Résumé :  

Durant l'été 93, Louise rend visite à son frère le temps d'un weekend, en apparence pour passer du bon temps, mais la réalité est toute autre. Alors qu'elle ressort de vieilles rengaines et qu'elle ressasse les vieilles histoires de famille (le décès de leur mère, les abus de leur père, ses propres problèmes de drogue), une ennemie plus sombre encore se prépare à resurgir : la schizophrénie.  

Signification du titre :  

Sister, parce que le film parle des liens fraternels. Sister, parce que Louise et son frère sont des âmes sœurs. Sister, parce que c'est le nom de l'album de Sonic Youth qui les relie et que le premier titre de cet album, ironiquement, se nomme Schizophrenia. Et enfin, Sister, parce que Louise a deux têtes et deux âmes en elle-même.  

Aperçu : (Scène 1)  

Drums. Un snare. Des alternances monotones, bientôt accompagnées d'une guitare électrique à grande distorsion. C'est presque atonal, extrêmement plaisant, mais tout à fait répétitif et... larmoyant. Une litanie joyeuse.  

Elle se rapproche rapidement. Je tourne la tête. Une femme et de la musique : les deux dans une voiture. Rouge, s'il-vous-plaît.  

Je reconnais Sister.  

L'album de Sonic Youth, of course.  

1987 : Sonic Youth, The Smiths, The Cure, New Order, tempête de pluie à Montréal, les seins de Marjorie, les crises de Louise, ma mère et son mari, docteur Papa qui lui annonce qu'elle a le cancer... de l'estomac. Une nouvelle qui ne se digère pas.  

Je reconnais ma Sister.  

La sœur de sang, cette fois. Louise.  

1988 : les seins de Mylène, Louise à l'asile, papa en prison, maman au ciel. « Je ne voulais pas qu'elle souffre », disait-il.  

1993, aujourd'hui : Sur les premières notes si nostalgiques de Schizophrenia, les souvenirs se bousculent dans ma tête. Je regarde cette femme, Louise, qui me sourit à travers le pare-brise. Ah non, elle ne me sourit pas. Elle sourit à son rétroviseur : inspection de dentition. Petit coup de rouge à lèvres, au cas où.  

Sister s'arrête. L'album, je veux dire. L'autre Sister, elle, ouvre la portière côté passager et s'évertue à en sortir, les quatre fers en l'air. Rien de simple avec celle-là.  

« Foutue portière brisée ! » qu'elle lâche, provisoirement contrariée.  

On se fait la bise. Pas d'étreinte, une bise froide comme avec une cousine éloignée. Souvenirs d'enfance.  

1974 : La douce enfance, main dans la main, des bises d'enfants. La mort ? C’est que dans les films.  

Sister and Brother, c'est comme Husband and Wife. Le grand amour fraternel, avant la puberté, l'adolescence, les premiers joints, la première baise, sa première crise. Les névroses qui viennent avec l'âge adulte, ou pire : la maladie mentale.  

Back to the future : « Alors, vieux con, toujours garagiste ? »  

« Pas loin, connasse : éclairagiste. »  

« Ah, tant mieux ! Tu pourras mettre un peu de lumière là-dessus. »  

Elle retourne à sa voiture, ouvre la portière côté passager (bien sûr), pige dans le coffre à gants et en ressort un petit papier qu'elle m'apporte.  

« Ils ont le droit de me coller une contravention si j'ai tourné à gauche sur un feu rouge ? Je croyais que non. »  

« Bah oui, Louise. T'es plus chez les fermiers, ici. C'est la ville. Si tout le monde conduisait comme en banlieue ce serait le chaos total. »  

« Quelle merde. Tu te rappelles que j'ai pas un rond, hein ? Tout ce qu'on fait ce weekend, c'est sur toi ! Tiens, commence donc par ça ! » dit-elle gaiement.  

Et elle me sourit.  

Pour vrai, cette fois.