- La playlist à écouter durant la lecture -  

1. http://www.youtube.com/watch?v=KQxcwf7SxNk&feature=relmfu  

2. http://www.youtube.com/watch?v=YM5tdEzTAhM  

«Je crois que c'est par là»  

Suivant la voix, la voiture quitte la route sur la droite pour s'engouffrer dans un petit chemin de terre, malmenée par les bosses et les caillous proéminents. C'était pour Thérèse (Jewel Kater) un décor féérique, s'engouffrant entre les conifères gigantesques de ce bois puis donnant de temps à autre des vues imprenables sur de grands gouffres aux abords du chemin. Mais Jacques (Damian Bernstein) conduisait la citroën avec maitrise malgré sa nervosité visible. Il en avait marre de conduire et lui n'appréciait vraiment pas autant que sa femme les paysages montagneux du Vercors. S'isoler de tout dans un petit gîte perdu au bord d'un gouffre, c'était pas son idée.  

«La voilà, regarde comme c'est beau!»  

Le bois se dissipa, dévoilant un espace vert spectaculaire avec une petite maisonnette perchée sur le haut d'une colline. De là, on percevait dans le fond sur une vue imprenable d'une des gorges du Vercors, comme si le gîte était compressé entre ces deux géants flans de montagnes. En s'approchant, on découvrait de plus en plus la majestuosité de l'endroit et cette fausse colline sur laquelle était située la construction. Une colline dont tout un flan s'était sûrement détâché il y a des siècles et qui offrait une falaise de soixante mètres de haut.  

Du vertige à l'état pur pour Jacques, un sentiment de liberté pour Thérèse. Il se disait qu'au moins avec ça elle ne le ferait plus chier pendant quelques semaines. C'était ça son bonheur.  

Sur un panneau en bois branlant était indiqué le nom du gîte «Littlemaze». Il y avait déjà deux autres voitures stationnées non loin de là. Certainement celle des propriétaires et celle de l'autre locataire. Jacques n'était pas parvenu à réserver le gîte exclusivement pour eux, il faisait aussi chambre d'hôte et l'une des chambres était occupée ce week end là. Sûrement un autre amoureux de la nature.  

Thérèse trépignait devant le portique, toute excitée, et elle ne manquait pas de le dire à Jacques dont l'ennui était alarmant. Elle frappa à la porte avec le poing en fer forgé qui était installée sur le bois massif du portique. S'en suivit à l'oreille les pas trépignant d'une petite dame qui ouvrit la porte. Elle les regardait comme un fantôme, complètement vide et resta ainsi silencieuse durant des secondes qui semblèrent durer une éternité tant le malaise en fut surprenant. C'est Thérèse qui prit les devants, tendant la main et parlant avec ce ton faussement joyeux que Jacques lui connaissait bien.  

«Bonjour, vous devez être madame Duprieux, la propriétaire du gîte? Nous sommes les Durands, vos locataires pour le week end!»  

Un autre instant de calme, apparamment la femme était très lente à la détente, elle déposa ses yeux sur la main et la serra pour répondre d'un ton monotone et lent.  

«Oh... oui... soyez les bienvenus. Je vous en prie. C'est un plaisir. Je suis ravie.»  

Elle n'avait pas esquissé le moindre sourire ni la moindre émotion, mais elle les guida dans la petite maison en indiquant la porte de la chambre où elle dormait avec son mari (Olav Dankworth) dont le visage enflé et les lèvres pulpeuses rappellaient des origines slaves. Puis elle passa à côté de la chambre d'hôte entrouverte dans laquelle Jacques ne put s'empêcher de jeter un regard. Il y entrevit un homme basané (Weston Erotas) qui s'adonnait apparemment à une passion pour les poupées de chiffon, c'est du moins le peu qu'il aperçut par l'entrebaillement, mais il devait continuer la visite avec la propriétaire qui leur montrait enfin tout l'espace qui leur était réservé. Ce n'était pas très grand, mais il y avait ce qu'il faut.  

«Si vous avez besoin d'aide... N'hésitez pas à nous en faire part, bien sûr.» ponctua la propriétaire avant de s'en aller de ses petits pas lents et pesants. Thérèse lui demanda alors si elle pouvait demander à son mari de les aider pour sortir les bagages de la voiture, quand madame Duprieux se retourna et la contempla de son regard vide, Jacques se contenta d'un «Non, ce n'est pas grave on s'en chargera...!»  

Il laissa alors Thérèse seule dans la cuisine tandis qu'il sortait de la maison pour prendre les quelques bagages dans la voiture. Et tout en revenant dans la petite maisonnette, c'est la propriétaire qui l'attendait derrière la porte fixement. Pris d'un sursaut, il en lâcha une valise.  

«Pardonnez-moi, vous m'avez surpris...! Vous avez oublié de nous dire quelque chose madame Duprieux?»  

Elle entrouvrit sa bouche, toujours aussi lente et les yeux écarquillés pour lui dire quelque chose. Instinctivement il hochait la tête, se disant que ce n'était pas bien grave jusqu'à réaliser ce qu'elle disait.  

«Oui... Mon mari vient à l'instant de mourir... Sa tête a été découpée... Pourriez-vous m'aider à la retrouver?»  

Frisson glaçant dans tous le corps, Jacques fut pris d'une grande panique et dégagea de la main la propriétaire, hurlant à Thérèse de revenir immédiatement. Il sortit son téléphone portable pour apeller les secours, mais il n'y avait pas de réseaux.  

Alors il se précipita vers la porte pour sortir, mais la propriétaire venait apparemment de la refermer à clé, n'offrant comme porte de sortie que la partie vitrée exposée plein sud... tout droit vers la falaise.  

«Vous ne sortirez pas... Pas avant de savoir qui a fait ça... Il faudra nettoyer vous savez... C'est le cinquième en trois mois!» continuait la propriétaire. Jacques ne put qu'hurler de terreur tandis que Thérèse débarquait, découvrant de son point de vue le cadavre gisant du slave faisant office de mari sans tête. Ses mains se portant au visage et hurlant de concert avec Jacques.  

La propriétaire, elle, ne changeait pas de ton et ponctuait chaque élément d'une longue respiration avant de leur dire finalement:  

«Oh... et bienvenue à Littlemaze...!»