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Oz Films présente
The train of purple words

 

Le bord du quai était recouvert de bâtonnets, alignés les uns à côté des autres, équidistants, bien ordonnés. Les passagers attendaient patiemment l’arrivée de la locomotive, et des cinq wagons qui la suivraient, pour les mener à l’autre bout d’une ligne, vers la fin de leur journée. Ils patientaient, donc, parfaitement civilisés. Le regard dirigé tout droit vers le quai d’en face, ou peut-être était-ce plus loin encore, vers l’horizon orangé qui annonçait avec nostalgie la fin du cycle journalier.  

De la vapeur s’élevait entre des colonnes de pierre et d’aciers, se frayant un passage dans les méandres de la ville. Le train émergea, et fila sous le nez des navetteurs, comme si cette gare n’avait jamais existé. Le courant d’air souleva les tissus pendant, et obligea les bâtonnets à se pencher de concert, tous ensembles, comme un seul. Mais plus fragile que les autres, l’un deux se brisa, comme une brindille en pleine tempête. La silhouette mince et frêle bascula, sous les yeux d’un jeune cadre bien comme il faut. En gentilhomme très bon chic bon genre, il brisa lui aussi la chorégraphie des bâtonnets pour soutenir, in extremis, la jeune demoiselle.  

 

La surprise mêlée de panique du premier abord se mua en un sourire reconnaissant sur le visage épuré de la jeune femme. Son sauveur, en héros improbable, essaya vainement de le lui rendre. Mais son sourire à lui trahissait sans peine la gêne et la timidité. Quand elle se redressa, il ne savait où mettre ses pieds, que faire de ses mains et de sa tête. Il était là, dans cette situation, bien malgré lui. Gesticulant dans sa grande confusion, il finit par laisser s’envoler une feuille de papier qui dépassait de la poche de sa veste. Le regard de la belle se perdit dans les airs ; il ne comprenait pas, et ce ne fut que le bruissement caractéristique de la feuille qui attira son attention.  

 

D’un grand geste tout aussi maladroit que son personnage, il la rattrapa en vol.  

Le brouillon qu’il gribouillait à ses heures perdues. Sa tentative honteuse et inavouable de sensibilité et d’écriture. Il aimait, malgré tout, ces moments rares où il se retrouvait seul, face à sa plume et ce morceau de papier. Même s’il n’éprouvait que crainte et appréhension à la simple d’idée qu’un œil étranger puisse poser ses yeux dessus, il restait intimement fier de son œuvre. Quel étrange contradiction, être si modeste, carrément honteux, et à la fois si satisfait de lui-même. Préservant son irremplaçable sourire gêné et forcé, il repoussa son brouillon dans les abîmes de sa poche.  

Finalement, l’attitude tout en gaucherie de son sauveur, égayait la jeune femme, qui dû cacher un rire tant amusé qu’attendri. Ce jeune homme était simplement authentique. Lui-même, tout en maladresse certes, mais emplit de bonté et de bienveillance, aussi.  

Au bout du voyage, au bout de cette journée, chacun espérait retrouver l’autre, sur le même quai, dans le même wagon, chaque jour qui suivrait, encore et encore.  

Pour un simple moment de vérité.  

Un moment de bonheur.  

De naïveté.  

 

Parmi les inconnus sans valeur,  

Les imbéciles et les menteurs,  

Se tiendra une âme sœur,  

Pour faire battre son cœur.  

 

Les modestes vers d’un jeune cadre nommé William, résonnaient dans le palais intérieur de son auteur. Il ne pouvait faire autrement que les raccrocher à cette incroyable expérience, cette après-midi, sur le bord de ce quai. Était-ce bien vrai, tout ça ? Le hasard faisait-il donc si bien les choses ? Il voyait en tout cas un fabuleux destin se dessiner devant lui, une source inépuisable d’inspiration. Pas seulement pour ce qu’il écrivait par pur plaisir, mais pour chaque geste de son existence, et jusqu’à la fin de sa vie. Une pareille coïncidence n’existait que dans les romans et les poésies, justement. Pas ici, dans le monde réel.  

Et pourtant.  

 

Les jours s’enchaînèrent, puis les semaines, et bientôt, pourquoi pas, les mois. Le même quai, le même train. Les mêmes vers. La même demoiselle. En dépit du temps qui passait et de l’affection qui les liait de plus en plus, la même anxiété dirigeait William. Il avait peur, sans doute d’être déçu de s’apercevoir que sa belle histoire, son beau roman, n’était finalement qu’une hallucination de son esprit. Une idée qu’il se faisait, alimenté par un poème à l’eau de rose qu’il avait lui-même écrit, et un simple sourire de remerciement cordial.  

Mais bien sûr, il se méprenait. Qui accepte de discuter chaque jour des mois durant, avec la même personne, selon le même rituel ? Qui, si ce n’est quelqu’un qui vous apprécie, et qui finit doucement par s’attacher. Quel plus grand gâchis que deux âmes sœurs qui se fuient par peur, alors qu’une simple discussion, un simple déjeuner pouvait célébrer un amour éternel ?  

 

Subitement, les peurs surgirent de l’âme pour s’emparer de la réalité. Elles étaient peut-être bien fondées, en fin de compte. William était toujours là, au bord du quai, attendant le train. Mais plus aucune trace de la jeune femme qu’il avait sauvée d’une chute douloureuse, il y a presque un an. Où était-elle ? De toute évidence, quelque chose de sinistre se produisait. Quelque chose lui était arrivé, un problème était survenu. Ou alors William avait montré trop ouvertement ses sentiments, et elle les fuyait. Mais quelle que soit la raison, cette absence n’était que peine et souffrance.  

Dans sa maison de banlieusard embourgeoisé, William n’était plus qu’une âme damnée, errant plus qu’autre chose. La flamme qui motivait sa vie s’était éteinte, et la saveur de son existence était terriblement insipide. Il se traînait vers la porte d’entrée, où quelqu’un l’attendant, en témoigne le son de cloche qu’il venait d’entendre. Il nierait ses soucis, serait rassurant, et éconduirait le visiteur.  

 

Le dernier visiteur qu’il s’attendait à voir.  

La jeune femme de la gare, qui était là, sur le seuil de sa porte.  

S’excusant, implorant le ciel et les dieux d’être pardonnée. Pleinement consciente du mal que son absence avait causé, elle jurait de sa profonde désolation. Elle aussi, bien sûr, avait vite donné à leurs entrevues ferroviaires une grande importance, et avait développé un profond sentiment d’affection et d’amour. C’était précisément la raison de sa fuite. C’était cela, sa peur à elle. Aimer. Tomber amoureuse, de manière authentique.  

Elle qui était mariée au choix de sa famille. Objectivement, un homme tout à fait enviable. Mais pour lequel aucune flamme ne brûlait.  

Contrairement à William.  

 

Elle et son époux, étaient en partance. Ils allaient vers l’est, quittant cet endroit et ce pays. Quittant cette vie, pour une nouvelle. Elle ne pouvait s’y résoudre sans lever le masque, et raconter son histoire à cet inconnu qui avait fait battre son cœur. Elle lui devait la vérité. Elle lui devait un adieu authentique.  

Un adieu. Comme s’ils seraient satisfaits d’un simple adieu, d’une déchirante étreinte sur le pas d’une maison. Ni l’un, ni l’autre, ne voulait que l’histoire se termine de la sorte. Mais il le fallait. Et il semblait qu’ils n’avaient pas réellement le choix. Il leur resterait alors un an de train. De paroles, de mots doux. Et cet adieu. D’amour, de mots passionnés, de mots pourpres.  

 

À moins que…  

C’était aimer ou mourir. William ne lâcherait rien. Ils s’aiment, ils étaient deux âmes sœurs.  

Deux inconnus, dont les cœurs battaient l’un pour l’autre. Il irait jusqu’au bout. Quitte à y laisser son âme. Il devait le faire. Il lui devait bien ça.  

 

L’Orient Express.  

Le dernier voyage. Le train des passions.  

Le train des mots pourpres.  

 

 

Scénario : (1 commentaire)
une série Z d'animation (Sentimental) de Adam Lester

Conor Jurmann

Gillian Kagel
Sorti le 08 février 2031 (Semaine 1362)
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