Il souriait, ses yeux observant l'horizon dans un sentiment d'accomplissement total. Le paysage montagneux qui l'entourait offrait une impression de vieux film noir et blanc du fait du lourd manteau blanc qui recouvrait tout à perte de vue. Il n'était pas forcément haut en altitude, mais il était en pleine nature, entouré de conifères et autres végétations hivernales. Dans son immobilisme, il était même capable de remarquer d'imperceptibles mouvements dans la neige, ce pouvaient être des amas de neige dévalant une pente ou simplement l'un ou l'autre animal.  

Installé dans cet épais tapis de neige, sa nudité ne le gênait plus tant le froid avait engourdi le moindre de ses membres. Il ne sentait aucune douleur, il ne sentait plus le froid, mais il sentait son sang battre de moins en moins vite et le sommeil l'envahir. Il était l’inattendu de ce paysage blanc qui aurait pu être imaculé, mais ces tâches rouges menant jusqu'à lui gâchaient quelque peu.  

"Qu'importe..." se disait-il "Je vais mourir là où j'ai toujours vécu"  

Ses yeux se fermèrent et il se préparait à un voyage exceptionnel, hors du temps, hors du monde et hors des réalités. C'était étrange, il avait simplement l'impression de s'endormir.  

Emporté comme dans un rêve, il revoyait les éléments de sa vie, lorsqu'il chassait avec son clan dans un froid spectaculaire. Le premier Dashak qu'il avait tué. La première fois qu'il rencontra les Autres, ces hommes étranges qui lui ressemblait sans être comme lui, ils étaient dangereux pour son clan et avaient plusieurs fois volé le fruit de leur chasse. Puis il se souvint du pire jour de sa vie, celui où sa femme mit au monde un fils, un merveilleux garçon qui n'eut que le temps de respirer l'air du monde avant de devoir l'expirer. Les cris en dehors de la grotte étaient significatifs, les Autres avaient décidé d'attaquer, Orka (Erwan Roux) allait devoir se défendre avec son clan, il n'aurait pas le temps d'apprécier plus longtemps l'arrivée de son fils. Les hommes de son clan se battirent longtemps, s'éloignant un peu de la grotte jusqu'à faire fuir les Autres qui les avaient attaqués. Sur les douze hommes, sept étaient morts, mais le pire se trouvait à l'intérieur de la grotte...  

Le sang avait tapissé les murs, les femmes et les enfants étaient égorgées, éviscérées... Même le fils d'Orka. Ils n'étaient plus que cinq hommes, plus aucune femme dans le clan. Alors tous décidèrent de se séparer pour rejoindre d'autres clans, mais Orka, pris de chagrin, décida de rester dans sa région, là où il avait toujours vécu.  

Et puis vint ce tout dernier jour de sa vie, celui qui lui permit de venger son fils, de tuer quelques Autres avant de s'enfuir, mortellement blessé à son tour. Il allait mourir, peut-être l'était-il déjà, il n'en savait rien... Mais étrangement il ressentait une douloureuse chaleur en lui, une sensation qu'il aurait été incapable de décrire...  

"Mon dieu... Doc... doc... DOCTEUR !" hurla une jeune femme (Mystic Silver)emmitouflée dans une épaisse couche en polaire, son instrument planté dans le bras congelé du Néandertalien qu'ils avaient découvert dans une caverne autrichienne. Il n'en revenait pas des données qu'il observait à ce jour.  

"Quoi... quoi... quoi... Qu'est-ce qu'il y a de si urgent Professeur Mc Cormick ?" grommelait une jeune femme dont le nez rougi laissait comprendre qu'elle n'aimait vraiment pas les températures aussi froide. Le professeur avait les yeux écarquillés et sa bouche s'articulait sans qu'un seul son n'en sorte, mais le doigt pointé sur l'instrument de mesure laissait comprendre ce qu'il voulait dire. La doctoresse en biologie prit celui-ci en main et écarquilla à son tour ses yeux, l'instrument n'avait pas été prévu pour ça, mais il était capable d'indiquer s'il existait toujours un courant électrique dans la matière observée.  

"Brancard ! Couverture réfrigérante ! Hélicoptère ! MAINTENANT !" hurlait-elle à son tour dans le talkie-walkie agrafé à sa veste. "Et convoquez le docteur Drasbert ! (Mickael K. Riddick)  

Malicka Stratfort (Lou Franke) n'en revenait pas, s'il y avait du courant électrique dans le bras congelé de ce Néandertalien, c'est qu'il restait des cellules encore vivante en quantité largement suffisante pour provoquer cela.  

Une très désagréable sensation. Certes, j'ai l'impression que la chaleur se diffuse doucement dans mon corps, mais cela n'a rien d'agréable, les douleurs sont effroyables, c'est comme si l'intérieur de mon corps brûlait. Aurais-je survécu aux neiges de Kälulha ? Aurait-il refusé de m'accueillir auprès de mes ancêtres ? Pour quelle raison si c'est le cas ?  

Le corps du Néandertalien avait commencé à se décongeler convenablement, il fallait impérativement le garder à une température très froide pour que le passage vers le réchauffement se fasse sans drame, et surtout il fallait que le cœur tienne le coup. Le Docteur Drasbert était un expert en matière de cryogénie et avait permis de réaliser que l'homme de plusieurs dizaines de milliers d'années avait été très bien conservé, si bien que ses organes étaient encore en fonction.  

"Adrénaline..." ordonnait-il tout en inspectant avec précision les données de survie. Tout remontait lentement, mais convenablement. Son cœur était visiblement très fort car il supportait le choc, aidé par les différents composés chimiques qu'on lui injectait.  

"Morphine... très forte dose." A ses côtés, Malicka Stratfordt observait sa découverte avec angoisse. C'est elle qui avait trouvé le corps, mais jamais elle ne s'était attendue à ce que l'expédition se retrouve face à une cryogénisation naturelle. Tendrement, elle posait la main sur le visage aux traits durs du Néandertalien, se demandant comment il pouvait s’appeler, s'il se souviendrait de sa vie, s'ils sauraient se comprendre...  

J'ai moins mal, je vois même des couleurs. Jamais je n'avais vu de telles couleurs, mon monde est blanc et noir, pas multicolore. Pourquoi Kälulha me fait-il voir ces choses dans ma tête ? Je respire de nouveau, je frissonne, m'aurait-il rejeté pour que j'accomplisse ma vengeance et que j’anéantisse les Autres ? Je ne suis plus sur un sol froid, il fait chaud ici, je dois être dans une grotte prêt d'un feu.  

Les appareils de survies commencent à s'agiter de plus en plus, faisant monter l'excitation des Docteurs Drasbert et Stratfordt. Puis ils se souvinrent de la nécessité de sécurité et exigèrent à ce qu'on attache l'homme suffisamment bien pour l'empêcher de s’enfuir. C'était juste à temps car déjà il grognait, ses yeux s'entrouvrant légèrement.  

"A vous l'honneur Docteur Stratfordt... C'est votre 'bébé.'" invita le docteur Drasbert de la main.  

Tout est flou, c'est très lumineux, ça me donne affreusement mal à la tête. Je distingue une ombre au dessus de moi pourtant, elle a l'air bienveillante... se disait Orka. Puis, il commença à y voir plus clair et ce qu'il découvrit le poussa dans une rage exceptionelle. Une Autre.  

"Kayel lakano sak sak lika tak reko lak maka tok ! Sak laka ! Sak roko ! Maka le tik roko !"* grognait-il alors, de plus en plus fort et affirmé.  

* "Vous les Autres, je vous tuerais jusqu'au dernier ! Je vous découperais ! Je vous démembrerais ! Je vous ferais manger vos enfants !"  

Sa voix était anormalement rauque. Pour les docteurs, c'était exceptionnel de se retrouver face à un homme de Néanderthäl en vie qui tentait en plus de communiquer, si seulement ils avaient pu comprendre cette phrase, ils n'auraient pas été à ce point réjouis.  

Ce choc des cultures vieux de plusieurs milliers d'années se résoudrait enfin.