Ma vie n'avait rien de passionnant, jusqu'au jour où j'ai décider de la changer complètement. J'ai plaqué mon boulot, je suis parti de chez moi. Rien ni personne ne me retenait de toutes façons. Je pris le premier vol pour Buenos Aires puis mon ancienne vie disparut, comme par enchantement. Je voulais reprendre à zéro, vibrer pour mes passions et me sentir vivant. Seulement ça ne s'est pas vraiment passé comme prévu. Les touristes comme moi, qui dorment dans les hôtels miteux et travaillent au noir pour survivre, ils ne font pas long feu.  

Les premiers mois étaient encore agréables, mais bientôt, Idalgo Corozione, un caïd de la Boca, vint me chercher. Je n'avais pas le choix, j'étais clandestin dans une dizaine jours ici et l'argent me manquerait d'ici quelques temps. J'ai travaillé pour lui, oui. J'ai emmené des prostituées dans des hôtels, j'ai vendu de la drogue, j'ai braqué des magasins, j'ai tabassé des pauvres types... Et alors? N'avais-je pas le droit à une place dans ce monde?  

La police argentine est très corrompue, malheureusement, un jour, je suis tombé sur le seul flic de ce foutu pays qui croyait encore en la justice et ses écoeurantes valeurs. Ce flic c'était Laura Pasito, une tigresse complètement givrée. Elle m'avait pris en chasse un après-midi, alors que je revendais un peu de méthamphétamine à deux ou trois accrocs. Cette dingue m'avait tiré dessus alors que je traversais une rue bondée de touristes. Contrairement à ses collègues, elle était vraiment digne de son insigne.  

Capturé et blessé, je créchais en taule. Une semaine plus tard, cette Laura revint me voir pour me proposer un marché. Elle me faisait sortir de ma cage si je l'aidais à coincer mon "employeur". J'ai accepté, je me suis dis : quoi de pire que de rester en prison tout le restant de ma vie? J'aurais dût réfléchir un peu plus, car il y avait bien pire.  

À ma sortie, trois gaillards d'Idalgo sont venus me chercher. J'avais rendez-vous avec le grand patron. Ils m'emmenèrent dans son quartier général ; un bordel mal famé au beau milieu de la capitale.  

"Alors, voila le touriste!"  

Avait-il lancé en me voyant débarquer. Ses gardes du corps me fouillèrent puis me laissèrent avancer devant son bureau, sur lequel une prostituée dansait ardemment. Idalgo se leva et s'approcha de moi, tout sourire.  

"Tu nous as fait peur touriste. J'ai bien cru que t'allais rester en cabane pendant un moment..."  

Je ne répondis pas, je me contentais de le fixer dans les yeux, le visage inexpressif.  

"Comment es-tu sortis petite merde?"  

Idalgo ne souriait plus, de la colère commençait à se pressentir. Il m'attrapa par les cheveux et hurla :  

"Pourquoi toi tu es sortis et pas mon cousin!? POURQUOI!?"  

Il me frappa de son genou en pleine tête puis me balança sur le sol comme une panosse. Il m'écrasa le dos en me marchant dessus et rit aux éclats.  

"Tu as de la chance, le touriste... Tu as de la chance..."  

Humilié et sonné, je fus transporté par les gardes jusqu'à l'extérieur du bâtiment. Je devais rejoindre ma vieille chambre d'hôtel. Et surtout, je devais trouver un moyen de me barrer d'ici, me faire oublier une bonne fois pour toute!  

Le lendemain, je téléphonais à Laura, depuis un portable qu'elle m'avait confié uniquement pour cet usage.  

"Laura, c'est moi. Je crois qu'il faut tout arrêter, je viens de me faire passer à tabac par Idalgo Corozione, je veux pas y laisser ma peau. Ok je suis peut-être pas important dans ce monde, mais je tiens à ma vie!"  

La policière laissa le silence s'installer quelques secondes avant de soupirer :  

"Tu n'as pas le choix, soit tu risques ta vie, soit tu la termine dans une prison pleine de beaux et grands latinos en manque."  

Effectivement, j'étais piégé. Je raccrochais sans mot dire, puis je contemplais le paysage que m'offrait la fenêtre de ma chambre. J'avais voulu tout ça, pourquoi était-ce si difficile à vivre à présent? Le sort était contre moi ou était-ce juste un coup du destin? Parfois l'on voudrait que les choses se passent d'une certaine manière mais notre histoire est écrite différemment, on ne peut rien y faire... Il est temps pour moi d'écrire le fil de ma vie, comme je l'entends.