Ecrit et réalisé par Charles Freeman.  

Avec Maxime Fiodor (Aden), Adélaide Lynch, Lawrence Kruger, Caroline Burns et Sokchana Keut.  

---  

2101 ; dans un building de World City.  

Aden court. Deux hommes le suivent de près, comme affamés. Il vient d’accéder au quatrième étage. Voilà huit heures que le Final Building tremble sous les combats acharnés des élus. Ils sont tous jeunes, ils sont tous sauvages, au fond.  

Ils sont tous fertiles.  

Aden en a déjà tué trois. Légitime défense se dit-il. C’est vrai que c’était lui ou eux, à chaque fois. Les premières heures ont été les plus difficiles, mais maintenant, il n'y pense plus. Le temps d’accepter qu’il avait été choisi, qu’il mourrait probablement et la machine fut lancée. Il se sentait incontrôlable, animal. Barbarie de l’informatique. Barbarie de la vie.  

Depuis trente années que la population mondiale est excessive, l’humain n’a su trouver de solution efficace à ce problème. En 2023, le virus du SIDA fut maîtrisé par la médecine. Seize ans plus tard, le cancer ne posait plus aucun problème. L’évolution démographique avait suivi une courbe exponentielle que rien ne semblait pouvoir arrêter. World City avait fini de recouvrir l’entièreté de la surface du territoire nord américain en 2086. La population mondiale avait atteint la barre maximale des 91 milliards d’individus en 2099. L’année 2100 fut un véritable massacre. Plus assez de nourriture synthétique, plus assez d’eau, ni même artificielle. Plus assez de bis-oxygène apporté aux mécanismes d’aide à la respiration que tout le monde avait adoptés. La guerre civile dura presque une année et lorsque l’accalmie montra le bout du nez, quelques 5 milliards d’hommes avaient péris.  

C’est alors que les Intelligences (qui ont succédé aux intelligences artificielles) lancèrent le processus de rénovation humaine, en 2101. Ce programme, entièrement inventé par l’informatique, était connu comme l’ultime solution au problème humain. Le principe était simple : préserver notre race, par n’importe quel moyen.  

Depuis presque trente années donc, les Intelligences géraient absolument tout dans la vie urbaine. Le moindre café commandé, le moindre ascenseur appelé ou rendez-vous pris étaient gérés par elles. Ces programmes mathématiques avaient atteint un tel niveau d’organisation qu’en somme, ils planifiaient les milliards d’occupations des milliards d’individus de façon toujours personnalisée et adaptée.  

Le 1er Février, Aden recevait une nouvelle offre d’emploi qu’il ne pouvait qu’accepter. Ainsi, il se retrouvait dans le 234ème building, avenue 119 du secteur ex-New Yorkais 10 jours plus tard. Cette même journée, les 357 employés dans le building avaient reçu des rendez-vous, des appels à l’extérieur, et 59 autres hommes -venant de toute part du monde- y étaient rencardés. Lorsqu’ils furent tous à l’intérieur, les portes se fermèrent à l’unisson.  

Tous les mécanismes d’aide à la respiration des personnes à l’extérieur s’arrêtèrent, laissant leurs utilisateurs suffoquer dans l’atmosphère sur-polluée. En une demi-minute, 51 milliards d’Hommes périssaient la bouche grande ouverte et les mains serrées contre leurs gorges. Une heure après, les explosions atomiques contrôlées pour ne détruire uniquement le béton, l’acier et les tissus humains avaient fini de ravager les villes et le restant des humains sur Terre, coupant toute liaison avec les stations extra-terrestres qui furent immédiatement condamnées.  

Seul resta debout le 234ème building, avenue 119 du secteur ex-New Yorkais désormais « Final Building ». A l’intérieur -au premier étage- les 60 élus pour leurs derniers combat, celui de la vie, celui de l’expérience humaine sur cette planète.  

Un processus humainement cruel, mathématiquement juste, selon les Intelligences.  

Le premier réflexe des élus enfermés fut de s’unir, de discuter autour d’une table. Ce n’est pas 12, mais 60 hommes en colère qui ne trouvèrent aucune solution « correcte ». Les premiers accrochements se firent rapidement entendre.  

Que se passait-il dans la tête de ces hommes, enfermés dans un building au milieu de rien ? Seuls au monde ? Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’il faisaient partie du processus de rénovation humaine inventé par l’informatique. Ils se sentaient maintenant trahis, bernés.  

Lorsque la faim prit le dessus, on chercha à accéder aux étages supérieurs, faute de pouvoir sortir. C’est là qu’Aden et les autres prirent conscience de leur situation : le règlement du jeu était inscrit sur un écran devant de grandes portes qui cachaient des escaliers.  

34 étages vides. Au 3ème se trouve les premières armes blanches : des couteaux de cuisine. Plus vous monterez dans les étages, plus les armes trouvées y seront efficaces et rares. Le 15ème étage est le premier endroit ou vous trouverez de la nourriture.  

L’accès à l’étage supérieur ne sera possible à chaque fois que deux hommes auront été tués ou toutes les six heures. L’accès au dernier étage ne sera possible que lorsque 59 hommes auront été tués. Ce processus a pour but de réveiller vos instincts humains qui assureront la survie de l’espèce : au sommet se trouvent deux femmes et deux enfants de sexes opposés.  

Les Intelligences vous souhaitent un bon combat. N’oubliez pas, vous êtes les élus !  

Certains regards se figèrent, d’autres se perdirent à chercher une émotion réciproque dans les yeux d’autrui. L’incompréhension régnait. Des hommes s’assirent par terre, contre les murs. La compassion se lisait dans tous les regards, mais au fond de chaque homme, une stratégie se construisait déjà. Certains chercheront à s’unir pour en vaincre d’autres qui resteront solitaires.  

Trois millions d’années auparavant, une forme quasi-identique d’intelligence avait permis de préserver l’humanité de la disparition. Une autre forme ressemblante recommencera sûrement, dans quelque trois millions d’années.