Cinejeu.net : devenez producteur de cinéma ! (jeu en ligne gratuit de simulation économique)

Chpom Entertainment présente
Le Cri du Silence

 

Un film écrit et réalisé par Karl Hayes.  

Renee Tilford  

Bradley Howarth  

Colin Jarred  

Brittani Tager  

 

---  

 

 

Colombe (Renee Tilford) se tient face à la caméra. Son regard est porté vers nous. Derrière elle, un mur vide et peint d’un blanc opaque. Le silence qui régnait sur le générique de début se poursuit. Soudain, elle ouvre la bouche.  

 

« Elle a souffert des années, enduré le célibat, les soirées verre de Vin seule devant American Family. Puis elle a été diplômée, félicitée. Sa mère était rouges de fierté et la seule chose qu’elle pouvait montrer était ses dents brillantes détartrées pour l’occasion. Son père ne vivant qu’à travers son égoïste et frigide femme, ses deux parents décédèrent au même moment : quand le cœur de Madame Dorothée Cassin Ouana, ex médecin spécialisée dans le cancer et mère de la mâte Colombe – c’est elle qui choisi le prénom de sa fille -, s’arrêta de battre pour la seconde fois en 6 mois. Crise cardiaque foudroyante, cette fois-ci.  

 

Le père de Colombe, depuis, ne cessa de faire ses allers retours au cimetière. Comme un rituel qu’il plaçait au dessus de tout. Il laissa la cuisine telle que sa femme l’avait laissé. Les tasses rangées sur leurs soucoupes (en fonction des couleurs). Les assiettes dans le tiroir du bas (c’est plus proche de la table). Les éponges et l’essuie tout au dessus du lavabo, avec le savon de Marseille (c’est plus sain).  

 

Si Colombe a la peau mate, c’est tout simplement parce que son père était black. Elle n’a d’ailleurs jamais compris comment sa mère avait pu se marier avec lui, et encore moins comment lui a pu se marier avec elle. Elle est comme une antithèse de l’Afrique, de la chaleur et du laisser-aller. L’antithèse de la vie, quoi. Autant dire que ce fut comme un sacrifice pour Fetnat, le père. Mais c’est un sacrifice qu’il fit, et il s’y tint.  

Ironiquement, c’est Dorothée qui échoua à sa tâche de femme devant Dieu. Elle allait voir ailleurs, souvent, sans que jamais son homme n’en sache quoi que ce soit.  

 

Jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte d’un autre homme que Fetnat. Un noir, par chance. Elle garda l’enfant et devant l’inactivité sexuelle de son couple, prétexta qu’il était dû à une intervention de Dieu lui même. Scientifiquement, c’est une erreur : une fécondation de l’ovule sans spermatozoïde. Un surplus de calcium prépare l’œuf à la fécondation et une erreur au niveau de la division permet à l’œuf de se segmenter correctement. Neuf mois plus tard nait un bébé sans que papa n’y ait rien fait ! Eh oui, elle s’y connaissait, en science. Pour le coup, l’explication de comment le bébé fut mâte passa à la trappe.  

 

Un temps, Colombe avait cherché à retrouver son vrai père. Le génétique. Mais elle abandonna. Pas que sa mère eut beaucoup de conquêtes, mais la foi n’y était pas. Colombe aimait son faux père, Fetnat, malgré la non-vie qu’il s’était choisi. Elle ressentait toujours de l’amertume pour lui. Une culpabilité, comme si elle regrettait qu’il n’ait pas pu vivre sa vie.  

 

Colombe arrête de parler. Ses yeux sont embués. Difficilement, elle continue.  

 

Tout ce que sa mère apportait à la maison, c’était du silence. Un silence de mort régnait chez les Ouana. »  

 

Cette petite histoire que je vous raconte, c’est la mienne, évidemment. Enfin, ma version.  

Il y a quelques jours, mon père m’a dit : « Mais si, je suis heureux. Pouvoir faire un choix de vie et s’y tenir, c’est réussir quelque chose. C’est ce que je voulais. (puis, après un temps) Tu as une vision trop compliquée de la vie. »  

 

Après tout, il a raison. J’ai 38 ans, mariée, deux enfants. Mon mari (Bradley Howarth) est très occupé par le travail, il vit dans sa bulle capitaliste au dessus des réalités relationnelles, ce qui rend la vie de couple et de famille superficielle et propre au possible. Ma fille, l’aînée (Brittani Tager), est brillante en classe. Elle fera un bon médecin. Mon fils, le second (Colin Jarred), est dans un nuage autre que capitaliste. Et surtout, il est blanc. La couleur de la peau, c’est quelque chose, dans la famille.  

 

« Tu sais, la nature fait parfois des miracles » m’a dit mon mari quand l’enfant est sorti de mon ventre. Qu’entendait-il par là ? Qu’il savait que cet enfant n’était pas le sien (ce qui est faux) mais qu’il n’en ferait pas un drame ? Que c’est un « miracle » d’être blanc ?  

 

Depuis ce jour, j’ai toujours aimé penser que Eric - c’est le prénom de mon mari - avait la même foi que mon père. La foi en l’amour, le mariage. Aimer et protéger jusqu’à ce que mort vous sépare. Quand j’y réfléchis, je me dis que mon père a réussi. Et à chaque fois que je regarde Eric dans les yeux, à chaque fois que nous faisons l’amour, je ne ressens aucune foi. Aucune fierté.  

 

A chaque fois qu’il embrasse nos enfants, qu’il joue avec eux, je ne ressens aucun amour.  

 

Quelque chose de marrant avec mon père, c’est son prénom. Dans son pays, il était courant de donner aux enfants, à leur naissance, le prénom porté par le saint du jour lu sur le calendrier. Ils avaient un calendrier français. Il est né le 14 Juillet.  

Je crois qu’au fond, ça le définit bien. On lui a donné le prénom du jour et même si c’est une erreur de la part de ses parents, ça a été le prénom par lequel on l’appelé toute sa vie.  

 

Fet. Nat. n’est pas le nom d’un Saint.  

 

Quand j’étais petite, mon père me racontait souvent l’histoire de Jean La Chance. Il me disait : « Regarde le personnage que Brecht a peint dans ce livre. Je l’aime beaucoup. »  

 

Mon père me manque.  

 

Colombe regarde toujours la caméra. Un silence s’installe. Puis elle ferme les yeux.  

 

---  

 

Colombe ouvre les yeux. Elle est allongée sur la moquette, à coté du lit. Elle entend des pas dans l’escalier. C’est probablement son mari. La porte de la chambre s’entre ouvre.  

 

« - Chérie, ça va ? »  

 

Est-ce que j’ai l’air d’aller bien ?  

 

« - Chérie… La table est mise et le repas est prêt. Tu viens ? »  

 

Pourquoi mon fils est-il blanc ?  

Scénario : (3 commentaires)
une série B dramatique (psychanalytique) de Karl Hayes

Bradley Howarth

Renee Tilford

Colin Jarred

Brittani Tager
Musique par Frances Raven
Sorti le 26 avril 2019 (Semaine 747)
Entrées : 21 387 458
url : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=14340