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ManDown Productions présente
Carnets d'une vie brisée

Cela fait exactement trois mois, onze jours, douze heures, quarante minutes et 2 secondes que je vis avec cette douleur insoutenable, ce sentiment horrible de n’être plus qu’une coquille vide à la dérive.  

Je ne vis plus, je ne suis pas morte, je ne suis que souffrance.  

Huit millions huit cent cinquante huit mille quatre cent secondes au détour de chacune desquelles j’ai prié pour que ma vie ne soit plus un cauchemar…  

 

Lexi prit une grande inspiration, les doigts crispés au dessus du carnet vierge ou elle venait de se décider à griffonner quelques mots.  

 

Dire que j’ai perdu toute notion de bonheur ne serait que pure ironie moi qui m’en suis éprise, qui m’y suis baignée, qui ai ri des gens malheureux, perchée sur les toits d’un bonheur dont j’ignorai le prix, sans me douter de la chute irrémédiable, cette règle qui régit nos existences faisant de nous des esclaves d’une délicieuse incertitude sublimant les minutes de répit qui nous sont offertes.  

J’ai trop joué avec la lumière. A présent tout est noir, et je suis seule…  

 

Le petit cottage était caressé de rayons de soleil dans la fraicheur matinale. Le regard vide perdu au travers des carreaux d’une petite fenêtre, Lexi souffla couvrant la vitre fraiche de buée. C’était flou, tout comme les yeux qui venaient de s’emplir de larmes.  

 

Je ne me rappelle plus de mon dernier éclat de rire. C’est horrible, à trop m’accrocher a un reste d’existence j’ai effacé toutes les images qu’il restait des beaux jours. Les souvenirs, je les ai détruits a doses d’opiacés. J’ai froid, il ne me reste que le vide et ton visage, tu persistes, t’accroches a mon âme comme je me suis accroché a la tienne, à l’espoir chimérique que NOUS pouvions survivre...  

 

Elle quitta la fenêtre et s’installa au coin du feu qui doucement craquait dans l’âtre. Devant elle un guéridon, sur le guéridon une boite, dans la boîte…  

 

Mais ne me crois pas, je mens. J’ai triché. Et c’est peut être cela qui me tue. Je me suis dissimulé a moi-même les vestiges d’une vie que je ne pensais déterrer que lorsque vieillissante il m’aurait plu d’exposer à ma progéniture les péripéties d’une matriarche, d’une ancêtre, d’une aïeule. Je me suis fait mal a retrouver ses compilations de morceaux de vie, véritable boite de Pandore dans mon monde déchiqueté. Ce ne sont que des écrits, justement… les écrits restent. Et la dans mes mains, il y a ces carnets, amis de mes jours solitaires ou pas… car rappelle toi, nous y avons écrit ensemble.  

J’ai mal.  

 

Lexi ouvrit le journal, et ses yeux se mirent à parcourir les lignes écrites d’une main post adolescente pressée, les espaces vides couverts de gribouillis faussement art déco. Un faible sourire éclaira le visage blond. Souvenirs…  

 

(Scènes flashback décrites au fil de la lecture des anciens carnets)  

***  

Le grand brun  

Tout le monde cherche un visage, puis un détail.  

Des yeux pour déterminer la profondeur d’une âme, leur couleur ? Je m’en fiche.  

Un nez pour en vérifier la ligne, cassé, aquilin, en trompette…  

Une bouche, c’est beau une bouche. J’aime la bouche des femmes, dessinées, contournées, coloriées, mordillées…  

Les bouches d’homme sont moins créatives, mais tellement plus suggestives…  

Il m’est arrivé de regarder des poils, au menton, aux joues, au nez ou sous le nez, une arcade sourcilière, percée, tailladée.  

Et il y a aussi les cheveux, ils entourent le visage et lui donnent une personnalité. Je les aimais longs, il les avait longs… je crois car je ne me rappelle pas. Je ne me rappelle que de ses mains.  

Même pas, il y a des mains dont je connais le sillon des veines, d’autres dont je connais le bout des doigts, ses mains a lui je n’ai du les observer qu’une demi seconde, j’ai fixé sur un bracelet.  

Une lanière de cuir surmontée de fin picots argentés lui ceignant le poignet. J’ai cru déceler autre chose dissimulé sous le cuir noir, des lignes argentées...  

J’en ai frémi. Nous avions un point commun.  

Quand j’ai levé les yeux, il n’était plus là…  

Il ne me restait de l’instant que le silence éteint des plâtres des statues qui tentaient, je l’avais toujours pensé , d’égayer la beauté triste des cimetières. J’ai promené mon regard, je n’avais pas rêvé, il n’avait pas pu disparaitre ainsi… J’ai vu le dos d’une silhouette furtive et cette main amie tendue dans le vide une cigarette fumante au bout des doigts. Si ma vie avait été un film je l’aurais poursuivi.  

Dana a mis sa main sur la mienne.  

Ce type la, il t’a regardé bizarrement… je ne suis pas tranquille, rentrons avait elle dit. J’ai du me contenir pour ne pas asséner a sa joue pouponne une magistrale gifle, mais j’étais trop stone, a ne pas m’être rendue compte qu’il était si près qu’il me regardait et qu’à mes yeux le temps semblait ne plus s’écouler qu’en volutes fins dans un univers psychédélique. A cet instant Dana, je t’ai haie, je venais d’atterrir et nous n’avions plus de joints.  

***  

 

Lexi poussa la porte du cottage. Le soleil se refléta dans sa chevelure dorée, elle ferma les yeux appréciant le contraste du froid qui lui mordait la peau et du soleil qui lui chatouillait le visage. Devant dans la vallée le lac. Sur la terrasse elle s’installa. Elle n’avait pas mis de gants, pour mieux tourner les pages du carnet.  

 

***  

Gueule de bois  

Je vomissais et il me regardait. C’était indiscret, dégoûtant, indécent. Il ne riait pas, mais imaginer a ses lèvres ce sourire défiant et victorieux qui tant de fois m’avait transportée me rendait plus malade encore que les fluides éthyles qui rongeaient mon foie et me brulaient l’estomac. Je n’étais qu’une gosse, lui un Dieu.  

J’avais à peine relevé la tête et nettoyé la commissure de mes lèvres des restes de rejet que je sentit la force de son bras qui m’attirait a lui et sa bouche qui emprisonnait la mienne, c’était d’une beauté immonde, il était trash et sa salive sucrée quand je n’osais imaginer le gout de la mienne. A cet instant je sus qu’il m’aimait et j’ai pris peur. M’aimait il plus que je ne l’aimais moi ? Je ne l’aurai jamais embrassé dans cet état. J’étais beaucoup trop maniaque.  

 

Je me rappelle avoir voulu écrire, pour ne pas oublier, mais j’étais trop ivre et lui trop impatient. J’aurai aimé ne pas avoir autant bu. Je buvais, il faisait semblant, il m’avait eue et j’étais à lui.  

On a baisé. Je le sais, je me suis réveillée nue la tête en vrac et plus tard, je l’ai vu dans ses yeux, il avait pris tout de moi.  

La chambre, sa chambre (?) puait l’herbe, la sueur, le sexe et des restes de vodka. Le salaud, je lui en voulais, ma colère tomba quand en se retournant il m’offrit la vision de son visage nazaréen. Je t’aime mon salaud lui murmurai je dans un souffle qui me dégouta encore plus de moi-même.  

 

Lorsque j’ai demandé à Raphaël pourquoi il avait fait cela de notre première nuit il m’avoua : pour que tu aies envie de recommencer, et je recommencerai encore à te voler tes nuits, premières, secondes, infinies, tant que je peux te garder dans mes bras.  

 

A l’écrire, ça ne ressemble à rien. Mais je vous jure que quand il l’a dit, je n’avais rien entendu de plus romantique de mon existence.  

***  

 

Lexi posa le carnet. Elle regardait au loin le lac. Elle avait toujours aimé ce lac, c’était la seule raison qui faisait qu’elle venait séjourner dans ce cottage. Elle abandonna sur la véranda le carnet, et emprunta le petit chemin qui l’éloignait du cottage.  

 

Tu aurais aimé ce lac.  

En hiver, il met du temps à se refroidir assez pour qu’une fine couche de glace l’en recouvre. Il est interdit de s’en approcher avant la toute rigueur de l’hiver, et encore.  

Il est comme toi ce lac, la froideur de son eau n’est rien comparée à la brulure qu’elle provoque. C’est peut être pour ça que je t’ai aimé. Pour le danger que tu représentais derrière ta beauté sauvage.  

 

Le soir tombait doucement sur le cottage quand Lexi rentra chez elle après une longue promenade autour du lac. Elle ne mangea rien, elle ne se prépara qu’un café, et enfoncée dans le fauteuil près du feu, elle sortit un autre carnet de la boite et commença à le feuilleter.  

 

***  

Avé Maria.  

Nous fêtions notre troisième anniversaire. Il n’y a que les filles pour se rappeler ces détails. C’est ce qu’on dit, et c’est faux. Je n’y pensais pas. Chaque jour avec lui était comme un premier jour, chaque étreinte, comme une première, un renouveau quotidien, et je n’ai pas vu passer, les mille quatre vingt quinze jours ou nous avions connu des matins, de folles nuits, des cris, de plaisir ou de rage, la folie, les excès...  

Lui avait compté les vingt six mille deux cent quatre vingt heures. J’ai ri, lui non. Il est parti en claquant la porte. Ce n’était pas une première dispute, mais j’ai senti ce jour que j’avais cassé quelque chose.  

 

Je l’ai retrouvé dans l’église. Il y avait cette statue de la vierge qu’il aimait tant. Il ne croyait pas en Dieu, moi je croyais en lui, il était devenu ma religion et il y avait cette vierge de pierre qui semblait cristalliser ses espoirs. Je me suis agenouillée auprès de lui. Il ne m’a pas regardée. Je me suis tue, j’ai parlé, il n’a pas répondu, j’ai crié, l’ai insulté, provoquée, je voulais qu’il me parle. Il m’a alors regardée de ses yeux qui venaient de me briser. Comme un empereur triste qui voyant son empire se dit qu'il n'y a plus rien à conquérir. Je n’ai pas compris en quoi le jour était important puisque tous les jours m’étaient aussi sacrés. Il m’a dit qu’il m’aimait, ses mots avaient des teintes imparfaites.  

C’est la que j’ai commencé trembler. J’ai pleuré sur les pieds de la vierge de pierre.  

***  

 

Lexi sentit le sommeil lui venir, ou étaient-ce les larmes qui avaient fatigué ses yeux bleus. Elle abandonna le carnet. Ses yeux fixèrent longuement les flammes et un instant lui démangea l’idée de tout jeter au feu, pourtant si elle était résolue à partir, elle voulait laisser une trace.  

 

Le premier mois, j’ai dormi tout le jour. D’un faux sommeil car il n’était habité que de toi, de tes yeux, de leur encre, de ce poison. Et pour te faire disparaitre, je me suis assommée davantage. Aujourd’hui je n’ai plus peur de dormir, je voudrais même ne jamais plus me réveiller. Ils étaient beaux les rêves dans tes bras. Sombres et mirifiques, il y fallait trouver la lumière. Tu as toujours été joueur, à vouloir me faire deviner l’invisible, me faire découvrir l’inattendu. Dans les volutes de fumée Dieu que tu étais beau…  

 

Lexi venait de s’endormir dans le canapé couverte d’un plaid de laine. A son poignet une lanière de cuir avec des picots argentés. Des zébrures argentées lui remontaient le long de l’avant bras. Le sang avait coulé par le passé. Les blessures s’étaient refermées, d’autres s’étaient ouvertes. Béantes.  

 

***  

La chute  

Pourquoi ? J’ai peur…  

***  

 

Elle marchait sur la glace du lac. Il faisait noir, sombre. Elle portait une robe blanche dont les pans déchiquetés semblaient emportés par le vent glacial qui soufflait.  

Les lèvres bleues, le bracelet dans la main elle faisait craquer ses pieds nus sur la glace fine au dessus des eaux noires.  

 

La silhouette blanche et blonde glissait dans l’eau gelée. Un ultime souffle vaporeux s’échappa des lèvres rongées par le froid. Telle Ophélie Lexi dérivait à présent.  

 

Anéantie.  

Je ne sais plus dormir, je ne sais plus faire grand-chose. Ces souvenirs, puisque les images de nous sont mortes bouffées par ces guerres qui nous on brisées, je te les offre. Vois comme j’étais naïve, la gosse que t’as regardé planer sur la pierre tombale d’un inconnu, dans un cimetière, théâtre de déchéances.  

La victime que t’as choisi, mon Christ, mon Dieu.  

Tu sais j'ai essayé de faire le deuil de nous deux et de toi, mais si nous deux c'est mort alors c'est mort pour moi.Je te laisse, égoïste en espérant que ça te blesse un peu.  

Je t’ai arraché à l’Achéron pour mieux m’offrir aux eaux troubles du Styx, ces méandres ne sont rien comparés à ceux dans lesquels tu m’as plongée sous l’illusion de merveilles…  

 

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Daresha Mandown retrouve son réalisateur fétiche, Clément Bates pour un drame onirique, kaleidoscope d'images, de souvenirs, de tranches de vies narrées au travers de carnets intimes , puzzle d'émotions, regard de femme.  

Logan Mandown revient dans un registre qu'on ne lui connait pas. Erik Buchanan, acteur encore peu connu dépeint dans ce film un personnage fuyant dont le spectateur est invité a percer les secrets.

Scénario : (2 commentaires)
une série Z dramatique de Clement Bates

Erik Buchanan

Logan Mandown
Musique par Wolfgang Blakstad
Sorti le 25 mai 2024 (Semaine 1012)
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