria Esperanza Colmeida Vargas  

Younes GUERRAM - Lucrecio  

Kevin LORAY - Angel Vargas  

Luna DELANGE - Clara Vargas  

Marc MESNIL - Marcello Vargas  

Olivia FALLON - Doña Teresa Vargas  

 

Sur une musique de Jessica BERRY  

Scénario : (3 commentaires)
une série A sentimentale de Nikolas Morcar

Younes Guerram

Angela Ford

Kevin Loray

Luna Delange
Avec la participation exceptionnelle de Marc Mesnil, Olivia Fallon
Musique par Jessica Berry
Sorti le 25 juillet 2037 (Semaine 1699)
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