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Les Films du Corbeau présente
An Diaoul

Quelque part en Bretagne, au début du XXème siècle.  

 

Cela faisait près de deux heures que le vent fouettait son visage et que la houle trempait sa soutane quand Gustave (Jack Chattaway) débarqua du petit bateau de pêcheur qui l’emmenait sur l’île. Il n’avait décidément pas le pied marin et était fourbu. Sur le débarcadère, personne ne l’attendait. Mais bientôt, il entendit le son d’un grincement continu et vit apparaître un bœuf, trainant une charrette en bois guidée par un vieil homme. Son visage était strié de rides profondes, et il était bien difficile de lui donner un âge.  

Il descendit de sa charrette et s’approcha de Gustave, qui se présenta :  

- « Bonjour, je suis le père… le nouveau prêtre… » Il lui paraissait incongru de se dire « père » face à un homme qui aurait sans doute pu être son grand-père, voire son arrière-grand-père ! « Je n’ai pas encore l’habitude », se dit-il.  

Mais le vieil homme n’y prêta pas attention et, sans un mot, se saisit de la valise du jeune prêtre, la posa à l’arrière du véhicule et se rassit sur le banc du conducteur. Passé la première surprise, Gustave le rejoignit et le convoi se mit en route.  

 

Alors qu’ils avançaient tranquillement (et en silence), Gustave regardait autour de lui et découvrait l’île. On l’avait prévenu que le climat était hostile, venteux et humide, et effectivement la nature témoignait de cette rigueur : la terre qui l’environnait se composait de rocher graniteux et de lande. Les herbes épaisses, les bruyères et les troncs dénudés poussaient dans le sens du vent, donnant au panorama une certaine poésie mélancolique. La mer ciselait les roches sombres, dessinant une côte sauvage à l’image de celle qu’il avait quitté quelques heures plus tôt.  

Gustave avait terminé son séminaire quelques mois auparavant. Pour sa première affectation, il s’était imaginé tenir une paroisse tranquille dans une grande ville comme Quimper ou un village à l’intérieur des terres. Il ne s’attendait pas à être envoyé sur une petite île de pêcheurs, au milieu des eaux et des vents. Penn ar bed, « le bout du monde »…  

Il venait succéder au père Le Clec’h, qui avait trouvé la mort quelques temps plus tôt. Quand il avait demandé la cause de son trépas, on était resté évasif. « Il était assez usé de toute façon. »  

Maintenant qu’il apercevait les toits du seul village de l’île, une appréhension lui serrait le ventre : il allait bientôt rencontrer les paroissiens (pas plus d’une centaine d’âmes sur cette île) dont il allait devoir être, toute sa vie durant peut-être, le conseiller éclairé, le protecteur paternaliste, l’épaule amicale et surtout le guide spirituel.  

 

Le village composé de quelques petites maisons en granit confirmait l’austérité du panorama. Seule l’église se détachait du spectacle uniforme, un bâtiment de taille modeste mais aux sculptures étonnamment soignées. Gustave ne savait pas trop à quel accueil il s’attendait lorsque le vieil homme le déposa devant le parvis de l’église, mais surement pas à celui-là : personne n’était là. De l’autre côté de la place du village, quelques enfants le regardaient depuis l’entrée de leur maison, et une femme le toisa rapidement avant de poursuivre son chemin. Le vieil homme repartit sans un mot, et Gustave se retourna vers l’église…  

 

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- « Qu’est-il arrivé exactement au père Le Clec’h ? »  

Gustave dégustait une soupe au chou et au lard, assez bonne mais surtout agréablement chaude, que lui avait préparé Luce, la vieille domestique attribuée à l’entretien du presbytère et à la nourriture du prêtre. Parmi les nombreuses questions dont il l’avait abreuvée, celle-ci lui vint comme une autre. Luce, qui finissait de réchauffer le café, arrêta son geste mais ne tourna pas sa tête vers lui. Elle lui répondit sans émotion :  

- « Il a fait une mauvaise chute.  

- Le pauvre homme ! Je l’ignorais. Comment cela s’est-il passé ?  

- Il est monté au clocher, puis on l’a retrouvé le cou brisé sur le parvis de l’église. Maintenant si vous le permettez mon père, je vais me retirer pour aujourd’hui. »  

Et sans attendre de réponse, elle sortit de la pièce.  

 

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Cela faisait plus de deux semaines que Gustave était arrivé sur l’île. Il se familiarisait toujours avec ses nouvelles fonctions, et avait pu rencontrer petit à petit la quasi-totalité des habitants de l’île. Tous les hommes y étaient pêcheurs ou anciens pêcheurs, à part M. Carhuel (Jeremy Hamlisch), le tenancier de la seule petite auberge du village. On l’avait prévenu du caractère austère des îliens, et effectivement Gustave ne pouvait pas dire qu’il avait réussi à se lier à qui que ce soit pour l’instant. Mais on lui avait également parlé de leur grande piété, et on ne lui avait pas menti non plus. Gustave animait chaque jour la messe d’Angelus en plus de la messe dominicale. Et il ne pouvait que se féliciter de voir que l’ensemble de la communauté s’y réunissait avec zèle pour écouter ses sermons. Il lui semblait même que ses « ouailles » étaient habitées d’une étrange intensité lorsqu'ils communiaient ensemble, comme si ce moment de la journée avait une grande signification et une importance primordiale pour eux. Lorsqu’il s’en était étonné auprès de l’aubergiste, celui-ci lui avait répondu d’une énigmatique réflexion :  

- « Quand le Mal rôde, il ne reste parfois plus que la prière… »  

 

La messe du soir était terminée depuis un moment et Gustave était resté seul dans l’église pour remettre en place les objets de rite. Le vent soufflait fort ce soir-là, et il venait frapper par bourrasque la lourde porte en bois du parvis. Tout à coup, un autre bruit se fit entendre dans le dos du prêtre, un crissement de bois sur le sol de pierre. Il se retourna mais ne vit rien de particulier. L’église n’était pas assez grande pour qu’il ne puisse en faire le tour de son champs de vision, il se dit alors que la cause en devait être le vent ou le bois qui travaillait. Il reprit ses occupations quand soudain, le même bruit, plus long et plus fort, se fit entendre. Cette fois, ce n’était plus possible qu’il s’agisse d’un bruit « naturel ». Gustave se retourna à nouveau et se figea : de l’autre côté de la nef, près de l’entrée, une chaise glissait lentement sur les dalles de pierre… mais personne ne la poussait ! Inquiet de ce prodige, Gustave s’avança dans la travée centrale.  

Brutalement, toutes les chaises du rang le plus éloigné de lui s’envolèrent en même temps, comme propulsées par une force invisible. Puis se furent celles du rang précédent qui furent projetées dans les airs. Les unes après les autres, les chaises allaient se répandre de la même façon ! La « force invisible » semblait les projeter à mesure qu’elle s’avançait vers l’autel, vers Gustave ! D’effroi, ce dernier recula et s’abattit le dos contre l’autel. « L’invisible » se rapprochait inexorablement de lui, il allait bientôt l’atteindre ! Gustave était tétanisé et sa main cherchait à atteindre son cœur qui tambourinait dans sa poitrine, lorsqu’il tomba sur le crucifix qu’il portait en médaillon. Par réflexe, il le brandit devant lui alors que « l’Invisible » était sur le point de le toucher et… tout s’arrêta. La dernière chaise retomba lourdement sur le sol, et le silence se fit.  

 

Dans l’auberge du village à cette heure tardive, le couple Carhuel s’affairait à servir une demi-douzaine de villageois qui discutaient tranquillement. La porte s’ouvrit avec fracas et Gustave apparut, hors d’haleine, pâle et le visage luisant d’une sueur froide.  

- « Les chaises ! Toutes les chaises ! Il les a… Je veux dire « ça »… » Il bredouillait et s’énervait de ne pouvoir s’exprimer plus clairement. Il prit une longue bouffée d’air, et : « Je viens de me faire attaquer par quelque chose d’invisible ! »  

S’il s’attendait à lire la stupeur et l’effroi sur le visage de ses interlocuteurs, il fut déçu… Au lieu de cela, il les vit s’échanger des regards entendus, résignés. Ils n’étaient pas surpris !  

- « Mais… Vous savez ce que c’était ? »  

Marise Carhuel (Victoria Arland), une grande femme solidement bâtie et encore très belle malgré son âge quelque peu avancé, posa le verre et le torchon qu’elle tenait, fit le tour du comptoir et vint s’asseoir sur un tabouret, face à Gustave. Elle lui répondit calmement.  

- « Oui, nous savons de quoi il s’agit. Cela fait un moment qu’« Il » s’est installé sur l’île. Il nous a tous « rendu visite ». Au début, ce n’était que des objets déplacés, des coups sur une porte, des mots susurrés à l’oreille. Puis c’est devenu de plus en plus violent, plus effrayant. Tout le monde en a eu l’expérience. Jusqu’à peu de temps, il n’y avait bien qu’au prêtre et à son église qu’il n’osait s’attaquer. »  

Gustave ouvrait de grands yeux devant ces révélations. Il n’y comprenait rien du tout.  

- « Mais de quoi parlez-vous ? Qui est sur l’île ? »  

Alors le vieil homme à la charrette, attablé comme les autres, fit entendre sa voix.  

- « An Diaoul ! »  

Gustave comprenait le breton, que ses parents parlaient à la maison. Il se laissa choir sur sa chaise plus qu’il ne s’assit.  

- « … Le Diable ?... Est-il sérieux ? » demanda-t-il en regardant Marise.  

- « Le Diable, le Malin, un quelconque suppôt du mal… Nous ne savons pas exactement qui Il est, ni pourquoi Il est là. Mais Il nous veut du mal, c’est certain. »  

Le jeune prêtre n’en croyait pas ses oreilles. Il n’était pas convaincu, mais ce qu’il venait de vivre était très vif dans son esprit, et il n’y trouvait pas de meilleure explication.  

- « Vous disiez tout à l’heure qu’il ne s’en prenait pas au prêtre, "jusqu’à peu de temps". Vous voulez dire que…  

- Oui, c’est Lui qui a tué le père Le Clec’h. On a retrouvé des marques sur son corps. Il a été poussé. Et croyez-nous quand nous vous disons qu’aucun d’entre nous n’aurait pu faire de telles marques… »  

 

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Quelques jours étaient passés sans incident depuis cette soirée. Par un après-midi lourd de nuages et de vent, Suzanne Cordroc’h (Elizabeth Gunning) revenait de la plage par le petit sentier. Elle était l’institutrice du village et venait de ramasser des algues pour les faire étudier aux enfants. Elle repensait à la journée d’école qui venait de se dérouler : elle avait surpris des enfants en train de parler d’elle sous le surnom « la Noiraude ». Elle en était peinée, mais pas surprise. Elle savait que les villageois lui avaient donné ce surnom. Elle était plutôt vilaine, une vieille fille typique malgré ses 30 ans, toujours vêtue de noirs habits étroitement corsetés, comme si elle faisait le deuil d'une jeunesse dont elle n'avait pas profité. On la respectait, mais elle savait qu’on ne l’appréciait pas beaucoup : elle était sèche, colérique et peu sociable. Mais elle s’en moquait. Elle était entourée de poivrots et de commères dont elle n’avait rien à envier… Elle essayait d’inculquer quelques connaissances à leur marmaille, mais elle avait tendance à rapidement perdre patience…  

Alors qu’elle longeait les terres des Kerviel, plongée dans ses pensées, elle s’arrêta brusquement. Il lui avait semblé entendre un cri. Elle tendit l’oreille, mais avec ce vent, il était facile de s'imaginer entendre toutes sortes de cris… Elle poursuivit son chemin. Mais lorsqu’elle arriva près de leur grange, elle entendit distinctement des hurlements, des cris d’enfants ! Elle se précipita sur la porte en bois, qu’elle ouvrit avec toute la force dont elle était capable. Ce qu’elle vit alors la remplit d’effroi : les jumeaux Kerviel, Goulven et Françoise, étaient recroquevillés dans les bras l’un de l’autre, terrorisés, au milieu de la grange. Une silhouette noire (Trevor Edelman), horriblement longue et trapue, leur faisait face, riant d’un rire diabolique. Autour d’elle des flammes, des flammes…  

 

Gustave travaillait dans le petit potager du presbytère. Il tentait de se changer les idées plutôt que de ressasser l'événement inexplicable des jours passés. Il se retourna quand il entendit qu’on l’appelait. Une jeune demoiselle courait vers lui en criant son nom. Il ne savait pas comment elle s’appelait, mais il reconnu l’une des filles ainées de la famille Kerviel.  

- « Mon père, venez ! Venez vite, je vous en supplie ! »  

Il la suivit immédiatement, courant derrière elle, jusqu’à la maison familiale. Devant la porte de la grange ouverte, quelques personnes étaient attroupées, fixant l’intérieur. Ils n’osaient visiblement pas entrer. Il reconnut le père Kerviel, la mère Kerviel qui hurlait d’hystérie, et leur vieille voisine. La jeune fille lui indiqua l’ouverture :  

- « Là mon père, ils sont là ! »  

Gustave entra sans perdre de temps et se figea. L’image qui s’offrait à lui allait s’ancrer à jamais dans son esprit : les jumeaux Kerviel étaient prostrés dans les bras l’un de l’autre, ils semblaient crier mais leur voix était voilée, d'avoir trop crier sans doute. Auprès d’eux, le corps d’une femme calcinée, méconnaissable, semblait les protéger de son corps. Autour d’elle le sol et le reste de paille semblaient avoir subi un incendie violent. Puis il entendit un rire, un faible rire. Il releva la tête et aperçut Marise Carhuel, qui faisait face aux enfants. Mais elle aussi était à peine reconnaissable : sa robe et sa peau avaient également brûlé par endroits, son visage était déformé en une horrible grimace, et ses yeux étaient injectés d’une aveuglante lumière qui était tout sauf naturelle… Tétanisé, Gustave se força malgré tout à s’approcher des enfants. Il faisait face à Marise mais ne savait pas comment réagir. Puis le souvenir de l’incident de l’église lui revint en mémoire, et il brandit son crucifix dans sa direction. Mais l’effet escompté ne se produisit pas une seconde fois. Au contraire, l’étrange Marise éclata d’un rire strident. Puis elle s’exprima d’une voix gutturale et tonitruante, qui était bien éloignée de celle qu’il lui connaissait :  

- « Imbécile petit moinillon ! Stupide cancrelat ! Que crois-tu pouvoir faire contre moi ? La tempête approche… Bientôt vous serez enfermés avec moi sur cette île, et alors nous pourrons vraiment nous amuser ! »  

Puis après un dernier éclat de rire, le visage de Marise s’affaissa, toute forme de vie sembla quitter son regard et elle s’effondra inanimée sur le sol. Gustave venait d’assister à son premier cas de possession…  

Il agrippa la main des enfants et les emmena à l’extérieur de la grange. Puis lorsqu’il regarda le ciel, il constata que le vent avait encore forcit et que de lourds nuages sombres emplissaient le ciel. Cette "chose" avait dit vrai : une tempête était proche, et il n’était déjà plus question de partir chercher de l’aide sur terre. La communauté n’allait pas pouvoir échapper à la terrible confrontation…  

 

Que voulait-Il ? Pourquoi eux, pourquoi ici et maintenant ?  

Gustave ignorait tout de cet ennemi déclaré, il avait toujours considéré le Diable comme une idée plutôt que comme une réalité. Comment le combattre ? Quelles armes possédait-il ?  

Il espérait que sa foi serait suffisante, et qu’il saurait faire face. Mais il doutait. Bientôt, tous les îliens allaient se tourner vers lui. C’était lui le guide, lui qui était sensé représenter la parole de Dieu !...  

 

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Un film réalisé par Bernie HOWELL  

Avec  

Jack CHATTAWAY - Gustave  

Victoria ARLAND - Marise Carhuel  

Trevor EDELMAN - le Malin  

Elizabeth GUNNING - Suzanne Cordroc'h  

Jeremy HAMLISCH - Yann-Fanch Carhuel

Scénario : (2 commentaires)
une série A fantastique de Bernie Howell

Jack Chattaway

Victoria Arland

Trevor Edelman

Elizabeth Gunning
Avec la participation exceptionnelle de Jeremy Hamlisch
Musique par Annie Hoskins
Sorti le 25 mai 2030 (Semaine 1325)
Entrées : 15 734 826
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