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Prod'Artaud présente
Artaud Et Faux-Cils

Medhi, Medhi, viens là mon fils… Détache-moi.  

 

Dans la banlieue de Rabat, Salé, Medhi cherche à travailler à la sortie des classes. Bien souvent, il se mettait sur un tabouret, entouré de feutres et de maquillages et pouvait passer son temps, jusqu’au crépuscule, à maquiller les gens et à dessiner toutes sortes d’animaux imaginaires et mythologiques. Medhi est un garçon de onze ans très doué.  

Aujourd’hui, il est à cours d’idée. Rien ne l’enchante. Et pourtant, il aurait bien besoin d’argent pour aider son père, mutilé, après avoir travaillé vingt ans dans une usine qui fabriquait des fûts métalliques. Sa main fut happée par une machine puis trouée à l’endroit où l’on devait appliquer un bouchon. Peu importe. Medhi n’a pas vraiment la tête à ça et, comme notre spectateur, il s’égare de son objectif.  

Rentrant de bonne heure, il eut la surprise de voir son père attaché à une chaise avec du câble électrique. Medhi ne se pose pas de questions : il détache son père. Fou de rage, celui-ci se dirige dans la deuxième pièce de la maison, dans un angle où il n’était pas possible d’observer. Dans un claquement sec et bruyant, le corps du père est projeté en arrière. Medhi prend peur, il s’enfuit. Il court et derrière lui, sa mère l’appelle en criant de douleur.  

 

Medhi aura toute sa vie pour réfléchir mais pour l’instant, il doit chercher où se maintenir. Alors, entouré de quelques feutres, comme tombés du ciel, il regarda la nuit tombée, et sans compter les heures, il tria les étoiles. Lorsqu’il eut fini, il comptabilisa avec son auriculaire, les galaxies. Medhi se dit que c’est un hasard complet et qu’il pourrait être n’importe où ailleurs. Sa mère le chercherait et lui il passerait son existence à chercher une explication qui ne viendra sans doute jamais.  

Medhi a maintenant quatorze ans et rien ne presse. Il a remonté la moitié du pays, sans réel but. A seize, arriva à Tanger, à dix-huit Melilla. Il aura longé une bonne partie de la côte marocaine comme pour contourner son problème autant qu’on tourne autour de son ennemi. Rien qu’à l’observer, les faiblesses tombent une à une dans les mains de l’agresseur. Il ne trouvait pas la mer aussi vaniteuse. Aussi, lorsqu’il arriva dans l’enclave espagnole après avoir grassement corrompu un garde armé qui surveillait son pan de mur, il prit la décision de nager jusqu’à Almeria.  

 

Non mais tu es fou ! Tu n’as aucun entraînement. Personne n’est parti de Melilla. Tu sais à qui tu me fais penser ? A Antonin Artaud. Tu as le même profil étrusque et assassin. Tu dois être un génie pour mériter un tel visage !  

 

Nando à quarante-huit ans, soit trente ans de plus. C’est un jeune homme gracile et perspicace qui passe son temps à observer les gens et à faire des discours dans la rue. Certains sont directement venus depuis la bouche de Staline pour les lui faire dire. Adaptés en deux trois mouvements mineurs, ces discours faisaient sans l’ombre d’un doute toute la personnalité de Nando. Alors Medhi s’assit devant lui tandis que Nando, en va et vient, chercha de quoi alimenter le prolétariat de ce jour. Mais on ne vit que les badauds et, d’un coup, il commença : quatre heures durant, il parla de la possibilité révolutionnaire du peuple espagnol à abattre les murs et à souffler sur les châteaux de cartes irrationnels et froids du capitalisme. Medhi n’avait pas bougé d’un pouce et Nando le prit en affection. Il le prit en affection, non pas parce qu’il avait écouté, mais parce qu’il avait compris et que cela faisait de lui un camarade.  

Medhi et Nando passèrent leur journée à s’entraîner à la nage et s’encourageaient mutuellement. Une fois, Medhi a parcouru la distance de soixante kilomètres ! Aussi, Nando le félicita et se résolut à chercher un bateau pendant les entraînements de Medhi. Mais cette fois, Medhi était parti pour de bon. Il encourait une mort certaine. C’est pourquoi Nando a pris n’importe quelle barque à moteur sur le port après avoir fauché trois bidons d’essence. Il partit loin, assez loin pour ne plus voir la côte où il avait passé son enfance. Nando ne se faisait aucun espoir : la méditerranée tue des sujets bien plus jeunes. Pourtant, c’est en filant la proue devant qu’il aperçut Medhi. Il nageait depuis sept heures et avait parcouru l’équivalent de…  

 

Alors combien ? Dis-le au moins ! Quoi t’as oublié le chronomètre ? Sais-tu combien il coûte ?!  

 

Medhi en voulut longtemps à Nando pour son chrono. A près huit jours, ils arrivèrent sur la côte espagnole à hauteur de Malaga. Nando prit un coup de colère, jamais il n’avait vu une pareille tête de mule. Malaga, ce n’était pas Almeria.  

 

Et l’Aragon, ça n’est pas la Castille ?  

 

Qu’il était drôle ce Medhi, il connaissait Boby Lapointe ! Il avait écouté tous les plus grands chanteurs français et avait appris le français de la sorte. Quand Nando sut qu’il parlait français, ils partirent dans le sud de la France. Pendant le trajet, Nando put observer comment il avait vécu jusqu’ici. Le jeune homme est doué pour le dessin, tous les types de dessin et le maquillage aussi. Les touristes affluaient en la saison estivale. Beaucoup d’allemands venaient chercher de la chair fraîche pour mettre sur leur gros ventre. Qu’ils puaient ces gros porcs ! Nando et Medhi en profitaient pour en dépouiller un de son larcin. Medhi s’occupa d’éventrer le porc, maintenant couché sur le flanc.  

 

Arrête ! Arrête ! Il va crever !  

 

Medhi détestait le cochon. Il les méprisait bien plus que les anticommunistes ! Sa mère pouvait être fière, la truie ! Le portefeuille ne contenait presque autant qu’ils avaient déjà dans leurs mains.  

 

Calme toi ! Medhi ! Oh ! C’est fini le porc, ta mère, tout ça ! Nous avons l’argent de la sueur et celui du capitaliste !  

 

Medhi persista pour dire qu’il n’avait rien. Le lendemain, Medhi avait disparu sans laisser de traces. Et il ne revint plus vers Nando. Medhi acheta une caméra et passait son temps à vivre caméra au poing. Cette passion soudaine lui permit de décompenser une rage qu’il contenait. Enfin il avait trouvé le moyen de partager sa vision des choses. Puis il fallut bien travailler alors il mena une double vie entre sa profession d’ouvrier sans qualification et sa vie d’auteur inconnu. Il partagea la vie de plusieurs femmes, incapable de garder des relations durables. Toutefois il eut un amour qui dépassa tous les autres avec une géorgienne du nom d’Ekaterina Svetlana. Ekaterina, marié à quinze ans, se suicida devant sa fille. Certaines choses disparaissent sans explication, Medhi pensa à les laisser s’enfuir telle qu’elle. Mais la tristesse était grande. Il garda trace du souvenir amoureux en élevant à distance et de manière anonyme sa fille nommé Nadège. Les choses se reproduisent et s’abandonnent sans qu’on ne puisse rien y faire… A la retraite qui suivi quelques quinze après le drame, il se remit à filmer mais en construisant un peu mieux ses œuvres. Il monta à Gérarmerveille. Où il prit le nom de Marcel Duchampignon.  

En trois ans, il avait acheté une licence qu’il avait appelé « Prod’Artaud » et fit des rencontres toujours plus fabuleuses. Son charisme et sa ténacité attirait les camarades et ces mêmes camarades tournaient des films pour sa maison de production basée à Gérardmerveille. Avec sa rhétorique, rien ne lui échappait. Son univers plongeait davantage dans le domaine dramatique et marquait une singularité rare à GM. Alors qu’il finançait de jeunes auteurs avec l’argent de précédents films, il rencontra Rrose Sélavy avec qui il partagea sa détestation pour les cochons. Rrose Sélavy était alors atteint d’une schizophrénie délirante et paranoïde, maladie grâce à laquelle il sortit les films « Xypreza », « Enato », « T.21 » ou encore « Le bûcher de Jeanne ». Ce fut le début d’une indicible amitié voguant entre l’idéologie et un surréalisme décapant. En collaboration, ils prévoyaient des projets toujours plus grands et toujours plus ancrés dans l’idéologie matérialiste qu’ils adaptèrent au cinéma.  

 

Prod’Artaud grossit comme un porc suintant, contrairement à son idéologie. Ainsi la maison profita comme d’autres de la crise qui secouait le monde financier pour sortir « Simulation de crise », le film le plus cher de l’histoire de GM. Cette œuvre demeura une épine dans le pied de tous les grands producteurs avec qui Marcel Duchampignon entretenait des relations sans concession parce que sans sensibilité socialiste. Sectaire Prod’Artaud ? Duchampignon s’en défendit tout le temps où il fut en place comme le Premier Secrétaire Général : il maintenait d’une main de fer l’hygiène politique et marquait les frontières avec les ennemis de classe. Rrose Sélavy, fragilisé par l’affaire Pariseau, fit soudain revenir Nando Arrabal, perdu de vue depuis quarante ans.  

 

En secret, et jamais Marcel ne le sut, Nando fit venir une certaine Nadja Svetlana à Gérardmerveille. Nadja est une jeune militante du national-bolchévisme pour qui le goût de la propagande est tout ! Lorsqu’un soir après les dernières élections où Molchany dut être réélu, Nando prit le soin de mettre en relation Nadja et son père. Dans une pièce, avant que tout ne dégénère en fiasco, ils passèrent un mauvais quart d’heure… de célébrité !  

Nadja Svetlana saura-t-elle maintenir la politique fixée par son père et le créateur Prod’Artaud ?  

Scénario : (3 commentaires)
une série Z documentaire de Nando Arrabal

César Montebas

Charlène Gainsbert
Sorti le 08 mai 2015 (Semaine 540)
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