Documentaire interdit aux mineurs et aux âmes sensibles ou innocentes.  

Gonzo – Destruction à la chaîne comporte des scènes sur des tournages de films pornographiques dits gonzo ou « Point of view pornography ».  

Assise contre une porte, Natacha tire de longues lattes sur sa cigarette. Son maquillage a dégouliné sur ses joues. Traits tirés, elle tourne son visage face caméra. Regard vide, elle balance par saccade « Je suis une grosse pute. Je sais plus quand qu’ça a commencé. Remarque, j’aime ça. » Sourire effrayant, Natacha écrase sa clope sur le carrelage et enchaîne « P’t être quand j’me suis fait sauter par l’avocat d’mon père, ou son associé. J’sais plus. Treize ans, qu’j’avais » Alors que des cris simulant l’orgasme, entrecoupés de « salope », se font entendre dans la pièce d’à côté, Natacha refait avec délicatesse son chignon. « En tout cas, j’m’sens vivante. J’veux pas devenir une moins que rien. Un animal. » Dans sa main, un gode qu’elle vient de ramasser sur le carrelage.  

Deux heures plus tôt.  

Six gars. Bite à la main. Ils s’astiquent minutieusement et contemplent le carnage. Chacun attend son tour. Au centre, un corps fragile se fait pénétrer à la chaîne. Natacha encaisse sans broncher, souriant même à la caméra la filmant à moins de cinquante centimètres. Au changement de partenaire, Natacha vacille… Tirée par les cheveux d’une main ferme, Natacha se redresse et crie lorsque le gars plonge sa main dans son vagin. Une main qui le fouille sans ménagement.  

Les scènes se succèdent et chaque mâle adopte une attitude robotique. En gros plan, la chair. En fond sonore, les réflexions humiliantes s’enchaînent. « T’aimes ça salope ». La mécanique est bien huilée. Et même quand Natacha s’évanouie au bout de trois quart d’heure, deux/trois claques et une bouteille d’eau vidée sur le visage la remet en selle pour la scène finale d’éjaculation faciale. En gros plan.  

Deux mois plus tôt.  

Dans un bar. Bjorn Miller rigole avec des amis. Il raconte sa dernière nuit d’hôtel avec deux escortes-girls, l’une « nègre », l’autre « bien salope ». En tournage, Big Barracuda, comme la plupart des vedettes du grand écran, assouvissent pendant la nuit leurs fantasmes ressassés durant des heures devant des streaming enquillés à la chaîne sur YouPorn. Devant du pixel, ils sont dans la logique du spectateur. Face aux putes, ce sont des clients. Bien élevés, ils ne pratiquent pas la destruction à la chaîne. Pas encore.  

Mais combien d’hommes s’abreuvant au Gonzo participeront à la performance de Natacha prévue dans la nuit de la Saint-sylvestre afin de battre le record du gang bang détenue par Lisa Sparxx ?  

En chair et en os dans cette course macabre de marteaux-piqueurs pour entrer dans le livre des records de la performance.