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Prod'Artaud présente
Michel Senlis

Dans un appartement du XVIème arrondissement à Paris, Michel ouvre les yeux dans un lit satiné. Les dorures du miroir, en face du lit, l'ont réveillé. Aussi il ne perd pas une minute pour prendre une douche et se préparer. Pendant qu'il peigne sa barbe, il entend un long soupir depuis la chambre. Il sort de la salle d'eau et accueille cette femme, la soixantaine passée, impudique. Elle n'est pas belle mais elle est pleine de charme. Comme une chenille, elle s'enroule dans les draps et arrive tête entre les jambes de Michel. Il lui dit que c'est fini. La femme sort un rire diabolique, venant du fond de la gorge, et lui sort, dans un large sourire que l'argent est à l'entrée, dans le tiroir du secrétaire, qu'il prenne ce qu'il faut parce que, plus il prendra, plus la nuit aura été bonne. Il lui demande si c'est vrai. La femme rit et s'apprête à nouveau à dormir.  

Michel descend quatre à quatre de l'immeuble cossu après avoir raflé son gagne-pain de la nuit passée. Il a pris large, pas moins de 2000 euros et encore il en restait. Dans le café d'en face, il prend un allongé. La matinée est certes ensoleillée mais le temps est frais. Les clients du café le connaissent bien. Qu'ils adorent ou qu'ils détestent son mode de vie, Michel fait causer. Le patron veut savoir depuis quand il fait son métier ; c'est pour un pari.  

Michel est prostitué depuis 1972 et il prend son métier à cœur. Le patron lance un "Tu vois, j'te l'avais dit, 72 ! passe-moi tes cinquante" et empoche son dû. Au moment instant, une jeune femme entre et commande un paquet de cigarettes. Michel la remarque, s'apprête à lui sourire dès qu'elle tournera la tête, il écarte même les cuisses vulgairement. Il fait cela bien, il est professionnel mais la jeune femme est trop pressée. Puis au moment où elle sort, Michel se retourne vers le patron qui, avec sa gouaille habituelle, beugle : "Ah t'as vu ça ? Elle est mignonne hein ? Mais elle ne fait plus partie de ton marché." Et oui, l'âge ne pardonne pas dans le plus vieux métier du monde.Sur le trottoir, par delà la baie vitrée, Michel admire la scène : la jeune femme se dispute avec une autre de dix ans sa cadette. Elle la frappe durement. Le patron du bar sifflotte un "ouuuuh ! y'a du grabuge !".  

 

Michel n'a pas de mal à joindre les deux bouts pour le moment mais les client(e)s à cause de la crise sont de plus en plus rares, même s'il est le seul à faire ce qu'il fait. Son camion est situé boulevard Bessière et il s'y rend comme tous les matins. C'est un vieux J9 qu'il a aménagé pour recevoir le plus confortablement les client(e)s. Souvent, le matin, il réorganise et fait un peu de ménage. Les gens ne sont pas très motivés le matin, mais cela arrive. Pas aujourd'hui encore. Il se confie dans un journal intime intime qui sert aussi de livre de comptabilité. Il y note les passes et l'argent récolté (en marge). Parfois, il ressent le besoin de raconter ses passes, pour mémoire, pour se sauver, pour rire... La vie quoi !  

 

"La prostitution, c'est du taylorisme de masse. La pute reste à son poste. Le convoyeur sur le boulevard apporte devant elle la marchandise où une tâche simplifiée au maximum et rapide l'attend. La tâche est rationalisée et rationalisante, à ce point où l'habileté est accrue".  

 

Il y raconte, avec une voix douce et tranquille, ce qui l'a poussé à exercer. Ce qui l'a poussé à se travestir un moment donné.  

 

"Je ne fais que concrétiser chaque jour ce que je faisais à l'usine, le vol en moins".  

 

"Mon travail, c'est d'attendre. Entre deux, je fais l'amour."  

 

Il y raconte la montée du féminisme autrefois, que les femmes étaient en passe de faire respecter.  

Il y raconte l'histoire de la contraception, le progrès social mais aussi la culpabilisation actuelle à propos.  

Il y raconte sa clandestinité, la politique hypocrite de l'Etat mais aussi la clandestinité des autres, conscient d'exercer un métier où certaines sont forcées.  

 

Mais là, avec mélancolie, il constate que les comptes sont dans le rouge, la politique actuelle est destinée à faire plus de répression sur les clients. C'est la crise même ici.  

 

Alors que le matin Michel ne reçoit que rarement des visites, on toque à la porte du J9. C'est un jeune homme d'à peine 17 ans et Michel fait son accueil habituel, le fait s'asseoir, demande s'il veut un thé, un café, lui donne les tarifs. Dans sa tête, il sent qu'il va passer un bon moment car les jeunes adonis, ce n'est pas tous les jours. Le jeune ne dit rien. Michel comprend que c'est un timide et ne fait rien pour le dominer. "Si tu ne veux pas parler, ce n'est pas un problème. Tu déposes l'argent et je saurai quoi en faire, ne t'en fais pas. Si tu ne veux rien, tu peux sortir. Ici, tu es libre de dire qui tu es, ce que tu veux."  

 

Michel sert les thés en revenant près du carton de fortune qui sert de table basse. L'un sur le lit, l'autre assis en tailleur se font face. Le jeune homme lui dit alors : "Je veux être ton fils".  

 

Michel banalisa le propos et conclut qu'il s'agissait d'un énième fantasme autour de la fessée. Sachant cela, Michel le met tout de suite en garde car il a déjà été poursuivi pour coups et blessures suite à un rapport sado-masochiste. Le jeune insiste à lui dire qu'il est son fils. Michel s'interrompt car la vérité émane des yeux du jeune homme. Il lui demande son prénom. Le jeune homme s'appelle Michel aussi.  

Michel Senlis ne veut rien savoir et trouve la demande un peu trop louche de bon matin pour que ce soit honnête ou agréable et lui demande de sortir. Le jeune Michel refuse et raconte une histoire dont Senlis pensait être le seul à connaître. "En 1995, tu as reçu une veuve ici-même. Elle s'appelait Cindy Lefort mais tu ne le sais pas. Elle ressemblait à une veuve trop jeune pour l'être : 20 ans. Je sais juste qu'elle est sortie enceinte du camion.  

Michel n'est pas surpris par le récit et pensait bien que cela lui arriverait un jour, un peu comme toutes ces filles qu'il ne croisait plus sur les trottoirs parce qu'elles étaient en "convalescence".  

Senlis raconte alors sa version d'un fait vieux de 17 ans maintenant. Il lui avait paru étrange à l'époque puisqu'il était travesti et ne recevait en général qu'une clientèle homosexuelle. cela ne s'était pas passé comme ça. Pas exactement. Il raconte une histoire de coeur autant que de cul, ne ménageant pas la face cachée de Cindy Lefort, une maman pas comme les autres aussi.  

est-ce que Cindy est toujours vivante ? Le jeune homme se refuse à le dire.  

 

"Cela a du être long et beaucoup de questions pour me retrouver. Allez, bois ton thé, il va être froid".  

 

Dès lors, un lien chaotique va se tisser entre les deux hommes. Senlis lui raconte des anecdotes mais le jeune homme, en pleine sexualité naissante avec sa propre petite amie, veut tout savoir de son père : ce qu'il fait, comment il le fait, pourquoi ; il veut tout savoir du processus de prostitution, de la préparation de soi jusqu'à l'acte le plus étrange. Senlis ne va pas accepter aussi facilement de léguer sa vie. Etre mis en face de soi-même n'est jamais évident.  

 

C'est pourquoi Senlis va le former.  

C'est pourquoi ils vont voyager dans ce J9 où il s'est passé tant d'émotions.  

C'est pourquoi Cindy revient vers lui avec le parfum d'un amour déchu de jeunesse.

Scénario : (1 commentaire)
une série B comique (dramatique) de Nando Arrabal

Bruce Vinding

Julia Tilford
Musique par Melinda Fox
Sorti le 04 avril 2026 (Semaine 1109)
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