La lune blafarde éclairait tristement les murs crasseux du manoir. Une brume épaisse surplombait le vaste terrain qui devançait l'entrée, décoré de plusieurs pierres tombales, d'arbres morts et de corbeaux dévorants des cadavres de souris mortes.  

Les hauts murs de la bâtisse étaient recouverts de lianes épaisses, ce qui rendait l'endroit encore plus effrayant. La fraîcheur de la nuit faisait couler les gouttes de condensation sur l'anse de panier du premier étage , à en juger par la chaleur étouffante qui régnait à l'intérieur de cette même pièce.  

Hector s'y trouvait. Nerveusement, il terminait un énième dessin qu'il avait l'habitude de réaliser chaque soir après le coucher de soleil. Il griffonna les derniers traits puis posa le crayon sur la seule chose dans la pièce qui ressemblait à un bureau.  

Il se leva de sa chaise puis se dirigea vers la fenêtre. Il avait triste mine, son visage ne montrait que l'expression d'un vampire désemparé...  

Il essuya de sa main une partie des gouttes qui coulaient encore sur le vitrage...  

Temps grisâtre et sombre  

Ciel poussiéreux de nuages  

Feuilles mortes qui tombent  

Vent qui me fouette le visage  

Je m’endors  

Il se retourne et avance vers le mur droit de la pièce, entièrement remplis de dessins  

L’ennui qui passe et qui repasse est une impasse  

Mais le temps dure et l’ennui dure avec le temps  

Il éteint une première bougie posée sur le recoin du bureau  

Ressassant des idées noires  

Mon avenir est un gouffre  

Sombre obscur s’engouffre  

Mon passé sombrent mes espoirs  

Il fait noir  

Il prend le dernier dessin puis le pose sur la flamme de la seconde bougie. Le papier prend feu puis se désintègre instantanément  

Ah je me sens si lasse  

Dans mes bras qui m’enlacent  

Sans espoir je passe mes nuits  

Bercée de monotonie  

Et tout dort  

L’ennui qui passe et qui repasse est une impasse  

Mais le temps dure et l’ennui dure avec le temps  

Il souffle sur la bougie qui plonge la pièce dans le noir total...  

***  

En suivant le chemin de terre avoisinant le manoir, passant non loin d'un sentier perdu et de plusieurs grottes sombres et inquiétantes, vous tomberez certainement sur un petit village calme et bien entretenu : Trinon.  

Lorsque le soleil éclatant lance ses rayons lumineux sur ses pavés usés, les ruelles piétonnes regorgent de vendeurs ambulants, de touristes avares... L'activité est des plus grandissantes chaque jour et ce petit village d'une centaine d'habitants seulement n'avait jamais vraiment connu le calme et la paisibilité.  

Jusqu'à cette fameuse nuit.  

La lune avait remplacé les rayons du soleil par une faible lueur grisâtre sur le village. Quelques habitants étaient encore dans les rues mais la plupart étaient enfermés dans les bars et autres commerces nocturnes encore ouverts.  

Lorsqu'un homme d'une trentaine d'années courait dans les ruelles, complètement affolé. Il hurlait sans cesse "Hector est un criminel ! Hector a tué Miss Freeze !"  

Hector connaissait bien les habitants de Trinon, sans pour autant les côtoyer. Il vivait aux abords du village mais comme il ne sortait jamais de son manoir, les relations avec eux n'étaient ni bonnes, ni mauvaises.  

L'homme ouvrit la porte du bar surpeuplé du village puis tomba à genoux sur le sol. Il souleva la couverture enroulée qu'il portait dans les bras puis posa le cadavre de son chat sur le sol.  

"Miss Freeze est morte ! Hector en a faite qu'une bouchée !"  

L'animal était sans vie, allongé sur le sol, une morsure clairement visible sur l'abdomen.  

***  

"Pourquoi ai-je fais ça?"  

Hector se parlait à lui même dans le grand miroir qui ornait le mur de la grande salle à manger.  

"Je me suis juré de ne jamais faire de mal à personne"  

Il essuya les traces de sangs encore visibles autour de ses lèvres.  

"Jamais je ne serai pardonné"  

Il se retourna puis observa la toile d'araignée qui pendait entre les deux statues qui détouraient la porte d'entrée.  

"A moins que..."  

***  

Au village, tous les habitants s'étaient regroupés au centre de la grand place.  

"Hector nous a trahi ! Il nous avait promis le calme et la paisibilité au village, et voilà qu'il a trouvé sa faim parmi nous ! Soyez vigilent et ne sortez pas de chez vous après le coucher du soleil...."  

Le discours du maire fut interrompu par un jeune enfant à peine plus grand qu'un tabouret.  

"Venez voir, vite , vite ! "  

Il pointait du doigt les portes du village. Tous les habitants s'y dirigèrent au pas de courses puis s’arrêtèrent devant une grande banderole accrochée entre deux hauts sapins.  

"GRANDE FÊTE D'HECTOR CE SOIR". Une petite flèche indiquait la route à suivre pour s'y rendre.  

"En voilà une bien drôle d'idée" , rétorqua le maire.  

***  

Le soleil s'était couché et tous les villageois s'étaient à nouveau réunis. Non pas pour une réunion organisée, mais pour rencontrer Hector.  

Ils entamèrent une longue marche à travers le bois, passèrent devant le sentier puis devant les grottes sombres. Plusieurs banderoles indiquant la marche à suivre étaient accrochées entre chaque arbres.  

Devant l'entrée du manoir, le maire s'écria :  

"HECTOR ! Cette fête ne pardonnera rien ! Tu nous avait promis le calme et ta soif de sang a eu raison de toi !"  

Soudain, le manoir s’éclaira de milliers d'illuminations.  

Les portes s'ouvrèrent lentement puis Hector entama un chant de bienvenue.  

Mes chers amis, nous voila réunis  

Pour me faire pardonner du mal que je vous ai fait  

N'ayez pas peur, je ne suis pas méchant  

Entrez donc, et remplissez vos ventres  

[...]