Cinejeu.net : devenez producteur de cinéma ! (jeu en ligne gratuit de simulation économique)

Les Films du Corbeau présente
Iraqi experiment

Tiré d’une histoire vraie (hrp)  

 

Leonard Brumel est assis dans un fauteuil club, face caméra. Il s’adresse à un interlocuteur invisible.  

 

« Avant de débuter au théâtre, j’étais menuisier. C’est mon père qui m’avait appris le métier. Il était lui-même menuisier, mais à cause d’une blessure grave au poignet, il ne travaillait plus le bois lui-même. Il bossait pour une entreprise de Lestrade qui l’envoyait aux quatre coins du monde pour acheter la matière première. C’est au cours d’un de ses voyages en Asie qu’il a fait une étape, sur le retour, à Bagdad. On était en mai 1989. On n’a plus entendu parler de lui pendant deux mois. »  

 

 

Mai 1989. Un avion de la compagnie Iraqi Airways termine sa manœuvre sur le tarmac de l’aéroport de Bagdad et, bientôt, les passagers descendent de l’avion. Max Brumel (Weston Hatcher) arpente les couloirs de l’aéroport avec une sacoche en cuir accroché à l’épaule. Il éponge la sueur qui perle sur son front avec un kleenex.  

Alors qu’il fait la queue pour enregistrer son billet et entamer la dernière partie de son voyage, il se rend compte que la file des voyageurs devant lui est observée par un petit groupe de militaires irakiens. Cachés derrière leurs lunettes noires, il les trouve inquiétants et se dit qu’il n’aimerait pas être la personne qu’ils recherchent. Soudain, l’un d’entre eux pointe un des voyageurs du doigt. Deux militaires se détachent et s’avancent vers l’homme, un Japonais que Max a repéré dans l’avion, à quelques sièges de lui. Ils lui parlent, mais Max n’entend pas. Le voyageur accepte de les suivre, et ils disparaissent ensemble derrière une porte blanche.  

La nervosité est palpable dans la file silencieuse des voyageurs. La présence des militaires inquiète. D’autant plus qu’ils sont toujours là, à les regarder. Que veulent-ils donc ?  

La file avance lentement et Max sent une légère tension monter en lui alors qu’il entre dans le champ de vision des militaires. Il ne leur prête pas attention, la meilleure façon selon lui de se faire discret. Mais son sang se fige quand il voit l’homme lever la main et pointer son doigt vers lui… Les deux militaires s’avancent vers Max et s’adressent à lui en anglais.  

- Please mister, follow us.  

- What is it about ?, répond Max dans un anglais approximatif.  

- Follow us, mister. Please, hurry.  

Max les suit vers cette même porte blanche où l’homme japonais avait disparu.  

 

 

Leonard Brumel  

« Dans un autre aéroport, ce type de contrôle ne l’aurait pas plus inquiété que ça. Cela arrive, on prend un type au hasard et on fouille ses bagages. Histoire de. Mais il était en Irak, un territoire où tout le monde savait qu’une dictature menait le pays et l’armée à la baguette. Juste avant l’été 1989, les relations entre l’Irak et la communauté internationale étaient déjà très tendues. Alors être désigné par des militaires irakiens du doigt, devant tout le monde, même si c’était pour un contrôle de routine… Autant le dire, mon père n’était pas une fillette, mais il avait franchement les miquettes. »  

 

 

Max est assis sur un banc dans une petite pièce de l’aéroport aux murs blancs délavés. Le voyageur japonais (Hisa Toshi) fait les cent pas avec nervosité. Sur le même banc que Max sont assis deux autres voyageurs que les militaires ont amenés après lui. L’un d’eux a les cheveux roux et le teint qui va avec. L’autre a la peau noire et est de loin le plus âgé. Max ignore leur nationalité, car tous les quatre sont restés muets. Cela fait plus d’une demi-heure qu’ils poirotent en silence. Le Japonais jette un regard par la seule lucarne grillagée qui les sépare de l’extérieur. Son sursaut éveille l’attention des autres. Il se met à parler à toute vitesse, avec inquiétude. Mais ils ne le comprennent pas. Néanmoins, aux gestes de ses mains, ils comprennent de quoi il retourne et se bousculent pour regarder à leur tour par la lucarne. Leur avion est en train de décoller ! Il ne les a pas attendus !  

Le Japonais s’escrime sur la poignée de la porte, qui reste résolument fermée à clef, en criant. L’homme roux se joint à lui pour interpeler qui que ce soit de l’autre côté de la porte. Il parle anglais, mais avec un lourd accent. Peut-être écossais, ou irlandais. Max se rassoit sur le banc pour réfléchir. A quoi cela rime-t-il ? Pourquoi les a-t-on laissés là sans leur dire un mot ? Comment va-t-il rentrer au pays ? Il pense à ses bagages, se demande s’ils sont en train de les fouiller. Qu’a-t-il transporté pour qu’on le retienne si longtemps ? A-t-il ramené quelque chose de Thaïlande qui soit interdit, ou sujet à inquiétude pour les militaires irakiens ? Il ne voit vraiment pas. Des échantillons de bois, quelques babioles pour sa femme et son fils de 4 ans…  

Soudain la porte s’ouvre et les militaires pénètrent dans la pièce. Le touriste japonais se tait immédiatement et les fixe, impatient, avec un regard où se lit l’incompréhension.  

On les invite à sortir. Ils sont escortés jusqu’à l’extérieur de l’aéroport. Le voyageur japonais tente de leur parler dans un anglais rudimentaire, mais on ne lui répond pas. On ne les regarde d’ailleurs même pas. L’ambiance a résolument changé. Plus de « Please mister ». Une camionnette militaire les attend devant la sortie et les quatre hommes sont invités à y monter. Le Japonais refuse, il veut encore parler. On le bouscule. Il monte.  

 

 

Leonard Brumel  

« Vous imaginez-vous ce qu’on ressent dans ce moment-là ? Quand on vient d’une démocratie comme Cinéjeu Island, c’est tout bonnement impensable. Le pays n’était en guerre contre personne. Mon père pensait encore à ce moment-là avoir quelque chose à se reprocher. Mais le fait est qu’ils ne l’ont jamais accusé de quoi que ce soit… D’ailleurs il ne retrouva jamais ses bagages. »  

 

 

La camionnette a sillonné les rues étouffantes de Bagdad avant de les déposer devant un immeuble plus propre que les autres de la rue. Il s’agit d’un hôtel. Apparemment, il est fermé au public parce que plusieurs échafaudages sont posés contre sa façade. Mais les militaires entrainent les voyageurs à l’intérieur, et Max est étonné de constater qu’il est plutôt de haute gamme. A ce moment-là, les quatre hommes sont séparés pour être emmenés chacun dans une chambre, chacun à un étage différent. Max se retrouve seul, enfermé à clef, dans une chambre propre. Il se dirige vers la fenêtre. La vue donne sur l’arrière de l’hôtel, et il peut distinguer une piscine qu’un ouvrier est en train de nettoyer. Il ouvre les placards et y découvre des vêtements de rechange, propres et bien pliés.  

Il est enfermé dans une prison dorée, mais bel et bien enfermé.  

 

 

Leonard Brumel  

« A partir de ce jour, mon père s’est convaincu qu’il n’avait rien à se reprocher. Alors s’il n’était pas emprisonné pour une faute, c’est qu’il était otage. Mais otage de qui ? Du gouvernement irakien ? De son armée ? Et pour obtenir quoi ? Une rançon ? Une négociation politique ? On n’avait jamais entendu parler d’un acte similaire, hors temps de guerre ou de conflit. L’Irak était une dictature, mais n’agissait pas en terroriste jusqu’alors.  

Pendant plusieurs jours, il est resté dans sa chambre à attendre. On venait lui servir à manger. Et des plats tout à fait corrects. Mais on ne lui disait rien. Et il ne demandait rien. »  

 

 

Max s’est levé, lavé et habillé tôt ce matin-là, comme les jours précédents. Cela fait près de 15 jours qu’il est là. Il a soigneusement compté les jours, et pourtant, à force d’y penser et de se le répéter, il n’est plus sûr de son compte. Est-on jeudi ou vendredi ? Un premier doute, qui indique que la perte de conscience du temps qui passe peut venir vite. L’idée l’angoisse. Il a entendu parler d’otages reclus des années aux quatre coins du monde. Mais il n’arrive toujours pas à croire qu’il pourrait être l’un d’eux.  

Comme il n’a rien à faire, il ôte sa chemise et se rallonge. Peu après, il est réveillé par la porte de sa chambre qui s’ouvre et laisse le passage à un homme (Avi Elias). Par son maintien et sa démarche, il a tout du militaire. Pourtant, il ne porte pas d’uniforme. Max ne l’a jamais vu auparavant. L’inconnu s’adresse à lui en français.  

- Comment allez-vous aujourd’hui M. Brumel ?  

- … Bien.  

Max est pris de cours. Il ne s’attendait pas à une telle marque de courtoisie.  

- La chambre est-elle confortable ?  

- … Oui, je vous remercie.  

On marche sur la tête.  

- Accepterez-vous de vous habiller et de me rejoindre en bas ?  

- … Certainement.  

Max est escorté par deux militaires quelques minutes plus tard et retrouve l’homme dans un des salons de l’hôtel, donnant sur la piscine, assis devant une table remplis de mets appétissants. Des fruits, des biscuits, du café, du thé…  

- Asseyez-vous, M. Brumel. Et servez-vous, je vous en prie.  

Max se méfie mais ne veut pas le montrer. Il veut se comporter de la façon la plus neutre possible. A quoi rime cette mascarade ? Soudain, il se met en tête qu’on le teste. Sur quel motif ? Il l’ignore. Mais il réfléchit à chaque geste qu’il fait. Il s’assied et regarde la table. L’inconnu l’observe. Il pense qu’il faut rester modéré et ne prend qu’une tranche de pastèque, qu’il pose dans une assiette pour la manger au couteau et à la fourchette. Proprement. Que rien ne puisse lui être reproché. Qu’il ne leur donne aucune matière à lui tomber dessus. Le frapperait-on pour une tranche de pastèque ? L’exécuterait-on ?  

Il sursaute soudain lorsqu’il entend, plus haut dans les étages, des cris et une porte qu’on martèle. Comme l’hôtel est vide, les cris résonnent dans les vastes couloirs. Il reconnait le voyageur japonais. L’inconnu regarde toujours Max. Il émet un sourire d’excuse.  

- Je crains que M. Yonebayashi n’apprécie pas autant son séjour que vous.  

Max se reconcentre sur sa tranche de pastèque.  

- Comment vous sentez-vous ? Le temps n’est-il pas trop long ?  

Mais que cherche-t-il à lui faire dire, bon sang ?  

- Tout va bien, merci.  

- Bien. Quand vous aurez mangé à votre fin, je vous invite à profiter de la piscine. L’air est particulièrement sec aujourd’hui.  

L’homme se lève et s’éloigne. Max reste seul devant sa table pleine, son escorte militaire positionnée silencieusement à l’entrée du salon.  

 

 

Leonard Brumel  

« Il n’avait plus croisé ses acolytes de l’avion depuis des semaines. Mais plus le temps passait, plus souvent on le faisait sortir de sa chambre. Il avait le droit deux ou trois fois dans la semaine à ce même type de conciliabule avec le militaire en civil. On l’emmenait à la piscine. Ou à la salle de sport. Mais toujours seul, escorté de militaires. Et c’est à ces moments-là qu’il a eu l’occasion de les revoir. Juste le temps de se croiser dans un couloir. Lui était mené en bas, un autre était remonté au même moment dans leur chambre. Ou l’inverse. Ils se voyaient, mais ne se parlaient pas. Mon père était persuadé que tout cela était mis en scène. On voulait qu’ils se voient. Mais pourquoi ? Aucune idée. L’homme noir était bien portant, mais paraissait fatigué. L’homme roux semblait avoir perdu du poids. On lisait la peur sur son visage. Mais c’était le Japonais qui avait l’air le plus mal en point. Chaque fois que mon père le croisait, il pleurait, il criait, il se faisait trainer des fois. Pourtant, mon père était certain qu’aucun d’entre eux n’avait subi de violence physique. »  

 

 

Max est assis à l’ombre d’un parasol, sur une chaise pliante, près du bord de la piscine. On lui a « conseillé » de rejoindre la piscine, alors il a rejoint la piscine. On lui a même donné un maillot de bain. Mais il n’a aucune envie de se baigner. Alors il attend sagement qu’on l’invite à remonter dans sa chambre. Il a perdu le compte des jours. Mais cela fait bien un mois qu’il est retenu en Irak.  

Une jeune femme (Anusha Sahi) apparait soudain. Elle sort de l’hôtel et porte un plateau sur lequel est posé un verre à cocktail rempli d’une boisson rouge et jaune. Elle est vêtue d’un paréo noué autour de la taille, et sa poitrine est cachée par un simple haut de bikini. Elle est magnifique. Max n’a plus vu de femmes depuis celles aperçues dans les rues de Bagdad, depuis la camionnette. Et elles étaient loin d’être aussi dévêtues et « occidentalisées » que celle-ci. Il en est d’autant plus charmé.  

Elle lui tend le verre en souriant. Elle s’exprime en anglais.  

- Bonjour, Max. Vous devez être assoiffé ! Il fait tellement chaud.  

Il accepte le verre et la regarde s’asseoir sur la chaise longue à côté de lui.  

- Je m’appelle Jihane.  

- Enchanté, Jihane.  

- Vous avez bonne mine, Max. J’en suis ravie ! Vos compagnons de chambre ont l’air bien plus fatigués que vous. Mais surtout, n’hésitez pas à m’appeler si vous n’êtes pas en forme. Je suis ici pour m’occuper de vous.  

- … Bien.  

- A très bientôt, alors !  

Elle se relève et Max la regarde s’éloigner de sa démarche séduisante. Il est interrompu dans sa contemplation par un bruit de pas dans son dos. Le militaire en civil vient se positionner à côté de lui. Il regarde Jihane lui aussi.  

- Ravissante, n’est-ce pas ?  

Max s’abstient de répondre.  

- Elle est là pour répondre au moindre de vos désirs. N’hésitez pas à faire appel à elle si vous avez un problème. Ou si vous vous sentez seul… la nuit…  

 

 

Leonard Brumel  

« Mon père nous a toujours dit que le piège était trop gros pour qu’il tombe dedans, et que de toute façon, il n’aurait jamais fait une chose pareille… Oui, c’est ça… Bon, mon père était un homme, hein ? Mais je suis à peu près sûr qu’il n’a pas fait appel à cette Jihane. Le piège était effectivement très gros. Si c’en était un. Jusqu’à sa mort, il n’en était pas sûr. Je crois que c’est la question qui a le plus tiraillé mon père le reste de sa vie. Etait-ce un piège ?... »  

 

 

Juin, 1989. Ministère des Affaires étrangères de Cinéjeu Island.  

Dans un bureau, une femme au chignon relevé (Olivia Fallon) est assise à son bureau et lit un rapport. Par la fenêtre, on voit un bateau-mouche remonter le long du fleuve. Elle presse le bouton d’un interphone. Quelques secondes plus tard, un jeune homme en cravate apparaît et vient s’asseoir sur le siège en face de son bureau. Il attend qu’elle prenne la parole.  

- Votre impression ?  

- Difficile à dire, Madame. Les familles ont déclaré la disparition d’un touriste japonais, malien, et de ce Max Brumel qui est de chez nous. Mais on sait qu’ils détiennent aussi un otage irlandais.  

- « Otage ? » Est-on sûr qu’ils ne sont pas détenus pour un crime quelconque ?  

- Non, nous ne sommes pas sûrs. Mais vraiment rien ne nous le laisse penser dans les antécédents des quatre hommes.  

- Mais bon sang, pourquoi l’Irak ferait des otages ?  

- Nous n’en savons encore rien, Madame.  

- Cela fait plus d’un mois qu’ils y sont ! Pourquoi n’en entends-je parler que maintenant ?  

- Parce que le gouvernement irakien n’a rien dit, rien réclamé.  

La femme pose les mains sur ses tempes. Elle n’a encore jamais vu ça : des otages, sans demande de rançon quelconque.  

- Que fait-on Madame ?  

- Rien.  

- Rien ?  

- On redoute que Saddam envahisse le Koweit ou l’Iran. On ne va pas risquer maintenant un incident diplomatique !  

- Mais les familles…  

- Resteront dans le flou. Comme nous.  

 

 

Leonard Brumel  

« Cette partie-là, elle sort de mon imagination. Car ma mère n’a jamais eu de réponse du gouvernement cinéjeusien. Silence total. Et quand mon père est revenu, pas un mot non plus.  

 

 

****************************  

 

Un docu-fiction réalisé par Lucas JANSSEN  

Sur un scénario du Corbeau, inspiré d’une histoire vraie  

 

Avec  

Weston HATCHER - Max Brumel  

Leonard BRUMEL - lui-même  

Anusha SAHI - Jihane  

Avi ELIAS - le militaire en civil  

Hisa TOSHI - M. Yonebayashi  

Olivia FALLON - la femme des RG  

 

Sur une musique de Hiromi HANSON  

 

Note du producteur : ce film est tiré d'une histoire vraie hrp arrivée à une connaissance. Si vous voulez savoir le fin mot de l’histoire, demandez-le-moi sur le forum, par mp ou sur le fil des Films du Corbeau !  

Scénario : (2 commentaires)
une série A documentaire (Docu-fiction) de Lucas Janssen

Weston Hatcher

Anusha Sahi

Leonard Brumel

Olivia Fallon
Avec la participation exceptionnelle de Hisa Toshi, Avi Elias
Musique par Hiromi Hanson
Sorti le 25 mai 2035 (Semaine 1586)
Entrées : 20 363 602
url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=23048