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Prod'Artaud présente
Les Visiteurs du Soir - première partie

Le début des années 80 en France est un moment important pour l’Europe. Au niveau national, l’année 1983 apparaît comme le moment où se situe la transition.  

 

Imaginons un seul instant que la logique européenne se soit inversée.  

Imaginons comment la fissure politique s’est construite à travers des acteurs socio-politiques de haut-vol et de haut-rang. Imaginons un moment que les « visiteurs du soir » aient réussi à convaincre Mitterand de rompre avec la volonté de cohésion européenne et quels impacts cela a-t-il eu sur nos vies.  

 

Pour cela il nous faut confronter les visions des acteurs politiques et celles des administrations des Finances et de la Monnaie afin de déterminer les positions de chacun.  

 

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L’Europe prend une place croissante dans le quotidien des hauts fonctionnaires au cours des années 1980. Or, entre 1981 et 1983 la France connaît trois dévaluations successives du franc. L’inflation est, lors de l’élection présidentielle de mai 1981, de près de 14%. Malgré les ajustements, les écarts d’inflations avec la RFA, éternelle référence, demeurent et se creusent, à travers le doute européen... Définitivement.  

 

A l’automne 1981,les tensions au sein du système monétaire européen sont quasi-constantes, si bien qu’en mars 1983, alors qu’une troisième dévaluation est imminente, des voix s’élèvent pour sortir le franc  

du système monétaire européen.  

La chronologie précise des événements qui va suivre, du milieu de l’année 1981 au mois de mars 1983, va détailler clairement les enjeux qui ont entouré cette dévaluation et qui ont déporté le débat sur la question plus générale de l’appartenance française à l’Europe, après le second choc pétrolier.  

 

Dans un contexte international tendu, les taux d’intérêt aux Etats-Unis ont de puissants effets récessionnistes pour éviter un énième choc pétrolier. La politique monétaire est lourdement contrainte par cette épée de Damoclès de voir réapparaître un dollar fort.  

 

Jacques Delors, alors ministre de l’Economie et des Finances, pense en 1981 que la relance économique ne sera jamais suffisante pour se parer d’un risque inflationniste dans un contexte récessif. « Il y a l’alternance, et l’alternance ça voulait dire une relance économique, et cette relance économique, bien que dosée, bien qu’ayant au début permis de créer des emplois, peu à peu elle se heurte à deux choses : le déficit du commerce extérieur et la méfiance du milieu financier, notamment aussi à cause des nationalisations et tout ça. Donc, le franc est sous pression dès le début. » Mais Jacques Delors ne parvient pas à convaincre le gouvernement de renoncer à la politique de relance qui ne trouve toujours aucun soutien au niveau international.  

« Qu’importe l’orgueil tant qu’il est suffisant pour s’épargner une nouvelle remise en question », indique Mitterand, pourtant prévenu de la fragilité de la situation. Le mois de mars 82 lui donne raison. Le ministre du Budget, Laurent Fabius, voit le déficit atteindre 210 milliards, l’inflation continuer d’augmenter et de creuser l’écart avec la RFA et les Etats-Unis. Au niveau national, le chômage ne cesse de croître et la croissance ne décolle pas. Tout au long du printemps, alors que la situation du franc sur le marché des changes ne s’améliore pas et que les réserves de devises de la France s’épuisent, le maintien de la monnaie nationale dans le système des marges étroites européennes est de plus en plus discuté.  

 

Le 9 avril 1982, François Mitterrand décide de dévaluer après le sommet de Versailles, il  

écarte l’idée de laisser flotter le franc, de peur qu’il sorte du Serpent Monétaire Européen (SME). Mais les camps se sont formés : Pierre Bérégovoy et Laurent Fabius sont pour le flottement ; Jacques Attali, Pierre Mauroy et Jacques Delors pour le maintien dans le SME. Le 4 juin 1982 s’ouvre le sommet de Versailles, à cette occasion le président français espère pouvoir obtenir des américains une relance concertée passant par une baisse du dollar, cette dernière permettrait de soutenir le franc sans réévaluation du deutschemark. Des réunions de chefs d’Etats et de Gouvernements, à celles des hauts fonctionnaires en passant par les discussions entre ministres des Finances, toute l’équipe française tend vers ce même but. Sans succès. Les hauts fonctionnaires du Trésor ont tenté d’obtenir un soutien international pour le franc. Ainsi Jacques Attali, en 82, passe une journée et une nuit à se battre avec ses collègues du G7. Il écrit au premier ministre Mauroy, dans ses derniers jours de fonctions : « Ecoute, on avait plus un sous dans les caisses, il fallait une nouvelle dévaluation, absolument. Donc, Mitterrand a dit qu’il n’en était pas question ».  

 

A la fin du sommet, François Mitterrand et Pierre Mauroy décident de dévaluer une deuxième fois. C’est lors de cette dévaluation que le gouvernement prend le tournant de la rigueur en refusant de le nommer. Il est vrai qu’en choisissant de dévaluer, François Mitterrand était conscient de renoncer à sa politique de relance, mais l’idée de la rigueur lui déplaît. Les objectifs de la nouvelle politique sont de réduire l’inflation et le déficit extérieur : la mesure la plus marquante reste le gel des prix et des salaires. Bien que ces mesures soient fermes, et marquent une orientation nouvelle pour la politique économique, elles ne permettent pas de rétablir la situation. Jacques Delors entrevoit Mauroy, au milieu d’un couloir sans fond, sous les dorures et le vide, et il lui dit : « Déjà d’une, on serre, on serre. Deux, ça ne suffit pas. Il faut serrer encore plus, j’en suis convaincu. Non ! Non, n’y pensez plus ! – m’a fait Mitterand. Cela fait plus d’un an que je le tanne, que je lui répète d’affronter la crise de plein fouet mais, plus que de m’écouter, il ne m’a jamais entendu ». Et Mauroy de répondre : « Le déficit du commerce extérieur augmente et déjà au sein de la majorité, beaucoup de voix s’élevent en disant : « c’est à cause de l’Europe et du SME, il faut sortir… Ecoute, Bérégovoy, on l’emmerde, lui, c’est pas le franc qui va flotter, c’est son cadavre. C’est un joker du président, s’il devient premier ministre, c’est uniquement pour mettre la pression sur la classe politique. Mais nous sommes plus nombreux que ce trouillard. Pour Fabius ce sera plus difficile, il est aguerri et adoubé par le grand manitou. Pour le reste, fies-toi au temps : il recommencera à te donner raison ».  

 

En effet, dès l’annonce de la deuxième dévaluation, la faute est rejetée sur les causes extérieures. Jacques Delors incrimine les Etats-Unis, les partisans du flottement s’en prennent, eux, au système monétaire européen. Aucun membre de la majorité ne met en cause la politique menée durant la première année du septennat, pourtant à contre courant des autres économies européennes car elle consiste au remboursement de divers endettements auprès du Fond Européen de Coopération Monétaire (près de 25 milliards).  

Seulement deux mois après la dévaluation, la faiblesse du franc se fait sentir. « Il faut vite trouver des munitions, annonce Mitterand un matin à son premier ministre Mauroy, il faut faire des emprunts de l’ordre de 4 milliards auprès de compagnies privées ! Et moi qui disait : après moi, il n’y aura que des financiers ! Haha ! ». Le premier ministre répondit oui, tout de suite, alors que d’autres comme Fabius maugréaient avec Bérégovoy lors d’une session interministérielle que « Tout partira en fumée si on ne laisse pas le franc flotter ». La seule alternative aux emprunts, c’est la création de devises par la Banque de France : 1 milliard supplémentaire !  

 

Delors à Attali, lors d’un petit-déjeuner à Chevreuse : « Je ne vois qu’une solution : c’est à nouveau de dévaluer le franc parce que cette fois-ci l’inflation, on va la prendre de plein fouet, elle va être encore plus forte. Et je me refuse à penser que Fabius, ce maigrichon libéral, ait raison sur la question. C’est un type influant et dangereux. Mais je pense trouver le moyen de le calmer ».  

Et Attali : « Allons, n’y pense même pas, le président ne l’écoute même pas, Mauroy non plus. De quoi tu t’inquiètes ! ».  

Delors : « Ce que tu ne comprends pas, c’est que les idées de Fabius ou de Bérégovoy sont les plus brillantes mais aussi les plus tenaces alors que les nôtres respirent à plein le masochisme, la quémande… La population ne supportera pas longtemps le contrecoup de toute cette… négativité ».  

Attali : « Le peuple doit faire régime et le régime doit faire le peuple. Chacun, du plus petit au plus grand, connaît ses responsabilités »  

Delors : « Si demain, l’ouvrier est dans la rue, Fabius et ses compères à la tête de bois et au sourire de diamantaire pourront se vanter d’être à son côté. Et ce sera le prochain à prendre ta place ».  

Attali : « D’ici ce que les syndicats préparent le terrain, il y a belle lurette que je serai perché… et toi aussi »  

 

A suivre…  

Scénario : (1 commentaire)
une série A historique (thriller politico-financier) de Stanley Kubrock

Yvan Nouzépatait

David Kaine
Avec la participation exceptionnelle de Joel Nicotero, Nando Arrabal
Musique par Renee Darby
Sorti le 13 novembre 2015 (Semaine 567)
Entrées : 4 863 439
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