Annah n'avait pas d'opinions. Aucune, sur rien. Pas de désirs, pas d'envies et pas de convictions. Si elle avait embrassé la carrière de tueur à gage, ce n'était pas par besoin ou par envie, mais parce que ça payait bien et que cela lui permettait de préserver la seule chose à laquelle elle tenait vraiment : sa liberté.  

Depuis que la guerre avait éclaté, elle travaillait pour la résistance. Pas parce qu'elle se sentait profondément anti-fasciste, non. Ni parce qu'elle était une républicaine convaincue que l'ingérence des Allemands dans la politique française révoltait, non plus. Et encore moins par idéologie communiste. La cause était plus simple et beaucoup plus pragmatique : pour l'instant, c'était les Alliées qui payaient le mieux.  

D'ailleurs, elle n'avait rien contre les nazis. Eux non plus n'avaient rien contre elle. Elle était française de naissance, de père marocain et de mère alsacienne. Le prototype, en apparence, de la jeune fille rangée. Mais elle avait déjà tué. Souvent. Sans complexe. La plupart du temps, pour le seul sentiment de puissance et de liberté que cela lui procurait.  

Ce soir là, elle avait pour mission de tuer un préfet collaborationniste pour le compte de la résistance afin qu'ils puissent le remplacer par un homme favorable aux Alliés. Cela lui faisait plaisir. Non pas parce qu'elle avait l'impression de faire une chose bien mais parce qu'elle sentait que cette mission serait dure à accomplir. Un vrai challenge. C'est ce qu'elle aimait dans son métier : l'action, et surtout l'action dangereuse. Elle avait eu une vie trop paisible jusque là, couvée par une mère surprotectrice, et cela l'excitait.  

Une demi heure après, l'affaire était faite. Annah épousseta négligemment les quelques restes de poudre qui restaient sur la manche de son manteau, s'assura que son pistolet était bien caché, et sortit calmement dans la rue. En ce soir de l'hiver 1943, le froid se faisait sentir. Un froid glacial pour la plupart des gens, revigorant pour elle. Elle décida de rentrer chez elle à pied pour profiter du calme de Paris la nuit. En rentrant chez elle, elle aurait sûrement un message que le concierge s'empresserait de lui remettre. Sûrement ses commanditaires pour la féliciter et peut être même une nouvelle offre d'emploi.  

Revivant dans sa tête avec plaisir les évènements de cette soirée, elle ne vit pas l'automobile qui venait à toute vitesse dans sa direction alors qu'elle traversait. Le choc fut rude et la laissa sonnée, inconsciente.  

Quelque temps après, elle ne savait pas combien, Annah se réveilla dans une chambre de bonne. Un lieu qu'elle ne connaissait pas, dans un lit inconnu. Son Ruby était posé à côté d'elle sur la table de chevet. Elle se leva précipitamment et sentit une violente douleur à la tête qui la laissât sans bouger pendant quelques minutes.  

Puis, elle se dirigea vers la table qui se trouvait dans le coin. Un petit cahier était posé dessus, ouvert en grand. Une liste de nom y figurait, tous étant barrés sauf un : Annah Abecassis.  

Annah se dirigea lentement vers la table de nuit et prit son pistolet. En même temps, un homme entra dans la pièce, en uniforme de soldat nazi, un verre de scotch dans une main et une serviette de l'autre. Annah se retourna précipitamment, se sentit vaciller, et tira. Elle atteint l'homme à l'épaule. Puis elle se précipita dans les escaliers.  

Arrivée dans la rue, elle chancela. Elle sentit alors une main sur son épaule. Elle se retourna et vit que l'homme l'avait suivi."Mon nom est Fredrich Kruger. Venez, vous avez besoin d'un remontant."  

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Film tourné dans les studio de la société Prod'Artaud (Artaud Studio)