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Les Films du Corbeau présente
Gimme shelter, Dolores

Bethesda, dans la banlieue de Washington, 1973  

 

BO : https://www.youtube.com/watch?v=KDKwz6Oeh4g  

 

Dolores (Maria Lima) était à genou, penchée au-dessus de la baignoire. Armée d’un gant en plastique, elle s’appliquait à détartrer l’émail rutilant de la salle de bain qui était aussi spacieuse que son propre salon. Tout à son labeur, elle n’entendait que d’une oreille la musique qui lui parvenait du salon de Mrs. Morgan. Ce n’est que lorsqu’elle se surprit à chantonner un air qui lui était particulièrement familier qu’elle s’arrêta. Elle se redressa et, sans s’en rendre compte, elle lâcha l’éponge et la bouteille de produit détartrant qui chutèrent sur le carrelage. Elle sortit de la salle de bains et se dirigea lentement vers le salon. Mrs. Morgan (Jessica Aronosky) était assise, les jambes allongées sur son long divan de velours jaune et feuilletait un magazine. Un disque tournait sur la platine et la voix chaude et tonnante d’une chanteuse emplissait le salon d’une mélodie légère. Mrs. Morgan releva les yeux de son magazine et aperçut sa femme de ménage, immobile, dans l’encadrement de la porte. Son regard était perdu dans le vide.  

- Oui Dolores ?  

Dolores répondit qu’elle que chose, qu’elle ne parvint pas à distinguer.  

- Vous dites ?  

- C’est moi.  

- C’est vous… quoi ?  

- C’est moi qui chante. Sur ce disque, c’est ma voix…  

Mrs. Morgan fronça les sourcils. Que voulait-elle dire ? Elle se pencha et attrapa la pochette en carton du disque qui était posée sur la table basse. Sur la couverture, une jeune femme au sourire délicat, coiffée d’une lourde choucroute blonde très à la mode une dizaine d’années auparavant, fixait l’objectif.  

- C’est un disque de Clarisse Donahue, “The Shoop shoop song”. Vous connaissez ?  

- Ce n’est pas Clarisse Donahue. C’est son visage, mais c’est ma voix…  

 

 

--------------------- GIMME SHELTER, DOLORES ------------------------  

Un film d’Adam Lester  

 

 

New York, 1962  

 

Dolores, plus jeune d’une dizaine d’années, faisait face au micro et interprétait The Shoop shoop song dans un studio d’enregistrement. Derrière elle, deux jeunes femmes à la peau noire l’accompagnaient de leur voix légère. De l’autre côté de la vitre, penché au-dessus une lourde table de mixage, Calvin Dressler (Ken Barby) fumait un cigare en observant Dolores. A la fin de la chanson, il la rejoignit.  

- C’était parfait ma belle.  

Dolores était enchantée.  

- Il y aura vraiment mon nom sur la pochette ?  

- Je te l’ai dit : finies les Zipper Sisters. Tu as une voix, il est temps que le monde la connaisse. Tu finis la tournée de Zipper, et on passe à autre chose.  

- Mais Dolores Cortes, ça ne sonne pas un peu… ?  

- Si, mais je m’en suis occupé ma belle. Dolores Clarke, c’est ton nouveau nom.  

 

 

Sur la scène du club Phoenix de New York, Vernon H. Zipper (Carl M.) se démenait sur son piano. Le blues qui sortait de sa voix faisait vibrer le parterre des danseurs qui l’écoutaient avec frénésie. Entre son piano et l’orchestre, Dolores se déhanchait au milieu de ses deux acolytes. Les Zipper Sisters accompagnaient le sensuel Zipper depuis plus de deux ans et partageaient ses succès. Sous la chaleur furieuse des projecteurs, elle se laissait entraîner par le rythme et donnait de sa voix peut-être plus que d’habitude, sans doute plus qu’elle n’aurait dû pour ne pas couvrir celle de ses partenaires. Une choriste ne pouvait pas se permettre d’accaparer le son. Mais elle se sentait électrisée. Bientôt, c’était pour elle seule que ces jeunes hommes et ces jeunes femmes vibreraient.  

Après le tour de chant, elle s’installa avec Zipper à l’une des tables du club. Les autres Zipper Sisters les accompagnaient. On leur servit une bouteille de champagne dans son seau de glace, et Zipper servit les jeunes femmes.  

- A la fin d’une superbe tournée !  

Ils trinquèrent. Zipper se pencha dans le cou de Dolores qu’il embrassa langoureusement. Il lui dit à l’oreille.  

- Et au début d’une nouvelle carrière, bébé.  

Dolores était rayonnante. La soirée se poursuivait dans une ambiance mêlée de musique, de rires, d’alcool et d’un peu de poudre blanche. Soudain, elle ne put s’empêcher de lever les yeux vers les baffles. Les premières notes de The Shoop shoop song s’élevèrent. La voix du disc-jokey résonna au micro :  

- Ouvrez les oreilles, un nouveau hit juste pour vous. Le tout nouveau titre du label Dressler : The Shoop shoop song, interprété par une jeune femme qui nous vient du froid, Miss Clarisse Donahue !  

Dolores se figea. Clarisse Donahue ? Calvin aurait-il poussé le vice jusqu’à changer une nouvelle fois son nom, et lui inventer une histoire peu crédible ? Vernon et les Sisters la regardaient.  

- C’est quoi cette histoire, bébé ?  

Dolores ne répondit pas et se leva. Elle se dirigea jusqu’aux vestiaires, où elle demanda un jeton pour utiliser la cabine de téléphone. Elle composa le numéro de Dressler.  

- Calvin, qui est Clarisse Donahue ?  

- Alors ils diffusent déjà le titre ? C’est formidable !  

- Calvin, que se passe-t-il ? Pourquoi n’ai-je pas entendu mon nom ?  

Dressler ne répondit pas tout de suite. Dolores l’imaginait tirant sur son cigare.  

- On a fait des tests d’écoute, ma belle. Il s’avère que New York n’est pas prête à s’intéresser à une hispano du Bronx. Alors on a « prêté » ta superbe voix à une jolie poupée venue du froid.  

La jeune femme n’en croyait pas ses oreilles.  

- Mais… mon disque… tu m’avais dit…  

- C’est pas un drame, ma belle ! Les Zipper Sisters fonctionnent très bien ! Ce n’est que partie remise, fais-moi confiance.  

Dolores raccrocha. Elle retourna à sa table, mais lorsqu’elle vit Vernon tourner la tête vers elle, attendant d’en savoir plus, elle préféra bifurquer et récupérer ses affaires. Ce n’est que lorsque la mélodie fut recouverte par les bruits de la rue qu’elle laissa éclater ses sanglots. Jamais elle n’avait vécu une telle humiliation.  

 

 

Les voix de Vernon et de Dressler s’entendaient jusque dans le couloir. Le ton avait trop tardé à monter selon son goût, mais Vernon avait visiblement fini par s’énerver. Dolores était assise dans un fauteuil près de la porte du bureau de Dressler. A quelques mètres d’elle, une autre jeune femme attendait également et tirait langoureusement sur sa cigarette. Elle avait reconnu sa chevelure blonde et ses yeux d’azur car de nombreux magazines n’avaient pas tardé à afficher son portrait : Clarrise Donahue (Carla Morane). Elle évitait soigneusement de la regarder, d’autant plus que la jeune femme blonde ne la quittait pas du regard. C’est elle qui finit par lui adresser la parole. Sa voix était suave et langoureuse, et on eut pu s’interroger sur la nécessité de la camoufler derrière celle d’une autre, si un accent scandinave ne ponctuait pas chacune de ses phrases.  

- Tu peux me regarder, chérie. Ce n’est pas moi, l’ennemie. Crois-tu que ça me fasse plus plaisir qu’à toi ?  

Dolores la regarda, interloquée. Il ne lui était pas venu à l’idée que le stratagème de Dressler, vieux comme le monde, avait pu lui être imposé à elle aussi. Elle n’eut pas besoin de lui répondre, car la porte du bureau s’ouvrit soudain. Dressler apparût et se tourna vers Dolores.  

- Ne brûle pas les étapes, ma belle. Ne torpille pas ta carrière sur un coup de tête.  

Vernon sortit, évitant un instant le regard de Dolores. Dressler se tourna vers Clarisse.  

- Désolé de t’avoir fait attendre, beauté. Viens.  

Ils disparurent dans le bureau de Dressler. Vernon entraîna Dolores vers la sortie. Elle le regardait avec insistance.  

- Désolé, Dolores. Tu es sous contrat avec lui, et si ton contrat ne l’oblige à rien, il t’oblige, toi, à jouer le jeu. Encore un moment, en tout cas. Il va falloir être patiente…  

 

 

Bethesda, 1973  

 

Dolores marchait dans une rue nimbée de feuilles mortes auprès de Mrs. Morgan. Elles pénétrèrent dans le hall d’un hôtel et se dirigèrent vers la salle de bal. A cette heure matinale, la salle était presque vide. Autour d’une table, plusieurs dames aussi distinguées que Mrs. Morgan et d’un certain âge, comme elle, étaient assises et discutaient en sirotant du thé.  

- Voici mes amies du cercle caritatif de Bethesda. Je veux vous présenter à Mrs. Bergson. Je crois savoir que son oncle a monté un label de musique à Washington.  

Dolores s’arrêta et la regarda avec lassitude.  

- Mrs. Morgan, je ne comprends pas ce que vous cherchez. Je ne chante plus depuis des années.  

Mrs. Morgan se tourna vers elle et posa ses mains sur ses épaules.  

- Dolores, vous avez une voix formidable. Vous êtes encore jeune. Trop jeune pour renoncer complètement. Je ne vous promets pas monts et merveilles, mais si vous avez de la patience, cela vaut le coup d’essayer…  

 

 

Minneapolis, 1966  

 

De la patience, Dolores en eut. Deux autres de ses titres sortirent sous le nom de Clarisse Donahue, mais ils ne rencontrèrent pas le même succès. Vernon H. Zipper changea de style et renouvela son public en tentant d’autres expériences, plus rock’n roll. Les Zipper Sisters se séparèrent en 1964, Dolores et Vernon également. Depuis lors, Dolores enchaînait les tours de chants pour le label Dressler. Elle accompagnait les plus grands noms du blues et du rock’n roll dans des tournées mondiales. Dressler maintenait sa motivation en lui promettant son propre album. Mais les tournées s’enchaînaient sans laisser de place à ses propres initiatives. Elle était une choriste dont les plus grands artistes s’échangeaient le nom, mais le public, lui, n’avait jamais entendu parler de Dolores Clarke.  

Elle buvait un énième verre de whisky dans sa loge du Variety Theatre. Dans une trentaine de minutes, elle allait rejoindre la scène et accompagner le mythique Ray Charles. Elle fignolait son maquillage, lorsqu’on frappa à la porte. Vernon entra. Dolores l’accueillit avec effusion.  

- Darling, tu es resplendissant ! Ne me dis pas que c’est moi que tu es venu voir !  

- Je joue ici, demain. Quand j’ai su que tu faisais partie des Raelettes, je n’ai pas pu rester dans ma chambre d’hôtel. Tu es magnifique.  

- Tu m’as manqué.  

Ils se tenaient dans les bras l’un de l’autre. Ils se regardaient avec nostalgie.  

- Et cet album ?  

Dolores leva les yeux au ciel. Elle lui servit un whisky, et s’en servit un à elle aussi.  

- Misssster Dressler aime trop m’avoir dans son petit placard. Je ne vois que ça. On a pourtant enregistré une démo, un titre du feu de Dieu. Mais j’attends toujours.  

Elle voulut s’asseoir mais manqua son siège. Vernon la retint juste à temps par le bras.  

- Tu ne crois pas que tu as assez bu ? Tu rentres en scène dans une dizaine de minutes.  

- Le whisky et la scène font si bon ménage. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça !  

Elle rit. Vernon lui répondit avec un sourire triste.  

- Tu vas bien, ma belle ?  

- …Non. Mais qu’est-ce que ça change, darling ? « The show must go on », pas vrai ?  

 

Ce soir-là, Dolores ne réussit pas à trouver le rythme, à caler sa voix à l’unisson des autres Raelettes. Après le concert, elle subit la colère du grand Ray Charles. Et celle de Calvin Dressler par la suite. Il rompit son contrat. Dolores Clarke était morte et enterrée. Dolores Cortes, elle, était seule et se chercha un nouvel avenir, plus loin des projecteurs.  

 

 

Washington, 1973  

 

Arnold Walinsky (Jean-Luc Bellot) était assis à la table d’un cabaret vide. Le Moon River était fermé à cette heure de la journée, mais toujours ouvert pour Mr. Walinsky, puisqu’il en était le propriétaire. Mrs. Morgan était assise à ses côtés.  

- Je vous écoute, Mrs. Cortes.  

Sur la scène du cabaret, Dolores se tenait intimidée sous le feu de l’unique projecteur. Elle tenait un disque 45 tours à la main.  

- Clarke. Dolores Clarke.  

- Je vous écoute, Miss Clarke.  

Elle tendit le disque au jeune machiniste. Sur la pochette, le jeune homme lut : Demo Gimme shelter. Il plaça le disque sur la platine reliée aux enceintes de la salle. Les cordes d’une guitare électrique se mirent à chanter, bientôt rejointes par la percussion. La voix de Dolores s’éleva, légèrement plus rauque que dix ans auparavant, mais pas moins chaude, pas moins habitée…  

 

BO : https://www.youtube.com/watch?v=JR7BcfVuwc8  

 

 

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Un film d’Adam LESTER  

Sur un scénario original du Corbeau, librement inspiré de l’histoire de Darlene Love.  

 

Avec  

Maria LIMA - Dolores Clarke  

Ken BARBY - Calvin Dressler  

Carl M. - Vernon H. Zipper  

Carla MORANE - Clarisse Donahue  

Jessica ARONOSKY - Mrs. Morgan  

Jean-Luc BELLOT - Arnold Walinsky  

 

BO :  

- https://www.youtube.com/watch?v=KDKwz6Oeh4g (The Shoop shoop song, Merry Clayton)  

- https://www.youtube.com/watch?v=JR7BcfVuwc8 (Gimme shelter, Merry Clayton)  

Le Corbeau précise s’être affranchi de toute vérité historique des morceaux utilisés ainsi que de ses artistes.  

Scénario : (2 commentaires)
une série A dramatique (Musical) de Adam Lester

Ken Barby

Maria Lima

Carl M.

Carla Morane
Avec la participation exceptionnelle de Jessica Aronosky, Jean-Luc Bellot
Sorti le 28 août 2032 (Semaine 1443)
Entrées : 23 637 299
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