Cinejeu.net : devenez producteur de cinéma ! (jeu en ligne gratuit de simulation économique)

Firewolf Production présente
Le temps nous a manqué

La 406 grise remonta la courte allée de gravier lentement. La pelouse sur le côté était fraichement tondue et les bégonias sur le balcon étaient en fleurs. Le bruit du frein à main fit fuir un des chats de la mère vers la cuisine. Emmanuel sortit de sa voiture. Pantalon repassé, chemise impeccable. Il n’avait pas de cravate, nous étions en week-end. Il récupéra les deux sacs de commissions dans le coffre et alla embrasser sa mère. Du bas de ses quatre-vingts ans passés, elle restait élégante dans la vieillesse. Elle se jouait du temps qui passait sur elle. Elle qui, comme les anciens qui connurent la guerre, mangeait joyeusement pendant les trente glorieuses pesait plus de soixante-quinze kilos dans ses belles années.  

Au fil du temps et des maladies, des cheveux blancs et des verres de lunettes de plus en plus épais, elle ne sortait plus aujourd’hui les jours de mistral, le vent emportait facilement ses quarante cinq kilos. Son cabas était de plus en plus lourd à tirer ses dernières années. Emmanuel lui avait interdit d’aller faire le marché seule. Il s’occuperait des commissions. Mamie ne l’eut pas contrarié à l’annonce de cette nouvelle. Elle avait l’occasion de voir son fils au moins une fois par semaine. Et son petit fils aux cheveux blonds, aussi blonds que le blé avant les moissons, accompagnait souvent son père.  

Emmanuel rangeait les courses dans les placards grinçant tout en racontant les dernières bêtises de son gosse. Mamie devait rire de mes bêtises. Elle ne riait plus beaucoup, déjà essoufflée de respirer, rire aurait été une douleur plus qu’une joie. Ca devait lui manquer.  

Une vieille dame n’a pas beaucoup d’occasion de rire. Ses occupations étaient de rayer de son répertoire jauni les noms des personnes de son entourage récemment décédées. Et Emmanuel de rajouter à chaque annonce funéraire de sa mère « Bof, c’était une vieille folle cette vieille peau ».  

Mamie suivait son fils de pièce en pièce, toujours appuyé à un dossier de chaise, un coin de table, ou la main sur ces vieilles tapisseries représentant des motifs de chasse à cours. Puis ils s’asseyaient tous les deux autour de la table de la salle à manger.  

Elle en avait vu des repas de famille cette table. Les dimanches étaient toujours trop courts. Les apéritifs qui se transformaient lentement en repas, les desserts qui arrivaient pour le goûter, les digestifs qui devenaient les apéritifs du soir, avant de ressortir les restes du midi pour le souper. Les rires remplissaient toute cette petite maison de banlieue, et la fumée ambiante des dizaines de cigarettes qui avaient emportée Papy cette nuit d’Octobre. Il n’y eut plus de fumée les autres repas. Ca aurait dérangé Papy.  

Emmanuel et sa vieille mère se remémoraient tous les samedis ces repas devant une petite tasse de café.  

Les souvenirs ont quelque chose d’agréable et de déprimant. Des sourires tristes accompagnent souvent ces instants nostalgiques.  

Emmanuel regarde le pendule. Mamie comprend. Les « au revoir » sont brefs comme à chaque semaine. Emmanuel a beaucoup à faire. Il a sa famille, sa maison, son fils.  

La 406 grise fait marche arrière sur les graviers. Mamie fait un signe de la main depuis le perron. Il aurait pu neiger, venter, grêler, elle aurait toujours fait son signe d’au revoir. Comme pour profiter jusqu’au dernières secondes des personnes qu’elle aimait. Et en agitant lentement sa vieille main ridée et osseuse, elle espérait voir son petit fils samedi prochain.  

Emmanuel lança un regard vers sa vieille mère et lui fit un sourire.  

 

La 406 grise remonte lentement l’allée de gravier. Les volets sont tirés. Emmanuel sort de sa voiture et va remplir un petit arrosoir. Puis va abreuver les bégonias. Il jette un œil à ce jardin où il a passé son enfance. A peine quelques minutes plus tard, il remonte dans sa voiture, puis part doucement en marche arrière. Il s’arrête quelques secondes et regarde la porte d’entrée fermée.  

Il repart en direction de l’hôpital. Pour embrasser le front de sa mère. Pour lui tenir la main en lui racontant les dernières bêtises de son petit-fils. Pour se rappeler ses souvenirs que l’on ne veut pas perdre. Surtout pour voir si elle s’était réveillée.  

 

Sa femme aurait pu lui reprocher de ne plus réellement s’occuper de sa petite famille. Son directeur d’agence ne se privait pas de lui jeter au visage l’évolution négative de son chiffre d’affaires. De tous ses amis, un seul l’appelait tout les deux jours pour prendre des nouvelles de sa mère. On ne compte les amis au cours de sa vie que sur les doigts d’une seule main.  

 

Emmanuel pouvait se venter de n’avoir fait que de bons choix durant toute sa vie. Mais ce jeudi soir était une exception.  

 

Au chevet de sa mère mourante, le professeur ès quelconque domaine médical était venu le voir pour lui poser une question. Il était fils unique. Il savait sa mère contre l’acharnement thérapeutique.  

Il était persuadé que quelque soit son choix, cela ne serait pas le bon.  

 

 

 

On dit « Je t’aime » bien souvent trop tard  

Scénario : (2 commentaires)
une série B dramatique de Manisha Tagore

Denny Baxter

Eleanor Rasberry

Richard Neil

Jenny Connelly
Musique par Tracy Tasz
Sorti le 17 mai 2019 (Semaine 750)
Entrées : 21 485 529
url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=15393