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Well Walling Production présente
Quand revient l'été

 

Un scénario de Sonia Loïs, avec :  

- Dick Revolutionnary : Thomas  

- Alyssa Goodwin : Printemps  

- Jackson Horowitz : Noé  

- Iris Levay : Lucia  

 

 

 

Depuis son divorce, six ans plus tôt, Thomas n’était plus que l’ombre de l’homme qu’il avait été auparavant.  

Par exemple, il n’avait connu aucune autre femme depuis que Lucia était partie. Il ne voulait plus de femme ; il avait, selon lui, passé l’âge de se reconstruire une vie. Et de toute façon, aucune femme n’aurait voulu d’une épave en perdition comme lui.  

Bientôt la quarantaine, le front dégarni, l’air fatigué, un travail prenant et une vie complètement vide, il n’avait rien pour charmer. De plus, Noé, son petit garçon de huit ans, qui occupait son appartement un week-end sur deux, était en général une contrainte qui refroidissait toute tentative de séduction. C’est qu’il l’aimait, son Noé. Même si à chaque fois qu’il devait se séparer de lui, il était obligé de revoir Lucia et son nouvel époux. Mais ainsi allait la vie.  

 

Thomas jeta un œil à sa montre. Vingt-deux heures largement passées. Et dire qu’il sortait à peine du travail et que le prochain train de banlieue ne passait que dans un quart d’heure… Sans compter le trajet en train, puis à pieds, qu’il avait à faire avant de rentrer chez lui. Il soupira, fatigué. Au moins, personne ne lui reprocherait de rentrer tard : c’était un des plus grands avantages de sa vie de célibataire.  

De toute façon, il était mieux dehors – même si « dehors » signifiait souvent « au bureau », dans son cas – que chez lui, seul, à tourner inlassablement en rond.  

Ils n’étaient plus très nombreux à attendre le train, à cette heure-ci de la soirée. Une poignée d’autres gens étaient sur le quai avec lui, certains conversant à voix basse, les autres regardant simplement le panneau des horaires en soupirant parce que les minutes passaient visiblement trop lentement. Et enfin, près de Thomas, il y avait une femme.  

Un spécimen féminin pour le moins singulier, puisqu’elle portait une robe blanche en coton malgré la fraicheur de la nuit. Le mois de mars commençait à peine. Et ses pieds étaient nus. Sa chevelure mi-longue avait l’éclat du blé sous un soleil d’été. Ses lèvres étaient maquillées de rouge, mais mis à part ce détail, elle semblait extrêmement naturelle.  

L’homme se rinçait l’œil sans même se mentir à lui-même. Ben quoi ? Ne pas vouloir se reconstruire une vie de couple n’allait quand même pas le transformer en saint. Il n’était qu’un homme, et vue de dos, la demoiselle attirait sacrément le regard. Quand elle remarqua que Thomas la fixait, elle se retourna vers lui, le dévisagea et lui sourit. Mêlant politesse et gêne, l’homme lui retourna un sourire, honteux d’avoir été surpris en flagrant délit de reluquage.  

La fille s’approcha de lui, la démarche légère, presque aérienne, sa robe soulevée par un courant d’air perfide. Perfide et chanceux souffle de vent.  

« Euh… Je peux vous aider ? » Proposa Thomas, un peu désarçonné.  

Sa voix résonna sur le quai de manière très désagréable, comme si la réalité percutait un espace vierge où le temps était suspendu. Sans rien dire, la femme posa un doigt sur ses propres lèvres et un sourire éclot. Cueillant ce sourire, elle posa ensuite son doigt sur la bouche de Thomas, qui se sentit sourire malgré lui. Pourquoi diable ce sourire ? La fille était probablement une catin qui cherchait son dernier client de la journée et lui, il passait seulement pour le dernier des imbéciles.  

« Je suis le printemps » avoua-t-elle.  

« Joli prénom… »  

Pile poil un nom de catin, se confirma-t-il.  

« Ce n’est pas mon prénom. C’est mon métier. »  

Était-ce seulement différent ? Pour prouver ses dires, elle approcha sa main fermée de ses lèvres et souffla dessus. Du contact entre l’air et la chair naquit un nuage de pétales variés et frais, qui tomba gracieusement aux pieds d’un Thomas perplexe. Quand elle se mit à rire de son étonnement, un vent chaud et parfumé balaya doucement le quai. Et enfin, quand elle bougea la main, une étrange expression de plénitude passa sur le visage de chaque personne présente autour d’eux. Pourtant, seul Thomas semblait se rendre compte de cette étrange apparition. Le printemps, le vrai printemps. La saison, pas une putain.  

« Vous me croyez ? » dit Printemps. « Je suis celle qui chasse l’hiver. L’herbe tendre pousse sous mes pas, les bourgeons et les fleurs naissent sous mon regard. Ma voix adoucit l’air et mes lèvres appellent le soleil. Quand je joue de la harpe et que je me sens mélancolique, la pluie tombe sur la terre en fines gouttes de verre. Mais quand je me mets en colère, je suis aussi sèche et chaude que ma sœur, l’été, qui porte les orages. »  

Thomas se sentit soudainement triste et fatigué. Son train arriva juste à temps pour que ses pensées ne deviennent pas trop noires.  

« Je m’en vais. Au plaisir de vous avoir rencontrée. »  

« J’espère que nous nous reverrons. »  

Il se rendit compte qu’en effet, il l’espérait également. Quelque chose d’étrange pinçait son cœur. Ou serrait son ventre. L’homme aurait préféré qu’il s’agisse d’une diarrhée plutôt que d’un coup de cœur, mais son transit allait malheureusement trop bien pour que son palpitant soit indemne.  

« Et moi, j’espère qu’on ne se reverra jamais. »  

 

Si elle prit le train, elle monta dans un compartiment éloigné du sien – Dieu en soit remercié. Des mauvaises soirées, Thomas en avait connu plus d’une, mais celle-ci fut tout de même particulièrement pénible. Il n’avait pas eu d’appétit, il ne put pas s’empêcher de penser à la jeune femme – qui ne devait pourtant pas être si jeune si elle était une des immortelles saisons – et le sommeil prit un malin plaisir à l’ignorer.  

Pourquoi avait-il fallut qu’il arrive quelque chose d’aussi insensé ? Avait-il perdu la tête pour s’imaginer que des saisons – des saisons ! Avait-on déjà vu plus impossible ? – venaient lui parler sur le quai du train de banlieue ? Mais non, il avait vraiment retrouvé des pétales dans ses cheveux et dans un pli de chemise et il avait encore la sensation du doigt de Printemps sur ses lèvres. Son doigt à elle, si long, fin et parfait, sur ses lèvres de quadragénaire, fades et insipides.  

S’il ne délirait pas, alors pourquoi le printemps était venu lui parler à lui ? Pourquoi le printemps ? Son cœur et son âme étaient en jachère depuis bien trop longtemps pour avoir droit à ce genre de visites. Si encore c’était l’hiver qui était venu le voir, ils auraient bel et bien eu des choses à se dire. Même si une partie sentimentale de son être désirait ardemment revoir cette femme, la grande partie rationnelle de lui-même décida que s’il la revoyait, il la chasserait avant qu’elle ne le fasse souffrir.  

 

Pourtant, quand ils se revirent, il ne réussit jamais à la chasser...  

Scénario : (3 commentaires)
une série B sentimentale (Fantastique) de Rhia Darxley

Dick Revolutionnary

Alyssa Goodwin

Jackson Horowitz

Iris Levay
Musique par Kristen Rosenmeyer
Sorti le 31 octobre 2020 (Semaine 826)
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