«En 2025, la beauté refait surface comme une ombre portée, orageuse et funèbre, sur la mer méditerranéenne.»  

C’est ainsi que commence une intervention vidéo que lance l'auto-proclamée Général Floriane Cesari. Le visage est fin, dur comme le roc. Le cheveu est très court, en broussaille. Le regard est noir comme la crosse d’un Beretta. Nul ne croirait voir un général comme on en eut coutume d’en voir. Pourtant celle-ci veut finir ce que l’infini ancêtre, leur sang, le petit bourgeois, le dénommé Pasquale Paoli a commencé il y a plus de 250 ans.  

En 2017, Michel Finlande finit d’être élu et, chose inédite, c’est le fils de Sicolas Narkozy, dont le père fut tant décrié, qui reprit la succession pour deux mandats. Dans l’ombre du père, il n’était qu’un pantin surprotégé, né avec une cuillère en argent dans la bouche. Mais cela a suffit pour continuer de gouverner un pays déjà bien ébréché par la crise mondiale. Hélas pour le jeune Jan Narkozy, le père meurt d’un «malaise vagal mystérieux» lors d’une partie de jambe en l’air avec une certaine Lara Morgane, une hardeuse de 25 ans à la retraite.  

Ces dernières années, de cruelles déconvenues sont arrivées en Corse par la faute de l’Etat français et les nationalistes en ont fait leur credo.  

Cette mort si soudaine pose un véritable dilemme diplomatique. Les inégalités territoriales se sont accrues entre la Corse et le continent. Le projet du Grand Paris, voulu par la famille Narkozy a coûté trois fois plus que prévu au cours de la décennie 2010 et a littéralement vidé les caisses de l’Etat. Cette entreprise d’urbanisation pharaonique rappelle aux médias l’entreprise du Colonel Kadhabi en Libye. Ce dernier, voulant irriguer son pays a causé un désastre écologique en voulant créer le plus grand lac artificiel du monde pour irriguer tout le pays à partir de la Méditerranée. Ne pouvant plus assumer les finances du projet, évalué à 100 milliards de dollars, Kadhabi, affamant son pays au début des années 2000 par sa seule volonté, a arrêté les travaux de ce gâchis national. Alors lorsqu’il s’agit de construire une autoroute de qualité en Corse – autoroute attendue depuis plus de cinquante ans, comme il en existe en Sardaigne –, l’Etat français refuse de tendre davantage la main.  

Mais ce n’est pas tant cette injustice séculaire et humiliante qui a fait bougé les indépendantistes corses et fait grossir leurs rangs. C’est un journal hebdomadaire qui relatant ce projet d’autoroute promise puis annulée s’est vu censuré pour avoir mis en défaut le pouvoir et la gestion financière du dernier gouvernement en date. Le mépris, ajouté à la soumission insulaire, lève une prise de conscience. Même la classe moyenne sur l’île, d’habitude passive, fait état d’un ras le bol et s’attaque au ministre du travail de passage sur l’île en le séquestrant. C’est dans cet état d’esprit que sont entamés les négociations entre la présidence et la Corse. Narkozy n’y voit que l’effronterie et du terrorisme de masse. Alors Jan Narkozy ne trouve rien de mieux que d’enfoncer le clou en supprimant la plus stratégique des bases militaires en Corse, celle-là même qui fut très utile pour lancer des avions de chasse à destination de la Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1995.  

Le général en place se soumet à la destitution de son régiment sans condition et décide de partir sur le continent. Mais arrivé à l’embarquement, la police de l’aéroport l’arrête sur le champ. Deux jours plus tard, il est pendu de manière suspecte. Et comme pour marquer un début révolutionnaire, c’est une femme qui prend la relève du régiment de Vintisari-Sulinzara. Floriane Cesari est alors celle qui va mener de front la victoire à l’indépendance en usant de son charisme typique et de sa force. Né dans le milieu militaire, elle a passé son enfance sous l’égide d’un père tyrannique, réclamant toujours plus d’elle. Le sous-lieutenant Cesari, adepte des arts martiaux, plus particulièrement du JuJitsu, fut ainsi repéré et alla gagner une belle médaille d’argent aux J.O. de 2024 à Copenhague. Profitant de sa notoriété sur l’île de beauté et à l’intérieur de la base militaro-aérienne 126, elle passa de pilote d’hélicoptère de combat à la stature de Général, à l’unanimité. Plébiscitée, elle ne tarda pas à trouver les mots pour redresser l’honneur de toute une nation.  

«La Corse est une nation souverainement paisible et hospitalière. Elle n'a jamais vaincu, soumis ni humilié qui que ce soit. Quant à l'Etat Français de son côté, il a fondé une société militaire, grâce à quoi il a obtenu la gloire et étendu son domaine jusqu'aux confins de la Corse.»  

Le Général Cesari reprit à son compte la déclaration d’indépendance écrite par des idéalistes nationaux dans les années 1960 et appliqua un blocus d’abord touristique en pleine période estivale. Quatre cents milles visiteurs de l’île sont alors concernés et se retrouvent coincés sans avoir la possibilité de rentrer chez eux. Pour ne pas qu’ils deviennent une menace, Cesari leur fait espérer un éventuel retour en envoyant des avions au compte-goutte. Cette masse d’inquiétude devient vite ingérable lorsqu’on dénombre en moins d’une semaine trois décès et des dizaines de saccages de centres commerciaux. La tension est à son comble et le général ne voit pas d’autres solutions que d’installer un camp de redressement pour les pinzut, situé à Bavella. Mais comme il est hors de question de toucher un cheveu de ces touristes et qu’elle ne soumettra pas la même volonté militaire avec laquelle la Corse a été soumise. Pour ce faire, elle tente un coup de poker et leur propose de devenir citoyen-combattant corse et d’être exonéré d’impôts à vie en cas de victoire. Certains se déclarent immédiatement prêts pour sauvegarder la beauté de cette île, qu’il considère comme le plus beau pays du monde… De trois mille volontaires, on passe en deux semaines à vingt mille. Le général calme alors les dissensions anxieuses à l’intérieur du camp de redressement et dans ses propres troupes – puisqu’il existe une sorte de racisme, à savoir qui est corse de souche et qui ne l’est pas. Les cadeaux offerts ne sont pas faits pour arranger les choses: c’est pourquoi elle envisage, sitôt la Corse sortie victorieuse, de faire d’elle un paradis fiscal pour subvenir aux besoins insulaire. Seule l’est de l’île se trouve être un bastion inconquis par cette nouvelle égérie despotique. Rappelons que c’est à Ajaccio que ce situe la préfecture et l’assemblée territoriale de Corse.  

A Matignon, on observe que l’escalade de violence s’aggrave de jour en jour sous les coups de boutoir d’un président capricieux et d’une junte prête à tout pour extorquer la plus grande puissance touristique de la France. Tandis que le premier ministre rentre dans un beau matin de la fin Août 2025, un homme vêtu de noir l’intercepte. Il affirme que le président s’entretient secrètement. Ils s’écartent discrètement. A l’intérieur, Jan Narkozy écoute avec virtuosité la pastorale d’Actéon de Marc-Antoine Charpentier.  

«Voyez, sentez comme la folie l’emporte, tour à tour la joie et la haine! La musique s’évade, s’immisce et, comme un parasite, fait d’un sortilège une délicieuse ivresse…»  

L’homme avec lequel le président s’entretient ne comprend pas, il veut qu’on aille droit au but et fait mine de rester concentrer en fumant un cubain. C’est alors qu’il sort une réplique qu’il a certainement attendu dans un film… une série… ou un précédent film avec Michael Cannon… «J’adore quand un plan se déroule sans accroc!». Cet homme, dont on découvre à l’instant le visage, n’est autre que celui dont la mort était suspecte: l’ex-Général Bramart. Le plan paraît simple mais suicidaire mais l’homme est prêt à tout pour une mission secrète en solo.  

C’est ainsi qu’au départ de Roissy-Charles de Gaulle, Bramart décolle à bord d’un hydravion – direction Ajaccio. En plein vol, il entend comme un bruit à l’arrière de l’appareil. Il branche le pilote automatique et file voir ce qui se passe. On donne des coups dans une grande caisse en bois. En deux trois mouvements, il démonte la caisse et demande à ce qu’on en sorte expressément. Il s’agit de Lara Morgane, cette shampooineuse des premiers samedi du mois sur Canal +. Elle affirme avoir été enfermée contre son gré sur ordre d’une certaine Nalba Cruni, ex-femme du feu président. On lui a juste dit qu’elle ne sortira pas vivante de ce voyage. La suite de cette scène est classée X.  

L’avion se pose sur l’eau, à proximité d’Ajaccio. La ville est en état de siège. Le général Cesari a déjà pris par la force la Préfecture. Ce n’est plus qu’une question de temps.  

«Au nom de la République, je suis là pour stopper tout ce merdier! »  

Bramart s’équipe (beaucoup, beaucoup), se peinturlure et enfile une cagoule noire pour disparaître le plus vite possible dans le maquis. Mais il a cette garce de Lara qu'il n'a pas réussi à fatiguer et qui lui colle aux basques et qui n’arrête pas de chouiner dès qu’on entend un petit coup de feu, une petite explosion. Il propose de libérer le camp de redressement afin de faire de nouveaux soldats. Après quatre jours de marche et trois kilomètres plus tard… Lara n’en peut plus. De se faire baiser à la belle étoile, passe encore, mais le maquis, elle en a ras la touffe. Chut! Bramart entend un engin motorisé: c’est le moteur d’une Jeep. Elle leur sera bien utile. Alors il sort un fil tranchant de sa poche de veste et se rend à la route pour l’accrocher de par en par de la route. BLING ! Le fil a tronçonné les quatre têtes et ont valdingué au-delà de la route. Une a même atterri sur les genoux assis de Lara. AAAAAH! La voiture est sortie de la route mais avec le treuil se sera vite réglé… Et les voilà partis tous deux vers…  

Ça y est! Ils y sont! Bavella! Tous les pinzuti sont là! Bramart fonce dans le tas et ne fait pas de quartier. Il fait descendre d’un coup de pied le mirador. Son occupant en tombe, tirant en l’air, et finit écraser par le bâtiment. Tout le camp est en alerte et quelques prisonniers profitent de ce moment de chaos pour se faire la belle. Ceux-ci sont stoppés aussi net par Bramart. Lara est complètement effarée par ses derniers 24 heures et s’évanouit. Bramart propose à ce qu’on la mette à l’abri des grenades et des cagoules noires avant qu’ils ne tombent sur son joli petit cul de salope! Sur ces derniers ordres, Bramart s’aperçoit que ses nouveaux compagnons sont efficaces et proposent de les débaucher pour enfiler l’apparat militaire. Parmi eux, un urgentiste se démarque par son attitude de leader: un urgentiste du nom de Marc Guéret. Guéret et Bramart, ainsi qu’une poignée d’irréductibles, sont décidé à en découdre avec le fascisme local.  

«Le plan? C’est… Contre-révolution et Basta!», annonce carte sur table Bramart. Les autres prisonniers libérés, non désireux de prendre part à la guérilla, n’ont pas d’autres choix que de les suivre dans le périple de l’ex-Général. De nombreux véhicules sont à disposition dont un hélicoptère. Direction Vintisari-Sulinzara!  

Pendant ce temps, Ajaccio est tombée. A l’assemblée, Cesari diffuse une vidéo sur toutes les chaînes numériques et sur Internet pour affirmer que la Corse n’appartient plus qu’à son peuple souverain.  

«Les demandeurs les plus ardents de la paix, c'est nous ; l'avenir, c'est nous. Nous n'acceptons plus désormais le cri de guerre d'un hymne appelant "aux armes citoyens". Nous rejetons, vieille ou rajeunie, la loi du sang. Nous rejetons la main mise de La France sur notre nation en cette période trouble de crise ainsi que sa violence et son colonialisme. Nous garderons en mémoire le pillage ancestral et illégitime opérée par ce continent arrogant. Nous avons nous aussi notre hymne national ! Il est placé sous le signe de la Miséricorde, de l'apaisement et pour tout dire, de la prière au renouvellement et au dialogue.» Elle porta une main à son oreille et chanta avec ses camarades, en prenant soin de tronquer le premier couplet marqué par le christianisme: «Voi siete gioia e riso / Di tutti i sconsolati / Di tutti i tribolati / Unica speme.» (Vous êtes la joie et le rire / De tous les attristés / De tous les tourmentés / L'unique espérance).  

La France est sous le choc: elle perd un joyau de sa couronne. L’île qui faisait son prestige et sa diversité culturelle part aux mains d’une sauvageonne communiste et chauvine. Jan Narkozy mouille son trône, entouré de tous ses conseillers. Il tente une communication avec Bramart. La radio grésille mais le contact s’établit. Bramart affirme être en direction de la base aérienne, situé sur la côté Est, et qu’il est suivi par deux cent mille personnes. Les deux cents autres sont morts du fait de mes explosions. Désolé. A vous.Narkozy tremble de tous ses membres et décide de se rendre au cercueil de feu son père, pour y trouver une petite place.  

«Ça va péter, ça va péter, ça va péter…»  

Malheureusement, l’appel a été intercepté en plein milieu de l’hymne corse. Cesari est furax. Grichjtu! C’est là-bas que tout sera joué!  

Bramart arrive sur place, et bizarrement tout est tranquille et déserté. Il sent la menace se pointer et au moment où il entend un bourdonnement sourd, il fait taire tous les autres. Des avions de chasse! Elle va tout faire péter! Tirons-nous! En moins de temps qu’il en faut, Bramart, Lara et un autre plongent à la flotte tandis que tous les autres se sont fait tirer comme des gnous. La base explose littéralement. Des cadavres hurlant courent, immolés, sur la plage. C’est un véritable carnage, un autodafé de pinzuti! Bramart voyant le spectacle son et lumière ne peut s’empêcher de revenir sur l’île. Il a la force de dix hommes à présent. Il est accompagné à présent d'un homme, Marc Guéret, qui court sur la plage pour éteindre les militaires. Découvrant le spectacle désolant, Bramart et ses deux amis marchent droit sur la nationale. Au loin, un avion de chasse se pose sur la route à sa rencontre. Bramart ne recule devant rien. L’avion ne freine pas et Bramart ne s’écartera pas. Guéret le pousse à tempssur le bas-côté in extremis : «OéScemu ! Continues comme ça et tu vas te prendre une rusta amicu, ok?». Bramart ne parle plus, il est fou de rage. Les yeux, injectés de sang, il se relève, les muscles gonflés à bloc. A un kilomètre, l’avion s’est arrêté. Bramart commence à courir en hurlant au travers des flammes. A peine descendu, Cesari se prend un pied retourné pris avec tout son élan. Cesari reste debout. Bramart est sidéré. Elle s’essuie la lèvre inférieure avec sa manche. Elle entame une série de combinaison de jujitsu, la même en flashback qui la fit gagner au Jeux Olympiques. Elle enchaîne les prises et Bramart ne voit rien venir. S’il est à terre, Cesari en demande encore et insiste pour qu’il se lève. Le visage en sang, il titube. Il s’évanouit… Quand tout à coup, une voix stridente prend tout son courage dans ses jambes et se jette: «C’est mon mec carugnacciaaaa!». C’est Lara! Elle est en guenille et d’un coup, elle met à mal Cesari. Tandis que Guéret soigne l’ex-général à l’agonie, Lara se bat comme une chienne, n’importe comment mais ça marche… Cesari est déconcertée et, après une série de vingt coups de poings, c’est la révolution corse toute entière qui tombe de son poids. Lara est super heureuse mais son chéri est mal en point. Guéret s’écarte… Bramart est mort. Lara lève la tête et Guéret, à contre-jour, affirme qu’il n’a rien pu faire. Ah ouais? Et vous êtes peut-être urgentiste, non des fois? Guéret, pris au dépourvu, que, effectivement, il est urgentiste. Soudain, Lara lâche la tête de l’ex-général qui cogne le goudron. Ti tengu caru.  

La suite est classée X.  

Marc Guéret, sur la route nationale, s’éloignant main dans la main, avec Lara Morgane, n’oublie pas ce qui s’est passé ici et il est bien décidé à retourner sa veste pour la beauté du pays. La route est longue et est infestée de fascistes vengeurs. Il n’oublie pas que Jan Narkozy aussi mérite quelques baffes…