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Les Films du Corbeau présente
Le Désarroi de Lord Pemberton

Londres, 1895.  

Cela faisait plus de 6 mois que la vie de Lord Robert Pemberton (Alan Evans) et Lady Emily (Victoria Troughton) avait basculé dans des heures sombres. Leur unique enfant, un garçon de 8 mois, s’était endormi un soir pour ne plus se réveiller. Sans alerte, sans cri, le plus simplement du monde. La mort d’un nourrisson était hélas chose courante, mais lorsqu’on est une famille à l’abri de tous besoins, on s’attend à être également à l’abri de ces maux qui frappent d’habitude les moins aisés. Et le couple vivait depuis un deuil dont ils avaient beaucoup de mal à se relever. Emily avait beaucoup souffert de son accouchement, elle avait perdu beaucoup de sang et le médecin l’avait prévenu que cet enfant serait probablement le seul qu’elle pourrait avoir. C’est pourquoi cette perte lui semblait un dommage irréparable dans une vie qui serait dorénavant assombrie à jamais.  

Robert, lui aussi, avait beaucoup souffert de cette perte. Mais il voulait que sa femme envisage de se remettre, petit à petit. Il savait bien que cela serait encore long et douloureux. Mais lui avait reprit quelques unes de ses activités, leur enfermement dans leur grande maison de Peyton Place et leur cloisonnement de toute vie sociale ayant commencé à lui peser plutôt que d’adoucir ses plaies. Alors depuis quelques semaines, il retournait tenir sa place à la chambre des Lords, et il faisait à nouveau des apparitions à son club de gentlemen, le soir venu. Il aurait aimé que sa femme l’accompagne au théâtre, qu'elle accepte quelques invitations à dîner. Mais elle s’enfermait dans sa douleur et ne voulait pas en entendre parler. Depuis la naissance de l’enfant, elle s’était installée dans une autre chambre pour retrouver la santé. Il y avait de longs mois de ça, mais elle n’avait pas encore accepté de rejoindre le lit conjugal. Le couple souffrait, mais pas ensemble. Chacun de son côté. Et Robert aurait aimé pouvoir changer les choses.  

 

Un matin, une lettre de sa sœur lui permit d’envisager une éventuelle solution. Il rejoignit Emily dans le jardin d’hiver, où elle était occupée davantage à fixer le jardin à travers la verrière qu’à lire le livre qu’elle tenait dans ses mains.  

- Emily, ma sœur m’écrit pour nous demander un grand service. Ses voisins ont un fils qui revient dans quelques semaines des Indes. Ils voudraient qu’il s’installe à Londres pour découvrir la ville, faire son entrée dans le monde et compléter son éducation. Mais ils ne sont pas très argentés. Ma sœur a pensé que ce serait formidable si nous acceptions de l’accueillir chez nous. Elle me dit qu’il est très convenable et plein de vie, elle l’adore. Qu’en pensez-vous ?  

- Oh Robert, je ne sais pas…  

- Emily, il faut cesser de rester seule dans vos noires pensées. Ce qu’on nous demande n’est pas grand-chose ! Au mieux, il ramènera peut-être un souffle de vie dans cette maison, au pire il vivra sa vie avec indépendance.  

- Peut-être… Faites ce que vous pensez être le mieux, Robert.  

Elle était loin d’être convaincue, mais ne se sentait pas la force de se battre.  

 

C’est ainsi que, quelques semaines plus tard, Andrew Hawthorne (Karl Hedges), un jeune homme de 19 ans, s’installa chez eux. Alors que tous trois faisaient connaissance, assis confortablement près de la cheminée en cette fin de journée, Emily constatait effectivement que leur invité était un jeune homme aimable, plein de vie et d’éloquence. Il leur racontait son expérience des Indes, elle trouvait ce qu’il disait passionnant, et pourtant elle ne pouvait pas s’empêcher d’être mal à l’aise. Aussi agréable fut-il, elle avait l’impression que sortir de sa peine équivaudrait à s’éloigner de son enfant. Et elle n’y était pas encore prête. C’est pourquoi elle s’excusa bientôt pour se retirer et se coucher tôt.  

Robert resta quelques heures à discuter avec Andrew. Malgré son jeune âge, ce jeune homme avait une discussion très intéressante, et Robert prenait beaucoup de plaisir à l’écouter. Sa bonne humeur était un souffle d’air pur dans son quotidien embrumé et il se félicitait d’avoir accepté la proposition de sa sœur. Andrew était impatient de connaître la vie londonienne. Il projetait de courir les théâtres et les soirées, de découvrir les peintres et les écrivains en vogue. Il démontrait une ouverture d’esprit et une nonchalance qui étonnaient Robert. Ils avaient un peu plus de 10 ans d’écart, mais Robert sentait bien qu’une génération les séparait. Il lui semblait n’avoir jamais été aussi à l’aise et énergique qu’Andrew, même à son âge. Il s’était toujours considéré comme un gentleman conservateur et bien éduqué, à l’abri du « qu’en dira-t-on », et il avait en face de lui un jeune homme qui ne paraissait pas se soucier de ce qu’on penserait de lui, et qui disait ouvertement devoir découvrir certains lieux londoniens (mais comment les connait-il ?) où Robert aurait eu bien honte qu’on puisse le voir. Il aurait dû être choqué, pourtant il était davantage admirateur d’un tel souffle de liberté.  

 

Quelques jours plus tard, Emily s’était réfugiée dans sa chambre, où Larissa (Béatrice Bouma), sa femme de chambre, l’avait retrouvée et l’aidait à se préparer pour le repas du soir. Elle se sentait dans une de ses phases de mélancolie les plus sombres, et il n’y avait que Larissa, qui était à son service depuis l’époque où elle n’était qu’une jeune fille à marier, qui pouvait l’apaiser par ses attentions et son tact. Elle la connaissait mieux que personne, mieux même que son mari. L’après-midi, elle s’était laissée convaincre par Lord William Bright (Yannis Lassek), un ami de Robert, de l’accompagner à une exposition de peinture. Elle avait beaucoup d’affection pour William, et lui était un des plus proches amis du couple depuis des années. Elle n’ignorait pas qu’il avait toujours eu des sentiments plus qu’amicaux à son égard, mais il avait toujours eu la courtoisie de ne pas lui en faire part, et elle lui en était très reconnaissante. Elle l’avait suivi et l’avait regretté. Revenir au monde pour la première fois depuis des lustres, croiser des connaissances, se forcer à discuter et parler de choses qui ne l’intéressaient pas avait été trop brutal pour elle. Elle avait prié William de la ramener chez elle, ce qu’il avait fait sans discuter, mais avec un regret évident.  

Attablée entre son mari et Andrew, elle n’était pas plus à son aise. Le jeune homme vivait parmi eux depuis deux semaines maintenant, et il était toujours aussi agréable. Robert et lui s’entendaient à merveille, ils étaient très complices, et Emily reconnaissait à peine son mari. La compagnie d’Andrew lui faisait beaucoup de bien, c’était évident. Elle était heureuse pour lui, et pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’en souffrir. Voir son mari reprendre un goût à la vie si évident lui était douloureux et l’excluait encore plus. Pourtant ils lui proposaient régulièrement de les accompagner, de profiter des soirées londoniennes en leur compagnie, mais elle se sentait tellement en décalage, et tellement incomprise. C’est peut-être pour cela qu’elle avait préféré accepter la proposition de William plutôt que celle de son mari.  

Andrew parlait de la pièce de théâtre à laquelle il souhaitait emmener Robert ce soir-là. Un mari idéal d’Oscar Wilde. Elle entendait la discussion plus qu’elle ne la suivait, et c’est parce qu’elle vit Larissa arrêter son geste, alors qu’elle lui servait une louche de consommé d’asperges, qu'elle prit conscience de l'étrange information. Il était de notoriété publique qu’Oscar Wilde était depuis quelques temps en prison à cause de certaines de ses mœurs condamnées par la loi (on parlait d’un « inverti »). Ses pièces, aussi bonnes qu’on ait pu les trouver jusqu’à présent, n’étaient plus en odeur de sainteté au cœur de la population mondaine londonienne. Pourtant Andrew défendait son génie, accusait la mentalité arriérée de la société anglaise et projetait d’emmener son mari dans un des théâtres subversifs qui refusait de renoncer à ses pièces. Et Robert semblait impatient de le suivre. Ce n’était pas le Robert qu’elle connaissait ! Lui si conscient du rang qu’il tenait et de l’image que ses pairs pouvaient avoir de lui ! Elle s’était même plus d’une fois moquée de ses réactions si guindées et pudibondes… Non, elle ne reconnaissait décidément pas son mari, et cet éloignement était une souffrance de plus…  

 

Le lendemain matin, alors que Larissa finissait de la coiffer, Emily demanda :  

- Mon mari est-il déjà descendu ?  

- Non my Lady. Et je doute qu’il le fasse avant un bon moment.  

- Pourquoi donc ?  

- Il est rentré très tard avec Mr. Andrew. Je les ai croisés alors que je me levais.  

- Ah bon…  

Larissa interrompit son dernier coup de peigne. Emily releva la tête et la regarda dans le miroir.  

- Qu’y a-t-il Larissa ?  

- Que Madame m’excuse si je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais je crois que Madame devrait passer plus de temps avec Monsieur. Je crois que la compagnie du jeune Monsieur ne lui convient pas.  

- Que voulez-vous dire ? Andrew Hawthorne est un jeune homme très convenable !  

- Je crois que Madame devrait davantage s’intéresser à lui. Je crains qu’elle n’ait pas pris le temps de se faire une opinion juste…  

Larissa poursuivit sa tâche, le regard baissé, laissant Emily à ses réflexions.  

 

Lord Robert poussa la porte d’entrée plus brutalement qu’il en avait eu l’intention, suivit par Andrew. Il était sérieusement éméché ! Il savait qu’il aurait dû avoir honte, pourtant à cette heure indue, il savait que les domestiques étaient déjà couchés et qu’ils ne dérangeraient personne, et surtout… il avait passé une incroyable soirée ! Jamais il n’aurait cru accepter un jour de passer une soirée dans un tel bouge, au bord du fleuve, entouré de visages patibulaires, de femmes qui se dévêtissaient sous leurs yeux et d’alcool qui coulait à flot… Mais il s’était senti tellement bien ! C’est Andrew qui l’avait entraîné, et il n’arrivait pas à le regretter. Si on l’avait reconnu dans un tel endroit, il aurait pu risquer de voir sa réputation mise à mal, mais il était tellement reconnaissant envers le jeune homme, qui depuis plusieurs semaines lui permettait d’oublier sa peine. Plus que ça, de laisser de côté ses principes et ses inhibitions ! Il se sentait un autre homme. Il n’était pas sûr d’être en total accord avec ce mode de vie, mais il ne lui était jamais arrivé d’agir sans réfléchir, et Andrew possédait une emprise évidente sur ses proches qui les poussait à se dépasser et à laquelle il était si agréable de céder…  

Ils titubaient en entrant dans le hall, dans lequel un domestique avait laissé une lampe allumée pour son maître. Ils pouffaient comme des enfants en se forçant de ne pas faire de bruit, mais le résultat n’était pas très probant… Robert s’agrippa aux épaules d’Andrew.  

- Merci encore, Andrew. C’était une soirée… mémorable !  

Pour toute réponse, Andrew se contenta de lui rendre son regard et de poser ses lèvres sur les siennes… Ce n’est que lorsque Robert sentit la langue du jeune homme tenter de pénétrer dans sa bouche qu’il le repoussa, affreusement gêné. Il ne savait pas quoi dire…  

- Il faut vraiment que j’aille me coucher.  

Il monta les escaliers, laissant Andrew derrière lui. Déjà la veille, le jeune homme lui avait caressé le visage et il ne l’avait pas repoussé. Il ne savait pas vraiment pourquoi. Il lui semblait que peut-être, ce comportement faisait partie d’un tout. Andrew était tellement différent, tellement subversif, et c’est aussi ce qui l’attirait chez lui. De telles marques d’affection ne lui paraissaient pas aussi choquantes qu’il l’aurait cru. C’était plus ou moins dans la logique du moment ! Peut-être même était-ce lui qui les avaient encouragées, d’une façon ou d’une autre ! Il l’ignorait. Il aurait préféré qu’Andrew s’abstienne, et pourtant il lui semblait qu’en parler romprait la magie des soirées passées en sa compagnie. Il en avait trop besoin pour risquer de les perdre…  

Alors qu’il arrivait en haut des escaliers, il s’enfonça dans le couloir en direction de sa chambre. Il ne remarqua pas sa femme adossée au mur, à demi camouflée par un rideau…  

Emily était immobile, le souffle coupé. Elle n’arrivait pas à dormir ce soir-là, soucieuse de l’heure qui passait en sachant son mari parti Dieu-sait-où. Lorsqu’elle entendit la porte d’entrée, elle s’était levée… et avait aperçu Robert, en bas des escaliers, les lèvres collées à celle d’Andrew. Elle était horrifiée. Son monde venait de s’écrouler…  

 

Le lendemain matin, Emily était sortie aux premières heures. Elle n’avait pas réussi à se rendormir, et elle ne pouvait pas rester dans cette maison, risquer de se retrouver face aux deux hommes lorsqu’ils se lèveraient. Elle déambulait dans les rues, sans savoir où aller, la tête remplie d’idées noires. Larissa s’était souciée de voir son visage défait alors qu’elle la préparait, mais Emily n’avait pas réussi à se confier. Maintenant, elle aurait voulu trouver quelqu’un sur qui s’épancher. Mais ce qu’elle avait à dire ne pouvait être dit, ou alors la réputation de son mari, et la sienne avec, ne vaudrait pas mieux que celle du vendeur de charbon qu’elle venait de croiser. Fatiguée, elle s’assit au hasard de la terrasse d’un café qui venait de s’ouvrir. Elle commanda du thé et poursuivit ses réflexions sans se soucier des passants qui l’entouraient.  

Un homme s’approcha d’elle. Il était encore en habit de soirée, suivit par un autre homme tout aussi bien vêtu. Il rentrait visiblement d’une longue soirée, mais semblait joyeux et encore en pleine forme.  

- Lady Emily ! Quelle surprise !  

- … William !  

Emily était décontenancée. Elle n’avait certes pas espéré croiser une connaissance à cette heure matinale. Que ce soit lui était pourtant un réconfort.  

- Que faites-vous ici à cette heure ? Vous allez bien j’espère ?  

Emily prit sur elle de reprendre contenance. Elle sentait qu’elle aurait peut-être osé se confier à lui, si seulement il n’avait pas été accompagné d’un inconnu.  

- Très bien, William. Comme vous le voyez, je reprends le dessus ! J’avais besoin de profiter de l’air frais du matin.  

- Je vous présente Mr. Basil Worthington (Jack Chattaway), chroniqueur mondain à l’Observer. Basil, voici Lady Emily Pemberton.  

- Lady Pemberton ! Je suis ravi de vous rencontrer enfin. Nous avons croisé votre mari pas plus tard que cette nuit, à la sortie du théâtre. Il était accompagné de ce jeune homme, Mr. Hawthorne, votre protégé à tous deux je crois. Il était radieux ! On les a rapidement perdu, mais je suis enchanté de constater qu'il a trouvé le moyen de… se distraire ! Après les dramatiques épreuves que vous avez connues...  

Lord William Bright, aussi bien qu’Emily, se contracta et reprit son ami avec colère.  

- Basil ! Contenez-vous, bon sang !  

Emily était livide. Alors Robert et Andrew alimentaient déjà les potins mondains. Que savait-on ? Que disait-on ? Etait-il déjà trop tard ? Ce Basil Worthington lui était en tout cas insupportable. Elle tenta de n’en rien laisser paraître, tout en se levant.  

- Merci pour vos charitables pensées, Mr. Worthington. Mais veuillez m’excuser, William. On m’attend ailleurs.  

- Emily…  

Mais elle s’éloignait déjà.  

 

Pendant plusieurs heures, elle sillonna les rues au hasard, se posant sur le banc d’un parc, s’arrêtant devant une vitrine, tentant de se donner une contenance. Mais son esprit était monopolisé par l’angoisse et la colère. Elle en voulait tellement à Robert. Quel tort avait-il déjà fait à leur famille ? Pensait-il à elle ? Alors qu’elle souffrait, visiblement seule à pleurer leur fils, dans quel stupre allait-il se jeter ? Elle était hors d’elle. S’il était prêt à briser ce qu’il avait construit, à ruiner sa réputation, grand bien lui face. Elle allait l’aider. Après tout, que lui importait que sa réputation à elle en subisse les conséquences ? Elle ne pouvait plus supporter l’idée de renouer avec la société londonienne. Sa vie à Londres n’était plus qu’une mascarade.  

Elle se rendit au bureau des télégrammes et composa un message destiné à « Mr. Worthington, journal l’Observer ».  

« Si vous recherchez le scandale et l’ignominie, suivez les pas de Lord Robert Pemberton et de Mr. Andrew Hawthorne. »  

Elle ne signa pas.  

 

Alors qu’elle rentrait chez elle, elle se retrouva face à Robert qui descendait de l’étage. Il la regarda, surprit de voir qu’elle était sortie si tôt, et lui sourit. Elle était paralysée : ce sourire, c’était celui de l’homme qu’elle aimait. Qui était son mari aujourd’hui ? Elle l’ignorait. Mais ce sourire-là, elle le connaissait et il avait toujours le pouvoir de lui réchauffer les entrailles. « Mon Dieu, qu’ai-je fait ? » Sa vue se troubla, l’image de Robert vacilla… Elle perdit connaissance.  

 

 

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Un drame réalisé par Lisa JOSEPH  

Un scénario original écrit par le Corbeau  

 

Avec  

Alan EVANS – Lord Robert Pemberton  

Victoria TROUGHTON – Lady Emily Pemberton  

Karl HEDGES – Andrew Hawthorne  

Béatrice BOUMA – Larissa  

Yannis LASSEK – Lord William Bright  

Jack CHATTAWAY – Basil Worthington  

 

Une musique composée par Annie HOSKINS  

Scénario : (4 commentaires)
une série A dramatique de Lisa Joseph

Alan Evans

Victoria Troughton

Karl Hedges

Béatrice Bouma
Avec la participation exceptionnelle de Yannis Lassek, Jack Chattaway
Musique par Annie Hoskins
Sorti le 07 décembre 2030 (Semaine 1353)
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