Les mains enfoncés derrière le panneau de contrôle B-22 de la salle des machines, Dylan (Dylan LaSalle) essaye de reconnecter deux systèmes. Ayant les bras légèrement trop courts, il s’appuie encore plus sur la paroi, se faisant mal. Il n’arrive toujours pas à mettre en place le connecteur, pourtant il sait comment le placer mais il n’y arrive pas. Alors il s’énerve, forçant encore plus, il sent que des bleus apparaissent sur son corps maigrichon.  

Normalement c’est à son père de faire ça, putain. Au moment où cette pensée lui traverse l’esprit, la main de Dylan ripe et il s’entaille la paume sur un tuyau du circuit d’impulsion. Fronçant les sourcils, il ravale sa douleur et sort sa main de cette cochonnerie. Un mélange de sang, de graisse et de sueur coule de cette dernière. Il doit aller se soigner sinon ça va s’infecter. Enroulant un vieux chiffon autour de sa blessure, il sort de la salle des machines.  

Désinfectant sa plaie avec le liquide d’une vieille bouteille sans étiquette qu’il a trouvé dans la caisse de premier soin, Dylan sert les dents. Laissant égoutter sa main au-dessus de l’évier, il remue le fond de la caisse avec l’autre pour trouver un fil et une aiguille. Après les avoir trouvé, il remonte son t-shirt en faisant une boule et le met dans sa bouche pour le mordre. Tremblant, il approche doucement l’aiguille de son entaille et commence à se recoudre la main, grimaçant à cause de la douleur.  

Arrivant dans la petite salle de la cantine, Dylan s’approche près de son petit frère Scott (Lawrence Kruger), assied à la table, et lui passe une main dans les cheveux, comme à son habitude. Sauf que cette fois sa main lui fait mal. Scott sort alors la tête de ses exercices de mathématiques que lui avait donné son grand frère ce matin et l’interroge sur le bandage qu’il a à la main. Devant les plaques pour préparer leur ration du soir, Dylan lui dit de ne pas s’inquiéter.  

Après quelque minute de silence, Dylan apporte sur la table une forme de purée rougeâtre, un mélange de poudre de légumes et de protéines synthétiques. Le jeune homme s’installe face à son frère, se frottant les mains en lançant un sourire à son petit frère, il le sert. Le regard plongé tristement dans l’assiette sous son nez, Scott dit qu’il préférait les plats de sa mère. Le sourire de Dylan s’efface et son regard se plonge à son tour dans son assiette.  

Encore les mains tripotant les circuits électroniques pour vérifier que tous est bien raccordé, Dylan est épuisé. Soudain, les lumières de la salle des machines me mettent à scintiller. Les moteurs perdent en puissance. Et aussi rapidement qu’il est apparu, le scintillement s’arrête et les lumières remarchent normalement. Et Dylan est passif au milieu de tout ça, il ne sait plus quoi faire, ces baisses éphémères sont de plus en plus fréquentes. Il avait déjà testé tellement de branchements différents, tellement de dérivations possibles. Mais sans succès. Les larmes lui montent aux yeux, et pour éviter de pleurer, il balance sa clé-laser sur les caisses en face de lui. Les émotions redescendent, Dylan souffle et replonge les mains derrière les parois de la grande salle bruyante.  

Il commence à se faire tard et Dylan, dans les couloirs mal éclairés du vaisseau, s’avance d’un pas lourd. Se tenant la main légèrement noircie, il avance dans ce dédale qu’il connait par cœur pour y avoir vécu depuis sa naissance. C’est ça la vie d’un marchand permanent, « naître, vivre, pleurer et mourir sur son transporteur » comme disait son oncle. Si seulement ils avaient…  

Eblouis par la lumière sortant d’une pièce, Dylan sort de ses pensées et s’arrête. Il a failli rater l’endroit où il voulait aller, perdu dans ses préoccupations. Glissant sa tête dans la chambre de son frère, il sourit en le voyant un livre dans les mains en train de lire. C’était le livre préféré de sa mère, « Zarham, le commerçant ». Alors Dylan se glisse sous les draps au côté de son frère, et prend le relai pour la lecture à voix haute du livre. Après quelques pages, Scott s’endort. Dylan éteint la lumière et s’endort à son tour.  

Réveillé par un quelconque grincement de la coque, Dylan ouvre lentement les yeux, encore fatigué. Se retournant, il s’aperçoit que son petit frère n’est plus là. Paniqué, il saute du lit, enfile un t-shirt et sort de la chambre en criant son prénom. Se ressaisissant, Dylan réfléchi. Il sait où il est. Après deux-trois coursives, Dylan s’engouffre dans la salle de cryostase. Son petit frère est là, devant le tube de stase encore en fonctionnement de leur mère (Priscilla Keith), en larme. Dylan s’approche de lui et le prend dans ses bras. Pendant qu’il le console, il regarde autour de lui, tout l’équipage est là, son père, sa sœur, sa petit-amie (Ruth Vrana), son oncle, sa tata, le grand Roff, et quelque autre.  

Voilà deux mois qu’ils sont seuls sur le vaisseau, deux mois qu’il s’acharne sur chaque parcelle de technologie de son géant de titane, depuis le mystérieux incident dans le système qui a endommagé tout le fonctionnement du vaisseau, les réacteurs, les communications, le système de survie et les cryostases… Dylan ne sait pas pourquoi, mais seulement son petit frère et lui se sont réveillés, les autres sont bloqués, aucun moyen de les sortir. Dylan regarde son petit frère pleurer en déposant sa main sur le verre froid qui le sépare de sa mère. C’est tellement dur pour lui, se dit-il, alors qu’il ne sait pas que dans pas longtemps le système de survie va lâcher une bonne fois pour toute. Et qu’un des derniers espoirs pour gagner quelques semaines est de récupérer l’énergie des cryostases… En les débranchant…