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Guards Brothers présente
La Chute des Guerriers

Bande originale : Chant of the Templars - Da Pacem Domine, http://www.youtube.com/watch?v=M0d4qM7gCH8  

 

Crécy, France – 27 août 1346  

Quelques soldats français fondaient sur leurs bases. Sa Majesté Edouard parlementait avec ses généraux. Il n’avait jamais été un fin stratège, contrairement à son fils, le Prince Noir, fin guerrier, qui assumait aujourd’hui à seulement seize ans sa première grosse bataille au commandement de l’aile droite. Les archers envoyèrent une volée de flèches sur la colline en contrebas. Les derniers chevaliers français tombèrent, blessés ou morts. La bataille était presque terminée. Au loin, les troupes de Philippe de Valois battaient en retraite. Certains éclaireurs avaient fait part au Roi d’Angleterre que son adversaire était lui aussi présent sur le champ de bataille, mais beaucoup disaient qu’il n’avait même pas pris les armes.  

Edmond de Pervan se tenait droit à quelques mètres du Prince Noir. Ils avaient eu la même nourrice, et quand le fils du Roi avait eu l’âge de prendre des décisions, il avait insisté pour qu’Edmond se tienne à côté de lui quelle que soit l’heure de la journée. Après quelques minutes de parlementassions, un éclaireur arriva annoncer la fuite totale des troupes adverses. Edouard leva les bras au ciel, tandis que le Prince Noir affichait un rictus discret. Il se détourna des autres, qui se dispersèrent, et s’avança vers Edmond. « Ils fuient mais ce n’est pas fini. On les a pris par surprise, et ça a joué en notre avantage, mais cette guerre pourrait durer encore cent ans. » Il regarda Edmond. Ils avançaient tous deux sur le haut de la colline surplombant le champ de bataille, en direction du gros de l’armée. « J’essaye de faire comprendre à mon père que cette guerre est un bourbier dans lequel nous nous sommes engagés trop tôt. Nous n’étions pas près. Et même si nous gagnons, les pertes seraient colossales. »  

Edmond fixa plus attentivement le visage du Prince Noir. Il était jeune, mais paraissait si âgé, dans sa voix, dans ses expressions, dans son esprit. Derrière ces traits juvéniles se tenait la carrure d’un homme de génie. « La seule solution pour prendre un plus grand avantage ici se tient à notre gauche. » ajouta le Prince Noir. Ils se tournèrent tous deux vers le champ de bataille où gisaient blessés, cadavres et bouts d’armures tâchés de sang.  

« Que voulez-vous dire ? » demanda Edmond.  

Entre deux coups de vents faisant battre les cheveux du prince devant sa bouche, Edmond eut le temps de voir l’ombre d’un sourire terrifiant. Celui d’un homme qui s’apprête à commettre l’œuvre de sa vie. « La milice de Crécy ne devrait pas tarder, ils vont aider ces soldats blessés, les soigner. Ces soldats abandonnés par leur Roi. Et dans deux mois, ils reviendront. Sais-tu combien ils sont là, tombés sur le champ de bataille ? Au moins dix mille, à gémir sur le sol, un cinquième de l’armée que nous avons affronté aujourd’hui, deux autres cinquième sont morts. » Edmond venait de comprendre. Il veut tuer les blessés. Les massacrer jusqu’au dernier.  

« Mon Prince, si vous le permettez, un tel acte vous discréditerait devant votre père le Roi. Un acte comme celui-ci irait à l’encontre de tous les percepts de la chevalerie… » Le Prince Noir échappa un bref rire. Il regarda Edmond et lui sourit au nez, puis descendit vers les préparations du banquet organisé par son père, probablement pour recruter quelques hommes pour mettre au point sa terrible idée.  

 

La nuit était presque tombée. Le Prince Noir se tenait au centre de corps gisant sur le sol, ses quelques hommes s’occupaient de trancher la gorge des soldats français blessés. Quelques miliciens de la ville voisine s’étaient aventurés à sauver quelques survivants, mais le Prince Noir les avait massacrés. Edmond se tenait derrière lui, à regarder ces assassinats. Le Prince Noir s’amusait même de son côté à tuer quelques blessés grave. Sur l’un d’eux, qui devait sans doute être un Duc important, il tomba en émoi devant une armure noire forgée probablement à Paris. Il l’admira, puis décida de la garder pour lui. « Du si beau métal ! » s’exclama-t-il. Edmond marcha sans le faire exprès sur le crâne d’un homme à l’agonie. Celui-ci le regarda droit dans les yeux, sans doute pour implorer pitié. Je ne peux rien faire pour toi. L’infanterie du Roi Edouard blessée durant la bataille avait déjà été reconduite au campement. Le Prince Noir s’approcha d’Edmond. « Je vais les laisser ratisser le reste de la nuit. » dit-il en désignant les recrues qui s’occupaient du sale boulot. « Rejoignons le camp, mon père va finir par s’inquiéter de mon absence. » Ils marchèrent vers le banquet, situé à quelques centaines de miles du champ de bataille.  

 

Le banquet battait son plein. Le Roi Edouard était ivre, le Comte Neville de Northampton avait tellement bu qu’il était désormais étalé sur la table, tandis que, comme à son habitude, William d’Arundel regardait d’un air désemparé les mœurs de l’honneur de son royaume d’écrouler en beuveries paysannes. Edmond vit Renaud de Ghebhoben qui se chaussait pour aller compter les morts. Il prenait avec lui quelques hommes – visiblement, on l’avait choisi parce qu’il était l’un des derniers à être complètement sobre. Le Prince Noir se tourna vers son homme de confiance. « Je ne sais pas si tu te rends compte de l’impact de cette bataille. Des archers, une armée de paysan a réussi à vaincre la plus grande chevalerie d’Europe. Avec notre bouse sur pied, notre armée d’hommes du commun nous avons provoqué la chute des vrais guerriers. »  

« Et en tuant les survivants vous avez entraîné la chute de toute forme d’honneur. » répondit Edmond. C’était rare qu’il se fasse insolent envers le Prince, mais il le devait. Il ne s’était toujours pas remis du véritable massacre orchestré par le Prince Noir. Celui-ci ignora sa sailli et continua sa marche vers son glorieux père victorieux, probablement pour lui signifier que boire autant alors qu’ils marchaient dès le lendemain vers Calais n’était pas une très bonne idée.  

Les musiciens engagés par le Roi jouèrent plus fort. Un autre air, plus macabre que le précédent. Les rires des hommes se dissipèrent, tandis que le Roi et son fils commencèrent à se murmurer quelques stratégies. Après quelques instants, Renaud de Ghebhoben fit son entrée dans la tente du banquet noble. Il avait l’air affolé, et s’approcha du Roi à grandes enjambées, l’air empressé. Arrivé à sa hauteur, il ne prit même pas la peine de baisser le ton si bien qu’Edmond put entendre clairement ce qu’il se disait. « Sire, j’ai attrapé des soldats qui achevaient les survivants français sur le champ de bataille. Ils ont dit avoir agis sur l’ordre de … »  

« J’ai donné cet ordre, mon seigneur. » répliqua sèchement le Prince Noir.  

« Tu as quoi ? » L’ivresse et l’alcool qui naviguaient dans le corps de Sa Majesté semblaient s’être évaporés. Il était lucide et fixait son fils dans les yeux. Edmond ne sut dire si dans ses yeux se lisaient d’avantage de colère, de surprise ou de peur. La peur du Malin qui habite son fils.  

« J’ai ordonné à ces hommes de tuer les blessés français. Notre image de bretons armés d’arcs en bois et d’épées rouillées arrivés pour revendiquer une couronne qui ne leur appartient pas est déjà bien gravée dans tous les esprits. Pourquoi se priver d’illustrer encore d’avantage cette image dans l’esprit de nos adversaires ? » Il souriait. Un sourire à la fois amusé et terriblement serein. Le Roi et Ghebhoben écarquillaient les yeux. « Ils auraient fait des ennemis potentiels une fois remis sur pieds. Cette guerre pourrait bien durer des années, tout se joue maintenant, et à Calais. »  

« Mais… mais… » Le Roi Edouard bredouillait. Il ne savait que dire.  

« Mon Prince, vous vous rendez compte qu’un tel acte va à l’encontre de tous les principes de la chevalerie, de l’honneur, et nous prive de toute la gloire que nous aurions pu retirer de cette bataille ? » s’exclama le Comte Renaud.  

« Mon Seigneur, pouvez-vous me désigner vingt véritables chevaliers dans notre armée ? Nous ne sommes pas des chevaliers, nous sommes des bêtes, des sauvages assoiffés de sang. Les français, eux, sont des chevaliers. Avec leurs heaumes lustrés, leur sens de l’honneur, comme vous l’appelez. Jamais un français ne s’attarderait à faire ce que j’ai fait aujourd’hui. Et devinez quoi ? Ils ont déjà perdu cette guerre. Ils l’ont perdu quand Philippe a posé son épée sur leurs épaules en les anoblissant. »  

La musique macabre des musiciens se termina. Désormais il n’y avait plus que le silence. Un silence religieux, comme si Dieu lui-même s’était mis à les écouter. Tous les quatre s’échangèrent de rapides regards. Edmond, en jetant un coup d’œil aux alentours, remarqua qu’une bonne dizaine de Comtes et de Seigneurs nobles fixaient avec attention le fils du Roi. Dans leurs yeux, ni colère, ni étonnement, simplement et uniquement de la peur.  

 

Calais, France – 4 septembre 1346  

Les hauts murs de Calais se tenaient devant l’armée d’Edouard. Il n’y avait pas eu de résistance, tous s’étaient regroupés à l’intérieur. Ce sera un long siège. Un peu plus loin, en prévision du temps qu’allait prendre le siège de la ville, Edouard avait ordonné à quelques péons d’aménager au sud-ouest de la ville ce qui ressemblait à un camp retranché, non loin de Guînes et du pont Nieulay. Ses bateaux s’étaient postés en embouchure de Calais et bloquaient un envisageable ravitaillement. Tout, pour le moment, fonctionnait à merveille. Après quelques heures, Edmond accompagné du Prince Noir et de sa suite se rendirent vers le camp en construction. A l’entrée, un type original avait gravé sur un panneau de bois Villeneuve la Hardie. Du français. C’était à la fois un affront mais aussi plutôt drôle. Il lança un sourire narquois au Prince Noir qui détourna le regard. Le bruit autour de son acte s’était répandu encore plus vite que le sang des français qu’il avait égorgé.  

Ils s’arrêtèrent près de la tente royale, où Edouard s’était installé depuis des heures. Edmond vit que le Prince Noir hésita avant d’entrer, mais finalement il se décida et les voix se turent à leur entrée. Le Roi regarda son fils d’un air placide, tandis que les Comtes et Seigneurs qui l’entouraient ne daignaient même pas donner un regard au Prince. Ce dernier s’agenouilla devant son Roi, suivi par Edmond. Le fils releva lentement les yeux vers son père. « Que me veux-tu donc ? » demanda celui-ci.  

« Votre Pardon. J’admets la gravité des erreurs que j’ai pu commettre… » Il portait sur lui l’armure noire qu’il avait récupéré après la bataille. Elle étincelait au centre de la tente : non pas des reflets qu’elle aurait pu émettre, mais de la sombre vision qu’elle inspirait. Le Roi Edouard semblait trembler devant son fils et héritier – qui pourtant, à seulement seize ans, le surpassait déjà en stratégie et en combat. Mais est-il un homme d’honneur ? Le Roi baissa les yeux. Quel démon a-t-il mis au monde ?  

A l’extérieur de la tente retentissaient un chant funeste, au loin. Edmond se retourna vers l’entrée de la tente, intrigué par cette mélodie. Le Roi lui-même leva les yeux, le Prince lui-même tourna la tête, les Comtes firent pivoter leurs cous. Le chant s’intensifia. Edmond se releva lentement de sa position accroupie et avança lentement vers l’entrée de la tente et sortit. Les soldats s’étaient tous tus et avaient désormais les yeux fixés sur la ville de Calais, à quelques centaines de mètres. Il n’y avait plus que le chant, le chant et le silence. Un chant si profond, si dur, si terrifiant, si glaçant qui s’échappait de la ville assiégée, comme si tous ses habitants s’étaient mis à chanter à l’unisson. Le vent portait les notes des citadins, citadins qui désormais attendaient leur mort, leur mort héroïque face à l’Armée des Ténèbres qui tuaient les blessés, égorgeait les femmes et dont le seul honneur était celui de revendiquer la couronne de France. Edmond avait déposé les yeux sur deux formes au sommet des remparts. L’une d’elle était celle d’un homme bien habillé, probablement le défenseur de la ville, l’autre était celle d’une femme, habillée tout de blanc. Le vent portait leurs vêtements. Ils auraient pu se prendre une flèche mais, protégé par le chant de la ville, ils étaient devenus invincibles. Après être restés figés une bonne minute, la femme se jeta du haut des remparts.  

Les yeux d’Edmond suivirent la Chute de la femme en blanc.  

Il leva les yeux au ciel, sachant que cette Chute le hanterait tout le restant de sa vie. Dans ce ciel, il crut la voir, aux côtés du Divin, qui regardait, calme, la fin des morales qu’il avait tenté d’enseigner aux hommes. Il sentit une main se poser sur son épaule. Il pivota lentement son crâne pour regarder derrière lui. Le Prince Noir souriait, les yeux tournés vers la scène qui venait de se dérouler, les soldats accourant vers le corps de la femme, le Chant de la ville se dissipant peu à peu. « De cette hauteur-là, nous, sur le sol, nous ne pouvons pas tomber. » De ses yeux s’échappèrent la lueur obscure du Mal.  

 

Pilou Garou : Edmond de Pervan  

Daniel Rye : Edouard III d’Angleterre  

Lenny Slepers : Le Prince Noir, Edouard de Woodstock  

Dorothy Parker : La femme blanche  

Tanya Johnson : Jeanne de Kent  

Ewan Amen : Lionel d’Anvers  

Scénario :
une série A historique (116 ans, c'est long) de Demetra Kantelinen

Pilou Garou

Dorothy Parker

Daniel Rye

Tanya Johnson
Avec la participation exceptionnelle de Ewan Amen, Lenny Slepers
Musique par Veronica Davey
Sorti le 28 octobre 2028 (Semaine 1243)
Entrées : 23 924 662
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