Il avait pensé à elle toute la journée. Il n’attendait que de rentrer chez lui, allumer son ordinateur et se connecter sur sa messagerie instantanée. Qu’était-elle en train de faire ? Elle devait sûrement pestait contre son patron encore et encore. Il souri en l’imaginant écrire sur des bouts de papiers des insultes comme elle le lui avait confié. Bureaucrate dans l’administration, il avait largement le temps de penser à elle.  

Sale pervers. L’écriture était saccagé, comme si la main qui le tenait était en rage. Ce salaud avait encore maté le décolleté plongeant de Lucy. Un jour, elle lui foutrait une baffe au travers de la gueule et ne remettrai jamais les pieds dans ce foutu cabinet de notaire. Les postes vacants de secrétaires sont pas monnaie courante mais il y en a. Elle se languit de rentrer chez elle, quitter ces foutus escarpins, enfiles ses grosses chaussettes en laine et marcher pieds nus. Ce caller devant son PC . Elle devait sûrement avoir des demandes de rencontres sur meethelove.com  

Ca y est, elle s’était connectée ! Il lui envoya un petit bonjour en tapotant sur son clavier. Elle lui répondit. Sa journée fut ignoble. Elle lui racontait ses déboires avec son patron, et les seize demandes de rencontre sur son site internet qui était vraisemblablement des demandes de plan cul. Frédéric lisait béatement tout ce qu’elle lui envoyait, et rigolait idiotement à chacune de ses blagues. Elle avoua qu’elle n’était peut être pas faite pour vivre une histoire avec quelqu’un. Fred avait des sueurs froides. Les mains tremblantes. Oserait-il lui demander de se rencontrer « In Real Life » pour la première fois ? Après tout, il était juste un ami. Ca ne donnait aucune idée déplacée, juste boire un café dans un bistrot de Paris. Il écrit sa demande, comme s’il s’agissait d’une question anodine, et hésita longuement avant de lui envoyer. D’un geste rapide, comme pour enlever un sparadrap, il appuya sur la touche « Entrée ».  

Boire un verre avec Fred ? Pourquoi pas, c’est un brave gars, sympa. Ca permettra de discuter un peu mieux que par internet. Et puis j’aurais enfin l’occasion de voir son visage ! Lucy donna son accord pour vendredi à 17h. Elle quitta le logiciel de messagerie instantanée et relu une dernière fois les demandes sur le site de rencontre. Dans une prose particulièrement jolie, son prétendant avait un on ne sait quoi dans sa demande qui la fit sourire. Elle alla sur son profil pour y découvrir la photo d’un homme légèrement plus âgé qu’elle, mais assez charmant et apparemment récemment séparé. Elle donna accepta en imaginant avoir finalement pu trouver une petite perle. Elle lui donna rendez vous vendredi à 18h30.  

Fred attendait assis dans ce bar à une table accolée à la vitrine en bougeant nerveusement son pied droit. Il scrutait la rue parisienne où des dizaines de badauds passaient et repassaient, en surveillant sa montre de temps à autre. Il était 17h passées de dix minutes.  

Puis il l’a reconnu, il lui fit des grands signes, elle le vit.  

Elle s’assit en face et s’excusa de son retard en enlevant ses petits gants en laine. Quelques « salut ca va ?», un café de commandé, un commentaire sur le froid et puis plus rien. Frédéric était incroyablement silencieux. Et dans sa tête il se disait à chaque seconde qu’il devait parler, sortir un mot, au lieu de la fixer idiotement avec un petit sourire forcé. Après plusieurs longues secondes, il lui déclara qu’il était content de la rencontrer. Qu’elle était encore plus jolie que sur la photo. Il sentait la peau de son visage bouillonner, il devait être monstrueusement rouge de gêne. Il insista légèrement sur le fait qu’elle était jolie, et releva son regard vers ses yeux, un petit sourire timide au coin de la bouche.  

Lucy commençait à comprendre la raison de ce rendez vous. Elle fut très vite distante puis à nouveau le silence entre les deux personnages. Elle s’excusa en prétextant un rendez-vous avec quelqu’un puis s’enfuit du bistrot.  

Elle rentra chez elle se préparer pour son rencart. Elle mit une élégante robe, se maquilla simplement. Elle appela un taxi pour l’emmener dans ce bistrot très chic et embrassa son matou avant de partir dans l’aube de la capitale.  

Il était 19h passée. Elle qui détestait attendre était complètement désespérée. Les rares fois où un prince charmant venait toquer à sa porte, il disparaissait de la surface de la Terre. Elle ressortit dépitée du bistrot après avoir réglé ses deux thés. Il faisait un froid de loup. Elle chercha dans son sac à main sa paire de gants. Il n’y était pas. Ca lui fit tilt d’un coup, elle les avait laissé sur la table quand elle avait quitté précipitamment Frédéric. Elle décida d’aller réclamer ses gants dans ce bistrot. Il n’était qu’à quatre rues d’ici. Sur le trottoir, elle s’arrêta nette devant la baie vitrée. L’intérieur de la salle était illuminé. Frédéric était assis à la même place. Il tenait et retournait tendrement dans ses mains les gants que Lucy avait oubliés quand elle l’avait abandonnée. Elle se sentait minable.  

Elle entra calmement dans le bistrot.