Un film de la Cousins Movie Company  

Avec Nathan Brook, Emo Bill Margaret Wildbitch et Victoria Yang dans le rôle de Maria.  

Musique de Jackson Chatwood.  

Durée : 2h44  

Dans un futur proche.  

- TÉLÉVISION -  

« - Que pensez-vous de l’émission Restricted Area ?  

- J’ai découvert récemment ce jeu. Je trouve ça profondément malsain. Le fait que les cobayes soient filmés sans cesse. Je pense qu’il faudrait arrêter ce carnage à tout prix car il nous met tous en danger. On est de retour à l’antiquité ou quoi ?! »  

- Monsieur s’il vous plait ! Que pensez-vous de Restricted Area ?  

- J’ai suivi l’émission depuis qu’elle a commencé. Je suis complètement fasciné, j’adore ! »  

Merci. Notre émission choc continue.  

Nous retrouvons maintenant Jeremy Porgram (Nathan Brook) en direct de notre plateau télé.  

- Dans une société qui virtualise tout et même la mort, RESTRICTED AREA a renversé la tendance en créant une télé-réalité choc. Mr Porgram, vous êtes le créateur et directeur de Restricted. Comment répondez-vous aux accusations menées par les syndicats à l’encontre de votre jeu télévisé ?  

- Premièrement, Sophie, je pense que le problème qui se pose est que les gens n’ont plus l’impression qu’il s’agit d’un jeu. A cause certains débordements de violence prétendument dus à l’émission et de l’augmentation du territoire de la Restricted Area, les gens sont scandalisés et terrorisés. Mettons-nous d’accord : il y a malheureusement toujours eu des meurtres.  

Mais pas d’inquiétude : nous avons absolument tout sous contrôle. C’est un jeu ! Les concurrents savent qu’ils jouent et n’oublient jamais que le seul prix à gagner est bien... une somme monumentale d’argent.  

Enfin, sachez que nous avons un accord avec le Gouvernement. Tout ceci est parfaitement légal. Personne ne porte plainte. Ces personnes se sont faites cobayes et ont CHOISI de devenir ainsi pour l’appât du gain, ou bien simplement les sensations incroyables que procure le jeu de la mort. »  

- MONDE EXTÉRIEUR -  

Bob (Emo Bill) éteint son poste de télévision comme pour la dernière fois. Il pose la télécommande et se lève. Il entend sa mère râler en bas, toute seule probablement, comme souvent quand elle regarde les informations. Lentement, il prend son sac à dos, enlève ses feuilles de cours et sa trousse et y dépose une paire de chaussure de rechange, un gros pull, une corde, et il regarde dans son armoire... Et il n’y a pas grand chose qu’il pourrait emmener en plus. Son pull est à son image. Taille 6XL. Survivre va être difficile et il le sait. Il peut bien s’autoriser ce putain de risque, il n’en a plus rien à foutre.  

Sa mère le suppliera de rester. Il ne dira pas un mot. Elle lui demandera des explications. Il ne fera que la regarder dans les yeux, plein d’amertume. Tout ceci n’avait pas de sens de toute façon. Il ne pouvait même pas mettre des mots dessus. Il sortira de chez lui et s’enfonçera dans le noir de la rue déserte.  

- ZONE DE « SUPPRESSION » -  

Des caméras partout. Des agents de sécurité. Une fouille intégrale du corps. Intégrale jusqu’à ton trou du cul. Fouille des affaires. Pas d’objets piquants, uniquement les tissus autorisés. On ne voudrait pas que tu meures à la première nuit trop froide, audimat oblige.  

Une dernière douche. Puis vient l’étape des papiers. Tu signes ici, tu nous donnes ceux-là et on les brûle devant tes yeux. Ton identité.  

Welcome in Restricted Area.  

A l’intérieur de ces barbelés électrifiés, il n’y a pas de règles. Pas de loi. Pas de morale. Rien que des hommes. Les gagnants seront les survivants.  

Bob Kierzek n’est plus Bob Kierzek. Il est... ce truc aux tibias pliés sous les kilos. Il se rhabille et s’apprête à passer la dernière porte : l’entrée dans l’Area. Il n’a plus le choix. Son cœur bat la chamade. Il transpire déjà. Il pourrait être mort dans 10 secondes. Une bande de sauvages affamés l’attendent pour le bouffer, c’est sûr.  

Le noir. La porte se referme. Bob écarquille les yeux, son cœur s’arrête littéralement de battre. Il sursaute quand la lumière s’allume. Il est dans un bureau démentiellement luxueux. Des dorures partout, des fauteuils Louis XV. Et derrière l’immense bureau, un homme assis qui le regarde, les mains croisées.  

« Je suis Jeremy Porgram, le directeur de l’émission. Vous êtes sur mon territoire et vous venez de devenir ma propriété, comme le papier signé de votre propre main devant témoin l’indique. Indirectement. Sacrés avocats...  

Si vous êtes venu ici c’est que vous êtes au dessus de toute cette merde, n’est-ce pas ?  

Mais vous ne savez pas où vous avez mis les pieds. Ce n’est pas ce que vous croyez. Personne ne touchera d’argent à la fin. Les gagnants ne seront pas ceux qu’on croit. »  

Mr Porgram fait un dernier sourire à Bob avant que ce dernier ne s’évanouisse sous le choc de la matraque contre sa tête.  

- INTÉRIEUR DE LA RESTRICTED AREA -  

Noir. Puis soudain le réveil douloureux. Au milieu de la forêt. Il se lève et crie de rage contre lui même en se rappelant le discours du « directeur » derrière son beau bureau. Il lève la tête et aperçoit un petit avion téléguidé qui lui tourne autour. Une caméra sûrement.  

Bob est essouflé d’énervement. Il regarde autour de lui. Rien ni personne. Où est-il ?  

Un bruit derrière lui, il a à peine le temps de se retourner qu’un homme s’est jeté sur lui avec une pierre. Il veut le frapper sur le crâne mais Bob pare le coup avec son bras et reçoit la pierre sur l’épaule. Ils roulent tous les deux par terre. Mauvaise chute, surtout pour l’autre. Il ne bouge plus. Fait-il semblant ? Bob attrape la pierre qui est dans le poing de son assaillant et le frappe avec sur le crâne plusieurs fois. Du sang gicle. Le crâne se brise. C’est fini.  

Bob s’assoit et regarde. Puis il se retourne. Ce n’était que le premier. Il est en sueur, son épaule saigne mais il ne sent rien. Il fouille le cadavre, rien d’intéressant. Il se relève. Au dessus de sa tête, la caméra tourne toujours. Cette scène vient sûrement d’être vue par des millions de téléspectateurs. Mais il s’en fout. Il récupère son sac et se met à marcher vers la lumière, la lisière de la forêt.  

- 18 MOIS PLUS TARD  

EXTERIEUR DE LA RESTRICTED AREA -  

« Qu’est-ce que c’est que cette merde !? » gueule la Présidente des Etats-Unis Margaret Goodwan (Margaret Wildbitch) à son Premier Ministre devant le dossier de la Restricted Area. Deux années de diffusion et l’émission n’a toujours pas désigné de gagnant. La population s’agite. On parle de nouveaux camps de concentration organisés par le gourvernement. Des centaines de zones dans tout le pays sont devenues incontrôlables, on assiste à un récrudescence de meurtres gratuits parfois même visionnables sur internet. Dans les quartiers pauvres, on voit des tags énormes « ICI, Restricted Area », et de nombreuses affiches placardées. La police lutte pour regagner son droit. Les gangs ne se laissent pas faire. Certaines personnes n’obéissent plus à aucune hiérarchie, malgré les emprisonnements nombreux. Les médias indépendants s’emparent de l’affaire. L’événement de l’émission est devenu mondial.  

C’en est trop. Un mandat d’arrestation a été lancé contre Jeremy Porgram. Ce dernier fait le mort, la police ne peut pas mettre la main dessus. « Nous allons employer la méthode forte, nous le trouverons, l’arrêterons et il répondra du bordel qu’il a créé ». Tels furent les mots de la première femme Présidente des Etats Unis. Elle était apparemment très énervée à la télévision.  

- INTÉRIEUR DE LA RESTRICTED AREA -  

Bob est devenu une masse musculaire impressionnante. Sa graisse a fondu. Plusieurs avions caméra volent autour de lui sans cesse. Peut-être est-il une star à l’extérieur, dans la vraie vie. Il veut retrouver les barbelés, s’adresser à quelqu’un qui possède une identité. Demander de porter plainte. Que cette mascarade s’arrête.  

Il a oublié combien d’assaillants il a tué. Toujours pour se défendre, ou alors pour de la nourriture. Et jamais de cannibalisme, pas comme certains qu’il a pu croiser. Le fait que tout ceci soit filmé le révolte profondément.  

Bob est au sommet d’un petite falaise. Il regarde la nature environnante. Il repère en bas un chasseur qui suit à distance une proie. Il a l’air indépendant, pas d’autre homme avec lui. Le chasseur se lève, bande un arc et tir une flèche qui abat la bête d’un coup. Magnifique tir. Bob fronce les sourcils. C’est un ennemi de qualité. L’homme récupère la proie, la met sur son dos et s’enfonce dans la forêt avec.  

Bob le suit instinctivement. Comportement louche. Le chasseur arrive à hauteur d’un autre chasseur qui semble garder une zone. Ils échangent quelques mots puis se tournent et s’en vont. C’est la première fois que Bob voit deux humains faire autre chose que s’entretuer depuis qu’il est ici. Pourtant ces deux sont bien des joueurs de la Restricted, ils ont l’air complètement sauvages. Un instant de réflexion : Bob écoute le silence autour de lui. Il se rend compte qu’il n’y a aucune caméra volante dans les parages. Il n’a pas entendu ce calme depuis longtemps... Il ferme les yeux.  

Quand il les ouvre, il a un arc bandé devant la gueule. La flèche tremble sous la pression. Un geste et il est mort.  

Bob se fige.  

« Bob ! Je t’attendais. »  

Son prénom presque oublié lui glace le sang.  

La voix est celle de Maria (Victoria Yang). L’arc avec la flèche au bout sont aussi à elle. Bob lève les yeux. Il a devant lui une femme asiatique à l’allure magnifique d’une lionne élancée.  

- AU MÊME INSTANT  

EXTÉRIEUR DE LA RESTRICTED AREA -  

La troupe de commandos d’élite SWAT s’arrête à deux rues de la propriété de Jeremy Porgram. Ils sortent de leur fourgon blindé. Ce sont des militaires suréquipés. Ils traversent quelques jardins suréquipés en piscines et énormes barbecues. Les petits drapeaux américains sur leurs épaules rassurent les quelques mangeurs de saucisses troublés. Puis ils arrivent devant une énorme maison.  

« Cet enculé est un bel hypocrite, regardez-moi cette bicoque. » chuchote le chef d’escouade à son équipe. « C’est parti ».  

Ils explosent la porte d’entrée et pénètrent sans toquer.  

- AU MÊME INSTANT  

INTÉRIEUR DE LA RESTRICTED AREA -  

Bob est debout, dépouillé. Autour de lui se trouvent deux dizaines d’hommes et de femmes sauvages. Ils le fixent. Maria est à l’intérieur du cercle avec lui.  

« - Je te présente les hommes libres.  

- Vous êtes esclaves.  

- Tu es toujours sous le choc. Tu as vaincu beaucoup d’autres concurrents pour arriver jusqu’ici. J’admire ton courage. Tu peux faire partie de notre peuple maintenant.  

Pense à ta vie d’avant. Tu veux sortir d’ici ?  

Nous ne t’imposons rien. Tourne le dos et deviens ce qu’il te plaira. »  

Bob soupire.  

« Le monde extérieur n’a pas changé. Peu importe ce que je suis devenu à l’intérieur de cette prison. Ils m’ont tué ! »  

Maria sourit.  

« Ils t’ont donné la vie.  

Regarde l’homme que tu es devenu. Ose prétendre que tu regrettes. »  

Bob ne répond rien. Un portable sonne. Maria décroche. Bob n’en croit pas ses yeux. Un portable ! Où est-il ?? « Qu’est-ce que c’est que cette merde ?? » Les autres sauvages ne bougent pas d’un poil, comme s’ils savaient tous quelque chose.  

Maria raccroche. Ses gestes sont lents, cérémonieux. Elle s’adresse maintenant à tout le monde :  

« C’est maintenant. »  

Les centaines de villageois se mettent spontanément en marche vers le soleil. C’est l’aube. Bob reste sur place. Les autres ne font plus attention à lui. Ils lui ont laissé ses armes. Maria le prend par la main. Il marche avec elle.  

« Je veux sortir » dit Bob d’une voix d’enfant.  

Maria reste silencieuse et suit les villageois. Ils arrivent à hauteur des barbelés. Bob n’en croit pas ses yeux. A l’extérieur, quelques voitures de police surveillent la zone.  

Les policiers charrient :  

« Alors les singes ! On vient voir le monde civilisé ? »  

Un vrombissement se fait entendre. Toutes les caméras volantes de l’émission arrivent dans les airs et se stationnent au dessus des sauvages qui ne bougent pas.  

- AU MÊME INSTANT  

SOUS-SOL CHEZ MR PORGRAM -  

Jeremy entend les commandos en haut qui s’attaquent à la porte blindée de sa cave. Un sourire lui vient sur le visage, il ne peut pas se retenir, il se met à rire. Un rire libérateur.  

Sur ses autres écrans, les news 24/7 titrent :  

LES QUARTIERS DÉFAVORISÉS AU BORD DE LA RÉVOLTE  

CHICAGO ET DÉTROIT AUX MAINS DES SANS LOIS  

LA POLICE PERD DU CHAMP D’ACTION  

Il ne manque plus que la goûte d’eau. Jeremy tressaille. Il va diffuser toutes ces images en direct ainsi que toutes celles qu’il a cachées depuis le début. Il appuie sur un bouton.  

La grande porte barbelée de la Restricted Area s’ouvre pour la première fois. Les guerriers de la Restricted s’y ruent. Les policiers sont tous abattus d’une flèche chacun avant même de pouvoir faire un geste. Leurs armes et véhicules sont récupérés par les sauvages et ils continuent leurs marche.  

Bob les suit. Il est obsédé par l’image de Porgram, il va le retrouver et lui faire bouffer ses chaises Louis XV. Maria tourne le dos et retourne dans la forêt.  

Jeremy veut prendre son portable mais une main le saisit et le plaque au sol. Il est emmené par les SWAT. Il n’aura pas pu voir une dernière fois son fond d’écran : le visage de son fils de trois mois, né sans date de naissance, sans infirmière, sans nom officiel, sans numéro de sécurité sociale. Avec son joli petit nez, son teint bronzé et ses yeux bridés qu'il adore.  

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