Projet lancé dans le cadre du concours "Crossover".  

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Le nez dans son assiette, Simon [Charles Lathan] ose à peine regarder sa femme Lucie [Lydia Hansart], et leurs 2 enfants Margot [Lisa Gould] et Johan [Ivan Glau].  

Déjà 3 semaines qu'il leur ment, tout ça par manque de courage, par lâcheté. Il n'a pas encore osé leur avouer qu'il avait perdu son boulot, licencié comme un malpropre après tant d'années de dévotion et d'énergie dépensées pour la compagnie. Tout cela lui a paru tellement injuste qu'il n'a pas réussi à l'annoncer à sa famille.  

Et chose vraiment étrange qu'il ne comprend même pas lui même, il a commencé à faire semblant.  

Vous êtes marrants, il en faut du courage pour se lever tous les matins à 6 heures, enfiler son costume, nouer sa cravate, et partir en direction du bureau comme si de rien n'était!  

Et il en a passé des heures assis au fond du petit bar faisant face à la compagnie, à siroter cafés sur cafés, à se demander comment il allait pouvoir se tirer de ce mauvais pas et annoncer ça à sa famille. Comment il allait continuer à payer les factures avant que les huissiers ne les jettent tous les quatre à la rue, alors que l'hiver glacial battait son plein.  

Il a déjà discrètement vendu sa montre, que son grand-père lui avait offert pour ses 10 ans, et diverses babioles, mais combien de temps va t-il pouvoir tenir à ce rythme là?  

Enfin, une petite lueur lui est apparue il y a quelques jours. La preuve que même au fond du trou, il faut toujours garder espoir.  

Un concours.  

Le concours de sculptures sur glace de cette bonne vieille ville de Gerardmerveille! Avec à la clé un prix de 100 000$.  

Avec une telle somme, il pourrait se renflouer sans être obligé d'avouer quoi que ce soit à Lucie et aux enfants. Et après cela, il pourrait toujours dire qu'il démissionne, la somme importante lui permettant de faire la jonction entre les 2 jobs.  

Mais bon, il lui faut gagner à tout prix.  

Simon a quelques prédispositions artistiques, gagner est dans ses cordes, mais ça n'est pas suffisant, il faut travailler.  

Il a commencé par faire quelques croquis pour trouver l'idée qui allait faire mouche, et une fois celle-çi trouvée, un magnifique archer perché sur un aigle, il s'est mis en quête d'un endroit discret pour s'entrainer.  

Il a rapidement trouvé un endroit reculé un peu à l'écart de la ville avec suffisamment de neige pour s'exercer autant qu'il veut.  

Et depuis, le temps passe beaucoup plus vite. Le matin, au lieu de rejoindre son petit bar, il fait quelques kilomètres à pied dans le froid glacial, toujours en costume cravate, avec dans sa valise plusieurs paires de chaussettes, des gants bien chauds, et tous les outils nécessaires pour tailler, sculpter et polir la glace, afin de réaliser l'oeuvre qui lui permettra de relever la tête.  

«Papa, on s'est inscrit au concours de sculpture sur glace qui a lieu dans une semaine, tu devrais t'inscrire aussi, quand on voit les bonhommes de neige que tu nous as fait l'année dernière, c'est sûr que tu gagnerais le premier prix!»  

Simon lève la tête de son assiette et regarde sa fille Margot en souriant. «Tiens pourquoi pas! Ça pourrait être amusant!»  

Si elle savait...  

Voilà, malheureusement le grand jour est arrivé.  

Malheureusement, parce que lorsqu'il regarde ce que sont en train de préparer les différents concurrents, Simon se dit que c'est foutu, jamais il n'aura le prix.  

Il déambule dans l'allée où sont alignées les oeuvres en compétition. Les différents concurrents sont juchés sur des échelles, à plat ventre sur le sol gelé, dans les positions les plus inconfortables pour réussir leur sculpture.  

Et tout le gratin Gerardmerveilleux est là!  

On peut admirer le magnifique cow-boy sur son cheval en train d'être sculpté d'après des dessins d'époque par un Gérard Cousin très concentré.  

La jolie Lou Pei Wong réalise quant à elle un bolide très réaliste tiré de son fameux « Beyond the limit «. A côté d'elle sa talentueuse amie Badin, emmitouflée dans un gros anorak sculpte un somptueux dragon crachant les flammes de l'enfer.  

Simon s'arrête un moment au milieu de l'allée, car entre une chasseuse de vampires perchée sur une moto plus vraie que nature fignolée par Nikolas Morcar, un groupe de poupées maléfiques ciselées avec précision par Misterdada et, trônant en bout d'allée tel le maître des lieux, un lion majestueux auquel on croirait que Ari Golan a réellement donné vie, il se dit qu'avec son archer, il a bien peu de chances de voir la couleur des 100 000$.  

Il va s'asseoir contre un arbre, complètement démoralisé, c'en est pas encore fini, mais c'est presque le cas, sa chance de remporter le concours est minime.  

Un peu plus loin, ses enfants s'affairent sur leur sculpture. Pas si mal, ils sont en train de réaliser un bloc ovale, apparemment un oeuf, ça n'est pas trop compliqué, mais sa forme est parfaitement proportionnée, il vont décrocher le «prix des enfants» avec ça.  

Il a vraiment failli à son devoir de père, une larme perle au coin de son oeil.  

Le lendemain matin, main dans les poches, non pas par froid mais plus par dépit, Simon rejoint le parc où sont exposées les sculptures. Dans quelques minutes, les juges vont passer commencer les inspections. Bien qu'enfoncées profondément dans ses poches, ses mains tremblent. Non content de s'être mis dans une situation compliquée, il a hier soir perdu un peu de son âme. La nuit venue, il s'est glissé dans le parc, à allumé quelques radiateurs extérieurs destinés à réchauffer les concurrents, et les a tourné vers les sculptures qui avaient le plus de chances de remporter le prix.  

En plus d'être un looser c'est un tricheur!  

Mais bon, il est obligé d'être présent sur les lieux, sinon cela signerait son méfait.  

Il passe la grande grille du parc, et là il a beau regarder de tous côtés, toutes les statues sont indemnes!  

Il passe devant le jury et entend «C'est grave, heureusement que Marcel à fait des rondes régulières, un sagouin avait allumé les chauffages!»  

Simon baisse la tête et continue son chemin.  

Une fois sur place, il détaille une dernière fois sa statue de glace, tiens, il y a un petit endroit où la glace n'est pas parfaitement lisse. Il saisit son burin et donne un petit coup sur la sculpture, et là, horreur, le bras de son archer tombe en morceau. Foutu, sa sculpture est foutue, et le concours par la même occasion.  

Il baisse les bras.  

Il rejoint ses enfants, au moins près d'eux il trouvera un peu de réconfort.  

Arrivé à leur niveau, il s'aperçoit que les juges sont déjà au travail. Ils inspectent l'oeuf de Margot et Johan. Un des juges lance un regard admiratif vers un de ses collègues, les gamins ont fait du bon boulot. C'est un oeuf de Pâques, aux proportions parfaites, et dont la surface est recouverte de striures très régulières.  

Simon est à présent au niveau du petit groupe.  

«Bravo les enfants, un très joli travail très réussi!» lance un des juges. Et il commence à faire demi-tour avec ses collègues, vers la prochaine inspection.  

Voilà qui redonne un peu de baume au coeur de Simon, si ses enfants n'ont pas à être fiers de leur père, lui peut être fier de ses enfants.  

Mais Margot s'avance « Attendez!». Les juges s'arrêtent, et Johan sort un petit marteau de la poche de son jean, et très délicatement vient heurter la surface de l'oeuf, qui se brise en d'innombrables morceaux  

Des morceaux de glace qui laissent apparaître la magnifique statue de glace d'une jeune fille élancée avec en son dos, d'élégantes ailes de papillon.  

Ce n'est pas un oeuf mais un cocon que les enfants ont réalisé.  

Les juges n'en croient pas leurs yeux et se mettent à applaudir.