P'tain, c'qui fait peine à voir cette ancienne vedette du grand écran à descendre cul sec d’la bibine avachi sur un comptoir crado d’un PMU de Gérardmerveille. Entre deux rots bien sonores, il titille son verre jusqu’à la mousse puis à peine l’temps de r’prendre son souffle qu’le serveur lui ramène sa dose.  

Son nom ? Thomas Renard dit El Gringo The Magnifique (Big Barracuda), l’acteur incontournable des westerns et des comédies lourdingues des années 1990. Aujourd’hui, c’est plus vraiment l’ombre de lui-même car franchement dans un miroir on l’reconnaîtrait pas. Avec sa bedaine, ses 110 kilos, sa barbe à la va-y-moi que j’t’pousse, l’homme s’assomme à grand coup d’lampée pour n’plus penser à cette belle époque d’la gloriole. Lorsque cigare au bec, moule-bite et pectoraux en avant, El Gringo The Magnifique matait les poulettes en bikini dans la piscine d’un mafieux quelconque avec Samantha Kiss (Lucille AuxDeuxMelons) sur ses g’noux. Ah ! Samantha ! El Gringo s’l’imagine toujours cheveux au vent, roploplos s’couées, sur une Harley Davidson, dans Bons Kiss Pour El Gringo ! , un film bien naze de 1991.  

Bref, El Gringo The Magnifique engloutit sa cinquantième bière d’la matinée quand il fut s’coué grave, manquant d’s’ramasser sur le plancher couvert d’poussière, de mégots et d’crachats. Quand il retrouve l’équilibre, c’est une sorte de nimbus à la drôle de tignasse dans un fauteuil roulant qui l’regarde en souriant ! Plutôt qu’de dégobiller tout son saoul, El Gringo éclate d’rire !  

A sa cinquante deuxième bière, il savait son nom : Raoul Petite (Emo Bill). A sa soixantième bière, il le consola car El Gringo avait un grand cœur et qu’ça l’faisait toujours chialer ces histoires d’amour impossible. A sa soixante-cinquième bière, Raoul crachat sa valda : il était grave dinguo de Framboise (Myrtille Lèche), la fille du concierge de l’immeuble qu’était devenue une actrice à la mode. A sa soixante-dixième bière, El Gringo tapa du poing sur l’comptoir !  

Gonflé de folles espérances, aveuglé par la bibine et la détresse humaine, El Gringo s’lance dans une longue tirade, un peu comme dans son plus beau succès, El Gringo sauve la veuve et l’orphelin contre les salauds ! :  

- Faut arrêter d’faire l’Caliméro mon Raoul ! Est-ce qu’j’m’apitoie sur mon sort moi ! Bordel d’pine d’ours, c’est qu’on va aller la chercher cette Framboise ! J’suis sûr qu’elle est ke-blo d’toi ! Et puis on ira retrouver ma Samantha ! Si on doit foutre des mandales, j’serais là ! J’ai rien perdu d’ma superbe ! Et puis on s’cassera aux States, on fera la Road 66 avec ma Harley ! J’t’dis qu’ça…  

Dans les rues de Gérardmerveille, un drôle de duo dévale à donf’ les trottoirs : un nain à la coupe punk et au sourire imbécile tenant un pack de Kro sur ses g’noux dans un fauteuil roulant poussé par une sorte d’poivrot, poitrail ouvert et gueulant comme un dératé…  

At the crossroads of highways