Le film est raconté selon une double narration, l'une portée par Daniel (Marcus Burroughs) et et l'autre par Faye (Jane Hayworth).  

FAYE. C'est terrible à dire, mais au moment de jouir j'ai voulu t'étrangler. Je t'ai vu avec ton visage meurtri par le plaisir de me cramponner de la sorte et moi, au bord de la jouissance, obtenir le pouvoir fatal de mettre fin à tout ça. Mon amour, as-tu vu ce désir monter en moi ? Ce désir si singulier qui relie la mort à l'amour ? Je ne connais de chemin plus pernicieux que celui du couple qui se connaît par coeur, qui ne fait plus qu'un jusqu'à obtenir un agrégat de chair et de coeur. Je l'avais pourtant imaginée comme cela ma vie, simple et béate avec un homme fort. Mais cette nuit, mon état d'esprit a changé, j'ai voulu porter ma main à ton cou et serrer de plus en plus fort. Je ne l'ai pas fait pas, j'ai seulement caresser ta gorge et j'ai joui, comme d'habitude. En revanche, l'image de ta mise à mort est désormais imprégnée dans ma mémoire...  

DANIEL. Si tu appuyais plus fort au lieu de caresser mon cou, j'aurai pu monter au septième ciel. J'ai toujours voulu que tu me fasses mal, que l'amour avec toi soit une histoire de rapport de force. Inverser les rôles, c'est toi la personne puissante. Pas moi, l'homme ordinaire. Quand je t'ai épousé, je nous imaginais avec des enfants dans une belle demeure. Nous n'avons que la demeure, les enfants ne viendront jamais. C'est une chose assurée que je ne veux plus cela, que c'est la fin d'une vie programmée mais qui ne sera pas surprenante malgré tout. Viens, contre-moi, jouit à cet instant où tu peux avoir la faculté de me tuer. Evidemment, tu n'en feras rien.  

Le couple passe désormais à table dans cette salle à manger silencieuse. Ils regardent dans le blanc des yeux, calme en apparence mais neveux en leur for intérieur.  

FAYE. Pourquoi ne lui ai-je pas flanqué la poêle dans la gueule dans la cuisine ? Il m'insupportait à triturer ses dents avant son fil dentaire alors qu'on va passer à table. Et moi, quelle conne de lui préparer la bouffe en soubrette tous les soirs. Pourquoi ai-je autant besoin de lui faire plaisir ? Pourquoi m'infliger ça ?  

DANIEL. Elle est tellement belle quand elle cuisine. J'ai souvent envie de lui soulever la jupe et d'y faufiler ma main pour toucher ses cuisses blanches. Elle y met tant de coeur... Ses plats sont toujours délicieux. Ce soir : Poulet mariné au citron servi avec des haricots verts cuits à la poêle ! Je sors une bouteille de vin, la débouche et lui tend un verre pendant qu'elle s'affaire à découper le poulet. A cet instant, je voudrais tout arrêter, la pousser sur la table de cuisine et la prendre comme ça, sans lui ôter le tablier. Mais ce qui est effrayant, c'est que je n'ai osé le faire. Nous nous contentons de nous mettre à table et de manger dans le silence.  

FAYE. J'imagine volontiers un autre homme assis à sa place. Rien que le charcutier du coin ferait l'affaire. Au moins, j'aurais un homme moins poli et sachant ce qu'il veut. On ne s'est jamais envoyé en l'air ailleurs que notre chambre. Je hais ce lit de jour en jour, je n'en peux plus de le faire et de le défaire pour y foutre nos corps de gentil petit couple amoureux. Je préfèrerais dormir sur le canapé mais cela perturberait notre morne quotidien.  

Le facteur sonne à la porte et donne une lettre urgente adressée à Faye. Celle-ci l'ouvre et apprend avec terreur que son père est mort d'une crise cardiaque. Les obsèques auront lieu dans trois jours.  

FAYE. C'est le Jour J. On enterre mon père aujourd'hui et je n'ai pas encore versé une seule larme. Pourtant, je suis bel et bien tétanisée de cette nouvelle, moi qui n'ai pas vu mon père depuis une année. On s'était engueulé à propos de Daniel qui n'avais pas encore trouvé de travail depuis son licenciement. Aujourd'hui, une page se tourne et j'enfile ma robe la plus noire pour l'occasion. Je ne parle plus à Daniel depuis que le facteur est passé.  

DANIEL. Je serais à ses côtés quoi qu'il arrive. Elle peut compter sur moi, je lui offrirais toujours mon épaule pour pleurer. Mais j'ai le sentiment qu'elle n'en veut pas, qu'elle peut très bien se passer de moi. Je m'habille en noir pour l'enterrement de son père qui ne m'a jamais aimé, j'ai payé son cercueil avec ce qu'il me reste de l'héritage de mes parents et je prends soin de sa fille tous les jours : suis-je stupide ?  

FAYE. Ce mec est stupide. Je ne veux plus le voir, hors de ma vue sale type ! T'es plus qu'un ennemi pour moi, un morceau d'homme qui traîne entre mes jambes. Si seulement j'étais prête à te tuer, si seulement j'avais appuyé sur ton cou quand il fallait le faire, avant de te détester avec autant d'intensité. Tu vois, tu ne me sers plus rien, je veux respirer à poumons déployés désormais ! Mon corps tremble parce que je vais prendre une décision. En voyant, cet immense couteau trôner au milieu de la cuisine, je me dis que je pourrais te le planter dans le dos. Dans le dos, oui ! Comme une traître et pour ne pas voir ton visage qui grimacera comme s'il allait jouir. Alors, je mets ce couteau dans mon sac...  

DANIEL. J'entends la lame du couteau de la cuisine glisser sur la table et faire ce bruit sourd en entrant dans son sac à main. Nous sommes enfin prêts pour l'enterrement et je commence à comprendre la raison de son silence ces trois derniers jours. Son regard a changé, il est absolument noir. Cette garce veut me tuer avant d'aller rendre un dernier hommage à son père. J'entends ses pas s'approcher de moi, je suis de dos à elle et je décide de remonter dans la chambre en faisant semblant d'oublier quelque chose. Oui, j'ai oublié quelque chose : la dague de mon père cachée dans une petite boite en bois sous notre lit conjugal...  

Qui de nous deux va tuer l'autre ?  

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L'AMOUR À MORT  

un premier film de Elias Epstein  

avec Marcus Burroughs et Jane Hayworth.  

durée : 1h22