"La vie est là, elle est devant nous, étendant ses bras pour nous accueillir. Nos destins entremêlés sont une grande matrice où tout le monde est lié à tout le monde. Les corps meurent mais les âmes survivent aux siècles et aux millénaires"  

Jack Iginton était un cadre qui travaillait dans un grand lobby pétrolier. Il s'occupait de l'élaboration des objectifs de la firme. Il était parmi les plus hauts-gradés de l'entreprise, connaissant tous les plans et les desseins de celle-ci. C'était l'architecte, l'architecte de la grande maison. Il ne donnait des comptes à personne sauf au directeur-général. Il avait une femme et deux enfants. Il vivait dans un petit appartement à San Francisco. Il était un peu frivole, et aimait s'amuser après ses longues journées de travail. Le travail le retenait, l'enfermait dans un univers sombre. Un monde fait de calculs, de projections et d'objections.  

Sax Petroil & Co détenait la plus grande part sur le marché du pétrole. Elle était très puissante : elle était présente dans de nombreux pays dans le monde entier. Son influence était comparable à celle d'une patrie: les images de ses publicités et de sa propagande, diffusées par les télévisions et les médias, se propageaient tel un séisme dont l'épicentre était St-Francisco. Le public avait confiance en la Sax Petroil, du moins, il n'hésitait pas à placer son espoir dans une société pétrolière. Vain espoir, car tout s'écroula grâce à Jack.  

Sa femme s'appelait Anna, elle était belle et douce : sa voix ressemblait au chant d'un oiseau le printemps, ses cheveux, les méandres d'une forêt où Jack aimait se perdre. Ses yeux, des perles de nacre. Ils étaient très heureux ensemble, et s'aimait passionnément l'un de l'autre. Cette passion était apparue par leur première rencontre, début d'une histoire dans le vaste océan de la mémoire.  

C'était un samedi soir, dans une boite de nuit de Seattle, il faisait chaud, très chaud. La lumière aveuglante des néons éclairait l'entrée de l'établissement. De nombreuses personnes s'y pressaient, passant devant le videur qui surveillait cette foule incontrôlée. Jack était à l'intérieur, il était avec des amis discutant de choses futiles et blaguant sur le physique de certaines filles:  

"Donc alors toi ça va les études ? Moi j'y arriverais pas, ces foutus profs m'aiment pas. Je préfères bosser comme un chien qu'étudier dans un endroit où je suis mal à l'aise.  

-Boh ça va, des fois t'as plus envie de travailler, c'est par périodes. Ça part et ça revient. Mais quand ça part tu te remet au boulot tout de suite comme si rien ne s'était passé."  

En disant cette phrase, il vit sa future femme, qui était assise là, toute seule, sur une chaise à regarder les autres faire tournoyer leur promise. Jack prit tout son courage à ce moment et s'avança pour lui proposer de danser avec elle. Elle accepta avec un large sourire. Au son de la musique, il dansa d'une manière très belle avec Anna. Ses mains enlaçaient sa taille, son regard était perdu dans ses yeux. L'évidence de faire sa vie avec elle lui apparut sous ses yeux. Ils n'osaient rien se dire mais savait dans le plus profond de leur âme qu'ils était fait l'un pour l'autre.  

Nous revoilà, 40 ans plus tard, Jack s'apprête à exécuter son coup de maître, le chef d'oeuvre qui seras la fin de sa vie. Beaucoup de choses ont changé en 50 ans, le monde a changé, les gens ne sont plus les mêmes. La Sax Petroil & Co s'est transformée en un état supra-nationale. Elle contrôle tout les domaines importants désormais. Les gens sont manipulés et vivent dans un monde irréaliste et idéaliste. Jack se sent étranger dans ce monde qui était pourtant le sien. Il tient un papier. Il tremble. Sa tête est dans un désordre infini. Il regarde alors vers les douces vibrations changeantes du Soleil, il est en train de se coucher. Une immense foule est présente dehors, toutes les nations du monde sont rassemblées. Tous les regards sont dirigés vers ce balcon fatidique, là où la révolution commencera et se finira. Il s'avance, prend le micro et commence à déclamer les prémices du discours le plus important de l'humanité:  

"Peuple du monde, peuples libres, vous êtes tous présents ici et je souhaiterais vous en remercier. Ce que je vais dire va rentrer l'histoire et seras le début du changement. La fin de la dictature. Oui, vous vivez dans une dictature. Regardez autour de vous, vous n'êtes pas heureux et ne vivez pas votre vie comme vous le devriez. Car l'Etat supra-national qui vous a donné l'immortalité, qui vous a soigné, éduqué, vous a menti. Il vous a manipulé par le biais des médias et de plusieurs évènements catastrophiques inventés à cet effet. Ne croyez pas qu'ils ont pitié de vous, ils n'hésiteraient pas à vous laisser mourir dans la misère si leur besoin de main d'oeuvre n'était pas présent. L'élite vous dirige et vous égare avec ses paroles fallacieuses. Depuis des années, vous vivez dans une matrice. Une matrice où personne ne peut faire la différence entre la réalité et la perception modifiée. Vous devez vous révoltez, vous battre contre cette réalité. Peuples du monde, peuples libres, je m'en vais sans aucun regret, le coeur léger. Les corps meurent mais les idées restent immortelles. Gloire à la Liberté ! Gloire à l'humanité libre !"  

Le discours prononçé, il se retira après quelques minutes. La foule applaudisait et prononçait le nom de Jack. L'armée commençait à quadrillait l'immense périmètre formait par la foule, un raz-de-marée humain. Jack vit la capsule qui était posée sur la grande table en marbre. Il observa pendant un instant, sa mort, cette capsule. Il se rendit compte de l'importance de son existence et profita de ces quelques minutes plus qu'il n' avait profité de sa vie. L'air détendu, il gisait sur le canapé, les yeux ouverts. Dehors, on entendit des tirs, des bruits d'explosions et de personnes criant dans la rue.