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Les Films du Corbeau présente
L'Homme et la mer

Le silence. L’immensité bleue, sans défaut, à perte de vue. S’il baisse le regard, le bleu pur se transforme en obscurité. S’il le lève, les remous argentés lui rappellent la tempête qui fait rage à la surface. Il ne sent plus son corps, il se sent de pierre au milieu de cette eau glaciale. Il ne s’enfonce pas car il porte son gilet de sauvetage. Mais il ne remonte pas non plus car la puissance des remous le maintient au-dessous de la surface. S’il tentait de donner une impulsion de la jambe, peut-être pourrait-il remonter. Mais il est épuisé. Il n’en peut plus. Il veut juste fermer les yeux et que tout s’arrête.  

Il aperçoit une lueur, au loin, devant lui. Une lueur argentée qui s’étend de plus en plus à mesure que la silhouette s’avance vers lui. C’est Katell (Brume). Elle nage, enveloppée de luminescence, les voiles de sa robe flottant autour de son corps, et elle le regarde en souriant. Il n’a jamais rien vu d’aussi beau. Vient-elle le chercher ? Elle est tout près de lui, lui caresse le visage. Il a tant envie de se blottir dans ses bras et qu’elle le réchauffe, qu’elle l’emmène loin, qu’elle ne le quitte plus.  

 

Homme libre, toujours tu chériras la mer !  

La mer est ton miroir, tu contemples ton âme  

Dans le déroulement infini de sa lame,  

Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.  

Charles Baudelaire, L’Homme et la mer  

 

 

------------ L’HOMME ET LA MER ----------------  

 

C’est en pleine mer de Norvège que Yann Morvan (Jeff Collins) a décidé de faire demi-tour. La dernière dépression a eu raison du pilote automatique. Il ne peut continuer sans lui dans les mers peuplées d’iceberg qui l’attendent les semaines à venir. De plus, le mat d’artimon a craqué. S’il venait à lâcher… La mort dans l’âme, il a viré de bord. S’en est fini de son dernier rêve. A 65 ans, il est le doyen de cette édition du Vendée Globe. Sa dernière course.  

J’étais trop vieux pour ces conneries, de toute façon.  

C’est ce que tout le monde n’a pas arrêté de lui dire. Personne n’a vraiment cru en lui. Il se demande même si on ne l’a pas laissé partir pour ne pas froisser un vieil homme bercé de lubies. Pourtant, d’autres ont investi sur ce voilier. C’est beaucoup trop d’argent pour le confier aux mains d’un vieil homme terminé. Il y en a bien qui doivent croire encore un peu en lui…  

Il rejoint la cabine et s’échine une fois de plus sur le pilote automatique, pendant près d’une heure. Une étincelle, et l’engin se rallume enfin. C’est reparti ! Yann se précipite au gouvernail et vire une fois de plus. Il n’en a pas fini.  

- Penn Gwenick à la base. Le pilote est reparti. La course continue.  

- Morvan, tu es un fou.  

- Je sais. Terminé.  

On verra bien qui est le fou de cette histoire…  

 

*  

 

Il étale du pemmican sur une tranche de biscotte. Marre des boites de thon. Il aurait dû se préoccuper lui-même de ses stocks de nourriture. Après la collation, il s’allonge dans la cabine. L’heure de la sieste. Il touche son pénis. Il fut un temps où il se masturbait à chaque pause qu’il pouvait se permettre. Quand on est des mois seuls sur un bateau, la libido ne reste pas pour autant à quai. Mais à son âge, la vigueur n’est plus la même. Devant son membre désespérément endormi, il se dit qu’il ferait mieux de suivre son exemple. Il pense à Katell. Etrangement, ce n’est pas son épouse qui lui vient en tête. C’est toujours Katell qui accompagne ses pensées lorsqu’il est en mer. Katell. Ses jeunes années. Si elle ne s’était pas noyée, ce serait probablement elle qui l’aurait attendu sur le port, pendant toutes ces années.  

Soudain, Yann se réveille au bruit de la secousse. Un fracas vient de secouer la coque. Aucune tempête ne s’est annoncée pourtant. Il rejoint le pont et regarde les eaux. La mer est relativement calme, ce ne peut être une lame qui a frappé la coque. Un son très reconnaissable se fait alors entendre. Yann se retourne. Une baleine émerge auprès du voilier et crache l’eau par son évent. C’est elle qui a dû toucher la coque. Yann l’admire. Une belle bête. Elle s’immerge et nage sous le voilier. Elle semble vouloir l’accompagner. Puis au bout de quelques minutes, elle s’éloigne.  

C’est aussi pour ces moments-là que Yann n’arrive pas à renoncer à la mer…  

 

*  

 

Il est en pleine mer de Barents maintenant. Les côtes scandinaves sont déjà loin. Il aperçoit au large les côtes de l’archipel de la Nouvelle-Zemble. Il va bientôt déboucher sur la mer de Kara. Son rythme est bon. Il n’est pas en tête, mais il se maintient dans le peloton de tête, d’après ce qu’on lui rapporte. Il est heureux. Le vent vivifiant et le froid glacial lui fouettent le visage. Il est dans son élément. Le vieux a toute sa place dans cette course.  

La nuit tombe et reste claire, accompagnée par la pleine lune. Le Penn Gwenick avance à vive allure. Yann aperçoit les premières traces de glace au loin. En mer de Kara, il devra être plus vigilant. Les icebergs approchent. Il pique lentement du nez sur le pont. Autant rejoindre la cabine. Mais en ouvrant les yeux, son attention est attirée en l’air. Une vive lueur rayonne au sommet des deux mats. Deux étoiles sont tombées du ciel et se sont accrochées au voilier.  

- Katell, regarde ! Des feux de Saint-Elme…  

Il a eu tellement peu d’occasion d’en voir. Il est émerveillé. Dans la tradition populaire, on a dit beaucoup de choses de ces boules d’électricité, toutes naturelles. Qu’elles sont de mauvais présages. Qu’elles sont l’âme des marins perdus en mer qui préviennent du danger. Yann n’y croit pas. Il les aime telles qu’elles sont. Parce qu’elles sont rares, et parce qu’elles se méritent.  

Yann se réinstalle sur le pont et profite de l’instant. Il n’y a que sur mer qu’il trouve sa place. Pourtant, cette course sera la dernière. Les assurances ne le suivront plus. La vie qui l’attend après cette course ne lui semble avoir aucune saveur… Comment reprendre pied sur terre quand on a tellement vécu en mer ? Les larsens de la radio l’agacent. Il a besoin de se retrouver seul. Il rejoint la cabine et arrache les fils de la radio. Cette course est la sienne. Il y a trop de monde sur ce bateau. Lui seul et la mer le mèneront au bout.  

 

*  

 

Le ketch tangue dangereusement sous le cahot des lames qui frappent la coque avec violence. La mer est en colère. Les vents hurlent et la pluie fouette le voilier. Yann s’est amarré au bastingage à l’aide d’un mousqueton. Ca va mal. Le mat d’artimon se fissure. Il a réduit la voilure, mais ça ne suffit pas. Handicapé par le tangage qui ne lui permet pas de prendre de réel appui, il enserre la scission du mat dans un nœud de cordages serrés. C’est comme mettre un pansement sur une fracture… Mais il n’a pas d’autre solution. Il doit slalomer entre lames et blocs de glace qui sont apparus depuis le matin. Ses bras et ses jambes lui font un mal de chien. Il n’a plus l’âge…  

Katell, chante-moi quelque chose…  

 

*  

 

Ses yeux piquent, il est éreinté. Depuis trois jours, il tient le gouvernail sans dormir. Le pilote automatique a définitivement lâché. Les icebergs, petits et gros, ne lui laissent pas de répit. Au moins, la mer a retrouvé son calme. Le mat d’artimon s’est scindé en deux et n’est plus d’aucune utilité. Si bien que le gouvernail est plus rude à maintenir. S’il avait gardé la radio, sans doute aurait-il appelé les secours et mit un terme à cette souffrance. Mais ce n’est pas plus mal ainsi. Il est forcé de poursuivre. Au moins la nuit claire lui permet d’avancer presque comme en plein jour. Il est en pleine mer des Tchouktches et le détroit de Bering n’est plus loin. S’il peut tenir encore un ou deux jours, il pourra faire escale à Nome, en Alaska, et revoir ses différentes avaries pour terminer la course.  

L’aurore boréale, qui s’étend sur la ligne d’horizon, est une merveille. Si seulement il pouvait être certain qu’elle est réelle… Fatigué comme il l’est, il n’est plus sûr de rien. L’aurore s’efface peu à peu. La lune et les étoiles disparaissent petit à petit dans l’obscurité. Le vent se lève. De ça, il en est sûr. Ma doué, une autre tempête se prépare…  

- Katell, je vais avoir besoin de ton aide…  

 

 

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Un film réalisé par Patrick WANG  

Sur un scénario original du Corbeau, librement inspiré de la vie d’Eric Tabarly  

 

Avec  

Jeff COLLINS - Yann Morvan  

BRUME - Katell  

 

Sur une musique de Peter FALTERMEYER  

Scénario :
une série Z d'action (Aventure) de Patrick Wang

Jeff Collins

Brume
Musique par Peter Faltermeyer
Sorti le 26 mars 2033 (Semaine 1473)
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