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Les Films du Corbeau présente
La Parenthèse de Raphael

L’acteur Raphael Lillard est assis sur un siège confortable. Face à lui, Gérard Cousin se tient derrière son bureau et l’écoute. Chacun laisse refroidir le café qu’une jolie assistante vient de déposer devant eux. Raphael a le visage rayonnant et souriant, il parle avec conviction.  

- Je sais que je n’ai jamais réalisé avant, mais il faut me faire confiance. Tout est très précis dans ma tête : le film suivra chaque page de la Bible, l’une après l’autre. La linéarité est le meilleur moyen de ne pas perdre le spectateur. Parce que le film sera un peu plus long que la moyenne, évidemment.  

Raphael se tait et attend la réaction du producteur, confiant. Gérard Cousin garde un moment le silence. Son visage reflète une certaine perplexité.  

- Tu veux adapter chaque page de la Bible au cinéma, et c’est moi que tu viens voir ?  

- Oui, car j’ai bien conscience que le projet est pharaonique ! La Gérard Cousin Prod me semble la prod idéale pour ce type de budget !  

Son ton est ouvertement obséquieux. Gérard Cousin tente de le reprendre.  

- Ce n’est pas ça que je voulais dire coco. Tu sais que moi, perso, je ne suis pas…  

Mais Raphael ne l’écoute pas. Il est surexcité et poursuit son monologue.  

- Et pensez aux retombées ! Enfin, on aura produit le film ultime qui montrera à tous la voie à suivre…  

Gérard Cousin fronce les sourcils.  

- …, je vois vraiment ce film comme un mode d’emploi pour apporter la paix dans le monde. Si tout le monde pouvait le voir et y trouver la vérité, on en aurait fini de toutes ces guerres !...  

La main de Gérard Cousin se crispe sur sa tasse. Mais Raphael ne remarque rien, il poursuit.  

- … de tous ces débats stériles sur la vérité de chacun. On y verrait enfin clair, on se débarrasserait du superflu…  

Les yeux de Gérard Cousin lancent des éclairs. Il se tourne vers le caméraman et le preneur de son. D’un geste de la main, il leur indique la porte.  

 

La caméra filme la porte fermée du bureau de Gérard Cousin, depuis le couloir. On entend des éclats de voix et la porte s’ouvre brutalement. Raphael Lillard en est projeté, les feuilles de son projet volant dans les airs. Une voix hurle à l’intérieur du bureau.  

- …d’la merde en barre ! Marre de toutes ces couille-molles qui viennent me casser les burnes avec …  

Raphael s’empresse de refermer la porte du bureau sur le flot de colère. Il est sonné. Il ramasse avec précipitation les feuilles qui jonchent le sol. Il prend conscience de la caméra qui suit ses mouvements. Il se recompose un sourire visiblement forcé.  

- Comme quoi, même pour la GCP, le projet est un peu trop ambitieux ! Mais c’est pas grave. C’est de ma faute, j’ai mal ciblé. J’aurais dû aller d’abord voir une production que je connais personnellement. M. Cousin est dubitatif. Et il a raison ! Il ne me connaît pas, il ne sait pas qu’il peut me faire confiance. Ce n’est pas grave, on continue !…  

 

 

***************** LA PARENTHESE DE RAPHAEL *****************  

 

 

La comédienne Adrienne Hare est assise sur le canapé d’un appartement cossu sur les hauteurs de GérardMerveille. Sur la table-basse auprès d’elle, on distingue une photo d’elle-même dans les bras de Raphael Lillard.  

Elle se tient face à la caméra, avec qui elle s’entretient. Ses traits sont tirés. Une tisane fumante est posée sur la table devant elle. Elle parle en regardant le vide.  

- Ca a commencé après son dernier tournage avec Les Films du Corbeau. Il avait enchainé les projets, sans prendre de repos. Il était épuisé. Un soir, il s’est effondré. Son médecin lui a prescrit une pause. Se couper de tout pendant deux semaines. Alors on lui a trouvé une maison de repos assez originale, à l’autre bout du pays. Un endroit où « on recentre l’homme sur sa place dans l’univers, sur la nature, sur les plantes », des trucs comme ça. C’est ce que disait la brochure en tout cas…  

Quand il est revenu, je ne l’ai pas reconnu tout de suite. Il était métamorphosé. Lumineux, oui, mais il n’arrêtait pas de parler de sa révélation. De son grand projet. De sa mission : réaliser un film qui reprendrait, page par page, la Bible dans son intégralité. Je lui ai dit que c’était complètement fou… mais il ne m’a pas écouté. Il a une capacité à n’écouter personne, c’est impressionnant. Un autre homme.  

 

*  

 

Raphael Lillard est reçu dans les locaux des Films du Cyborg, sur le vieux port de GérardMerveille. Love Machine l’accueille en personne dans son bureau. Elle le reçoit avec chaleur. Ils s’embrassent sur les joues.  

- Comment vas-tu, Love ? Tu es radieuse.  

- Toi aussi mon petit chat, toi aussi…  

Raphael la serre contre elle, tout en s’adressant à la caméra avec un grand sourire.  

- Cette femme est incroyable. Une main de fer dans un gant de velours ! On a tourné quelques films ensemble, « Délabrement », « Cronenberg Street »… Ah, c’était formidable, hein ?  

Il s’adresse à la productrice, quelque peu bousculée par son accolade énergique.  

- Euh… oui, oui…  

- Des scénars pas possibles, un ton unique ! Bon c’est sûr, des films un tantinet immoraux et tendancieux, mais tout le monde a besoin d’un peu de provocation, hein ? Pas vrai Love ?  

- Euh… je ne dirais pas ça comme ça…  

Elle essaie de se dégager de son étreinte, mais il est surexcité.  

- Mais quelque chose me dit que les Cyborgs sont prêts à un petit changement de cap ! Et c’est là que j’arrive. Tadam ! J’ai dans ma besace ce que vous attendez, crois-moi…  

- Eh bien voyons ça, voyons ça…  

Elle semble légèrement mal à l’aise et jette un regard lourd de sens au caméraman.  

 

Raphael est assis face au bureau de Love, et termine le même type de diatribe qu’il tenait dans le bureau de Gérard Cousin. Love est silencieuse, face à lui. Elle paraît attentive, mais son regard se promène sur les mains de Raphael, sur son torse, ses cheveux. Parfois, une petite étincelle se produit dans les jointures métalliques de son bassin mécanique.  

Raphael se tait enfin.  

- Alors, qu’en dis-tu ? On se lance ?  

Love ne répond pas. Son regard se promène toujours… Soudain, elle se rend compte de l’attention que la caméra porte sur elle et se recompose. Elle répond à Raphael sur un ton affectueux, presque comme si elle s’adressait à un enfant.  

- Non, mon petit chat, non. C’est bien joli tout ça, mais ça n’a rien à faire chez les Cyborgs.  

Le visage de Raphael se décompose.  

- Ah… bon ? Mais… le changement de cap… ?  

Love se lève de son bureau et le contourne de sa démarche féline. Les étincelles se multiplient au creux de son bassin.  

- Non non. Compte sur moi pour beaucoup de choses, mon petit chat, mais ton projet n’est pas pour nous. C’est un gros projet, qui doit être bien fatigant. Si tu le laissais de côté quelques minutes ?  

Alors qu’elle lui parle et que Raphael reste assis, pantois, dans son siège, Love avance vers la caméra. Lentement, elle repousse le caméraman et le preneur de son qui reculent vers la porte du bureau.  

- Tant que tu es là, j’ai moi aussi un petit projet dont il faut que nous parlions…  

La caméra a reculé jusqu’au couloir. Love envoie un rapide baiser à la caméra et se retourne vers Raphael. Son bassin est illuminé de dizaines de petites étincelles électriques. La porte se ferme au nez de la caméra…  

 

*  

 

Raphael marche dans la rue, rapidement. La caméra le précède et le filme de face. Ses joues sont rouges et sa chemise mal boutonnée. Il tient toujours sa sacoche sous le bras, alourdie par l’épais scénario. Il sourit toujours, mais plus discrètement. Il ne semble plus aussi à l’aise devant la caméra que quelques heures plus tôt.  

- Non non, ça n’a rien donné. Love est un choux, mais elle n’a pas vraiment les épaules pour ce projet. Ce n’est pas plus mal, je crois que les Cyborgs ne sont pas prêts. Il faut une production plus droite dans ses baskets, plus punchy. C’est un projet fort, percutant. Il faut savoir l’encaisser. C’est pour ça que je pense avoir trouvé l’homme qu’il me faut…  

Il envoie un clin d’œil confiant à la caméra et traverse la route. Il se dirige en trottinant vers un gymnase. Sur la porte d’entrée, des affichettes annoncent des prochains matchs de boxe.  

 

*  

 

Adrienne Hare est toujours sur son canapé. Une larme coule sur sa joue.  

- Il ne me touche plus, il ne me voit presque plus… Je me demande même s’il peut encore me…  

Elle se reprend, comme si elle avait oublié temporairement la présence de la caméra.  

- Il prend tout un tas de cachets. Je veux qu’il voit un médecin d’ici, mais il refuse, il dit qu’il se sent mieux que jamais. Et c’est vrai qu’il a une énergie à faire peur !  

Elle s’interrompt car la porte de l’appartement s’ouvre. Raphael Lillard entre, sa sacoche sous le bras. Son œil droit est bleu et boursouflé. Adrienne le rejoint précipitamment.  

-Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?  

- C’est rien, c’est rien…  

 

Raphael est assis sur le rebord d’une baignoire. Adrienne lui applique de la pommade sur son cocard.  

- J’étais parti proposer le projet à Kelvin Pitbull. Il s’entrainait contre un sac de sable. Je lui parlais, et puis d’un coup, plus rien, le trou noir…  

- Et qu’a-t-il dit ? Il l’aime, ton projet ?  

- Euh… je ne suis pas sûr qu’il l’ait bien compris. Enfin je pense que sa main a ripé contre le sac. Il ne l’a pas fait exprès ! Quand on m’a réveillé, il était parti. Mais il va sans doute me rappeler…  

 

*  

 

Raphael s’est endormi sur son lit, l’œil endolori. Adrienne referme la porte de la chambre et la caméra la suit dans le salon, où elle se rassoit sur le canapé. Elle parle plus bas.  

- Il a commencé à proposer son idée au Corbeau, puisqu’il vient de tourner plusieurs films avec lui et que moi aussi je le connais bien. Bon, il a refusé bien sûr, mais il m’a appelé, car il était inquiet. Tu m’étonnes ! Tous ceux qui le connaissent savent que Raphael n’était pas croyant il y a de ça deux semaines encore. Il n’est même pas baptisé ! Quoi qu’il en soit, le Corbeau a refusé de le produire, mais il lui a proposé une équipe pour le suivre dans sa démarche. Je me suis demandé si c’était pour se moquer de lui. Mais je crois qu’il lui veut du bien avant tout.  

 

*  

 

Le Corbeau est assis dans le bureau du PDG de la société Onze Arpents, Tom Lewitt. Ils sirotent ensemble un verre de whisky.  

- Que penses-tu de mon idée ? Ca ne t’embête pas de jouer le jeu ?  

- Ca peut se faire…  

- Tu lui rendrais un grand service.  

A ce moment, un interphone sonne sur le bureau. Tom Lewitt se lève et appuie dessus. Une voix féminine s’en échappe.  

- M. Lillard est arrivé. Il dit avoir rendez-vous, mais je ne le vois pas noté sur le...  

- Si si, je l’attendais. Vous pouvez me l’envoyer.  

Le Corbeau pose son verre. Tom ouvre une porte dans le fond de la pièce.  

- Tu peux sortir par là.  

Les deux hommes se saluent et le Corbeau disparaît. Raphael Lillard apparaît, souriant, par l’autre porte restée entrouverte. Il frappe délicatement. Son œil est toujours violacé, il semble plus fatigué que la veille.  

- Entrez Raphael, entrez.  

- Merci de me recevoir. On ne s’était jamais rencontré, mais je vous connais bien de réputation…  

- Moi aussi, moi aussi.  

Raphael aperçoit la caméra, surpris.  

- Ah, vous êtes là ! Je me demandais…  

Tom Lewitt détourne son attention.  

- Asseyez-vous Raphael. Vous m’avez dit avoir un grand projet à me proposer, et je n’ai malheureusement pas beaucoup de temps. Je vous écoute.  

 

*  

 

Raphael sort du bâtiment de la Onze Arpents. Il est rayonnant et se frotte les mains. Il parle à la caméra.  

- Je crois que cette fois, on tient le bon bout ! Je savais qu’une plus jeune société serait plus apte à prendre le risque ! J’aurais dû commencer par là… Bon, ça reste à confirmer, mais je crois que ça va se faire. M. Lewitt m’a dit qu’il avait besoin de temps pour étudier le projet, pour voir s’il était financièrement viable, et tout et tout. Mais là où il m’a surpris, c’est dans sa proposition : comme il ne sait pas si je suis de taille pour réaliser un si gros projet, il m’a proposé de réaliser un film d’essai. Un documentaire sur l’hôpital psychiatrique de GérardMerveille ! Un mois de tournage en complète immersion. C’est vraiment une bonne idée…  

 

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Un documentaire de Sharon NICOTERO  

 

Avec l’intervention de  

Raphael LILLARD  

Adrienne HARE  

 

Les apparitions amicales de  

Gérard COUSIN  

Love MACHINE  

Tom LEWITT  

 

Et l’amicale participation de  

Kelvin PITBULL  

Scénario : (1 commentaire)
une série Z documentaire de Sharon Nicotero

Raphael Lillard

Adrienne Hare
Sorti le 23 octobre 2032 (Semaine 1451)
Entrées : 19 535 251
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