Le cri barbare des charognards en manque de peau inonde l'ambiance pesante des environs. Un fumeur, accoté droit sur de la brique aussi froide qu'un cadavre putréfié, enchaîne clope sur clope en attendant la cargaison. Le bois résonne par ses bruits difformes. Tantôt les gouttes d'eau tombent près des flaques rouges, tantôt la ceinture d'herbes folles entourant le domaine laisse entendre des craquements semblables à des os qui se fracassent. Le garage, en plein milieu d'une forêt perdue ne laisse présager rien de bon.  

Soudain, une cassure. Au centre du vent, un son disloqué. L'instant dure quelques secondes, le temps qu'il se retourne. De ses dents jaunes, un sourire se dessine. Le moment est venu et la récolte sera bonne. Enfin, il l'espère.  

Un autobus jaune, intrus parmi le blanc printanier et l'éclosion verdâtre, s'immisce à travers les bois. Le bruit du moteur achève la désolation du paysage naturel, comme des gaz de schistes en plein milieu urbain. Tout est lourd, même son corps. La sueur coule sur son front et il signe une courte hésitation lorsqu'elle se fond sur ses lèvres. Fait-il le bon choix?  

Les questions s'évaporent lorsque le chauffeur, un brin chargé d'assurance, pointe le nez hors du véhicule.  

Le fumeur jette sa dernière clope sur le sol mouillé et avance lentement vers l'homme, tenant fermement le paquet dans la poche de son manteau. Tout se décide maintenant, il ne pourra plus reculer. S'il fait patienter l'homme, il aura son poing sur la figure ou pire, son couteau sur la gorge. Il voudrait faire marche arrière, mais plus il y pense, plus l'effroi s'empare de lui. Non, impossible de revenir sur sa décision. Il doit le faire, un point c'est tout.  

Ils en ont besoin …  

Un troc à l'américaine, contemporain et mercantile. Des liasses d'argent, dans une enveloppe scellée, passent de la poche du fumeur aux mains du gaillard.  

Sourds. Les gémissements...  

Bâillons à la bouche, ils débarquent un à un. Menottés aux pieds, ligotés aux mains, leur respiration est saccadée et ils regardent la terre comme si elle était leur seule alliée. Ils marchent lentement, traînant leurs pattes emmitouflés d'acier. Ils grelottent.  

D'un hochement de tête, hostile et autoritaire, le fumeur indique la direction aux esclaves. Ils avancent, sans comprendre, jusqu'au garage craqué par le manque d'entretien. La scène ressemble à ces films hollywoodiens, mais la dramatisation n'a rien de fictive: un camp de concentration au cœur du parc des Laurentides.  

Le chauffeur, mission accomplie, retourne au véhicule jaune pétant, sans se soucier de la suite des évènements. Rien ne peut arriver de pire. Les prisonniers sont entre bonnes mains.  

Entre bonnes mains …  

Contact. Moteur. Il n'y a plus personne dehors, à part le bourreau.  

Il marche droit, sans sourciller, sculptant mentalement un bouclier invisible. Il doit être sans pitié, ce sera la seule protection contre son cœur, car il n'est pas inconscient de l'homme horrible qu'il s'apprête à devenir. S'il écrivait le récit de sa sombre journée, il utiliserait abondamment la phrase « ils en ont besoin », comme pour donner plus de poids à ses pensées déjà lourdes.  

Ils sont tous devant lui, silencieux. Seul le vent ose se lamenter contre les parois rugueuses du bâtiment. Chacun de ces hommes, le Noir, l'Asiatique, le gros Américain, le Soviétique, le Juif, l'Arabe et les autres Québécois de souche jettent sur lui des regards qui lui rappelle son passé. Qui sera le premier?  

Coup de tonnerre. La balle se loge dans l'abdomen d'un Québécois de souche. Il s'affaisse sur le sol, gémit la perte de son existence, grimace les dernières expressions faciales de sa vie, avant de crever, la main tachée de sang chaud. Sa peau est un robinet où coulent les globules. Le flot est lent, mais constant.  

Il n'y a pas de temps à perdre. Le fumeur agrippe les bras de ce premier cadavre et les tire vers son meuble des martyrs. Il déploie un effort presque surhumain pour déposer le tronc du mort au centre de la table. Les jambes pendent dans le vide et le sang salit le bois verni. Sa trousse n'est pas très loin. Il l'ouvre et en sort un scalpel, plaçant le manche filiforme au creux de sa paume tremblante. L'heure de la dissection a sonné et il se répète mentalement la phrase qui l'encouragera.  

Ils en ont besoin.  

Il ne veut pas réfléchir et perdre le peu de courage qui l'anime, alors il enfonce rapidement la lame dans la poitrine du condamné, le mot utilité comme un écho dans son esprit à chaque mouvement téméraire du poignet qui déchire la peau, qui découpe en morceaux les restes d'un humain de trop, un humain qui n'a plus sa place dans le monde des vivants, un humain qui lui offre ses entrailles pour qu'il puisse saisir son coeur qui ne sert plus de toute façon, mais qui servira parce qu'ils en ont besoin, parce qu'ils en ont besoin, parce qu'ils...  

Il reprend son souffle.  

***  

Maud Quidam ne peut tolérer plus longtemps l'odeur nauséabonde qui envahit le chalet. Appelé en renfort sur la scène de crime après qu'un campeur ait découvert l'horrible scène, elle a droit au pire carnage qu'elle a vu de sa vie. Comment peux-t-on tuer plus d'une vingtaine de personne de sang froid et leur arracher le coeur ? Mais surtout, à quoi cela peut bien servir ? Trafic d'organes ? Surement ... Pour un hôpital étranger ?  

Tant de questions et de problèmes à résoudre pendant qu'à des kilomètres de là, un professeur de biologie s'apprête à faire disséquer à ses élèves leur premier coeur humain ...  

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Need to dissect  

Un film de Jacob Leiter  

Avec Wolfgang Lennon (Jeremy Jacobsco - Professeur de biologie)  

Joan Willhyams (Maud Quidam - Enquêteuse)  

Dwayne ROUNE (Karl Hitch - Médecin légiste)  

Jocelyn Wieckzorek (Rebecca McDonald - Professeure en science et collègue de Jacobsco)  

Et une musique originale de Barclay Chusid  

(...) Productions  

Parce que trois petits points suffisent pour semer l'imaginaire !